Origine et histoire
Le domaine de Villèle, anciennement habitation Desbassayns, est une propriété coloniale située dans le quartier de Villèle à Saint-Paul, à La Réunion. Il regroupe autour de la maison de maître l'ensemble des bâtiments de service et de production : cuisine, réserves, hôpital des esclaves, logements des engagés et usine. La maison de maître, datée de la fin du XVIIIe siècle et achevée en 1788, est la troisième construction en maçonnerie réalisée par A. Panon-Desbassyns sur un même modèle ; elle abrite aujourd'hui le musée historique de Villèle. Le domaine est d'abord consacré aux cultures vivrières, puis au café et enfin à la canne à sucre ; son usine sucrière, édifiée en 1822 au sud de la maison, fut dotée d'un moulin à vapeur et modernisée au XIXe siècle, dont subsistent des vestiges en ruine. L'histoire de la propriété commence en 1770 lorsque l'officier créole Henri-Paulin Panon Desbassayns se marie avec Marie Anne Thérèse Ombline Gonneau et réunit des terrains couvrant 190 hectares, étendus ensuite par héritages et achats. Le domaine connut une forte augmentation de sa superficie et de sa main-d'œuvre esclavagiste au cours de la période coloniale, atteignant plusieurs centaines d'hectares et plusieurs centaines d'esclaves selon les recensements cités. Face aux défis économiques du début du XIXe siècle, Madame Desbassayns fit édifier une usine en 1822 puis confia l'administration de l'habitation à son fils Charles-André, tandis que l'ingénieur Joseph Martial Wetzell procéda à des travaux de modernisation au début des années 1830. Pour alimenter l'usine en eau, la famille aménagea une pompe actionnée par une roue hydraulique placée dans la ravine et reliée à une concession au Bassin Bleu. Les révoltes d'esclaves dans l'ouest de l'île et la crainte qu'elles suscitèrent poussèrent Madame Desbassayns à promouvoir l'évangélisation des esclaves et à faire construire la chapelle Pointue entre 1841 et 1843, destinée aux esclaves et aux pauvres des environs. Madame Desbassayns mourut en 1846 ; son testament annula certains affranchissements antérieurs et ne laissa aux esclaves que la fondation de la chapelle. L'esclavage fut aboli définitivement en 1848 et les plantations durent recourir à l'engagisme pour recruter de la main-d'œuvre, principalement d'origine indienne, ainsi que des travailleurs venus d'Afrique et de Madagascar. Après plusieurs changements de propriétaires et les difficultés liées à la crise sucrière, l'usine cessa son activité en 1908 et le domaine prit, par mariage, le nom de Villèle. Au XXe siècle la propriété passa au Crédit Foncier Colonial en 1960 et une partie fut cédée au conseil général en 1973, permettant la création du musée historique de Villèle en 1974 et son inauguration en 1976. Un mémorial pour les esclaves de la plantation, inauguré en 1996 dans l'ancien hôpital des esclaves, rend hommage aux Cafres, Malgaches, Indiens et Créoles et présente des plaques de basalte portant noms, âges, origines et fonctions. Le domaine, inscrit en totalité au titre des Monuments historiques le 16 juin 1997, a été classé en décembre 2019. La demeure des maîtres est de type « malabar » par son style et sa technique, avec varangues superposées soutenues par quatre colonnes, toit-terrasse en argamasse et murs épais conçus pour limiter les risques d'incendie et résister aux cyclones. La cuisine est un bâtiment séparé pour réduire les dangers d'incendie et l'inconfort des fumées, et l'hôpital des esclaves est un édifice modeste en pierre de taille comportant au rez-de-chaussée trois petites salles aveugles et des espaces à l'étage, conformément aux obligations réglementaires. Les ruines de l'usine sucrière, optimisées en 1832 et partiellement détruites par un cyclone en 1932, témoignent des remaniements liés à l'évolution des techniques sucrières au XIXe siècle. La chapelle Pointue, en forme de rotonde avec une toiture inspirée des pagodes chinoises, abrite la tombe de Madame Desbassayns transférée depuis le cimetière marin et reçoit un décor néo-gothique réalisé entre 1883 et 1885 ; elle a été classée au titre des monuments historiques en 1970 et a accueilli en 2018 la sculpture Trois frères de Sandrine Plante-Rougeol. Le jardin du domaine comporte des sculptures contemporaines, dont Bann marronér en bronze, hommage aux esclaves marrons, et une statue en basalte de Madame Desbassayns lisant le Code noir, réalisée en 2006.