Patrimoine classé
Château, y compris les vestiges de l'ancienne tour ; parc tel qu'il est délimité sur le plan joint au dossier, et comprenant notamment : les éléments de décor (la grotte, les deux arcades, vestiges des anciens communs, les deux vasques en fonte situées devant la serre) ; la serre ; l'ancienne avenue d'accès ; le système hydraulique : les douves bordant la cour d'honneur et les communs à l'ouest, l'étang au nord, le bassin rectangulaire à l'est, le bief d'amenée d'eau avec ses ouvrages, y compris l'étang des Costils situé en amont ; l'ancienne turbine du château et les vestiges du moulin situés en contrebas devant l'entrée de la cour d'honneur du château (cad. Tourlaville AL 43, lieudit Le Pré Mare, 48, 49, 78, lieudit Le Jardin, 50, lieudit Le Vieil Etang, 51, lieudit La Chesnais, 55, lieudit Le Château, 56, lieudit Rue du Château des Ravallets, 57, lieudit L'Etang de derrière le Château ; AM 7, lieudit Le Pré des Fonds ; ZB 15, lieudit L'Avenue du Château ; La Glacerie ZA 76, lieudit Les Costils) ; chemin rural numéro 34 non cadastré comprenant les vestiges de la turbine et l'ancien moulin dans sa partie élargie face à l'entrée de la cour d'honneur du château, entre les parcelle ZC 57 et 58 du cadastre de Tourlaville ; bief non cadastré, situé au droit des parcelles ZC 56 et 64 du cadastre de Tourlaville et au droit de la parcelle ZA 79 du cadastre de La Glacerie (limite des communes de La Glacerie et de Tourlaville) : classement par arrêté du 4 mars 1996
Personnages clés
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| Julien de Ravalet |
Personnage connu pour son histoire tragique avec Marguerite de Ravalet. |
| Marguerite de Ravalet |
Personnage connu pour son histoire tragique avec Julien de Ravalet. |
| Charles de Franquetot |
Propriétaire ayant commandé un tableau pour le château. |
| Édouard de Tocqueville |
Membre de la famille ayant entrepris des travaux de rénovation. |
| René Clérel de Tocqueville |
Entreprit d'importants travaux et aménagements dans le parc et le château. |
| Valentin Lenavettier |
Propriétaire du château en 1910. |
| Gabriel Malençon |
Architecte ayant dirigé les travaux de rénovation au XIXe siècle. |
| Jean II de Ravalet |
Frère ayant initié la construction du château. |
| Jacques de Ravalet |
Frère ayant initié la construction du château. |
| René de Tocqueville |
Membre de la famille ayant entrepris des travaux de rénovation et aménagé le parc. |
| Gilles Clément |
Paysagiste ayant conçu des aménagements contemporains pour le parc. |
Origine et histoire
Le château des Ravalet, dit aussi château de Tourlaville, est une demeure de la Renaissance cotentinoise, remaniée au XIXe siècle par la famille de Tocqueville et classée au titre des monuments historiques ; il est également connu pour l’histoire tragique de Julien et Marguerite de Ravalet. Il se situe près de la rivière Trottebec, à environ un kilomètre au sud-sud-est de l’église Notre‑Dame de Tourlaville, dans la commune nouvelle de Cherbourg-en-Cotentin, département de la Manche. Des origines anciennes lui sont parfois attribuées : Charles de Gerville évoque un château primitif vers 780, puis une seconde forteresse, avant la construction du bâtiment actuel en schiste bleu entre 1562 et 1575, restauré en 1859 ; le domaine appartient aujourd’hui à la ville de Cherbourg-en-Cotentin. Des documents médiévaux mentionnent Tourlaville (Torlachvilla) et des seigneurs locaux aux XIIe et XIIIe siècles, tandis que jusqu’au milieu du XVIe siècle le domaine fut partagé en deux fiefs. Le manoir médiéval passa ensuite entre diverses mains ; Jean de la Guette l’acquit avant que, pour résoudre des difficultés financières, la seigneurie ne revienne à la famille d’Estouteville puis aux Ravalet. En 1562 Jean II et Jacques de Ravalet reçurent la fiefferme de Tourlaville et firent édifier, en conservant le donjon, le château Renaissance achevé en 1563 ; au milieu du XVIe siècle la famille possédait de nombreuses paroisses et fit de Tourlaville un vaste domaine. Jean III et Madeleine de La Vigne eurent dix enfants, dont Julien (1582) et Marguerite (1586) ; les amours entre ces deux derniers furent jugées et aboutirent à leur exécution à Paris en 1603, événement qui inspira des aménagements commémoratifs sur le site. Après des successions et des revers financiers, Charles de Franquetot obtint la seigneurie en 1653, améliora l’intérieur puis fut assassiné en 1661 ; son frère Robert hérita ensuite et acheva la construction des communs, avant que le château, transformé en ferme, n’abrite pendant un siècle et demi des métayers et du fourrage. Au XVIIIe siècle le domaine passa dans diverses familles puis, à la fin du siècle, dans la famille Clérel de Tocqueville : Édouard de Tocqueville restaura le château en 1859, Bernard‑Hubert en fut propriétaire un temps, et René Clérel de Tocqueville entreprit d’importants travaux, recréa le parc, fit creuser des étangs, aménagea une turbine et fit construire une grande serre dans les années 1870. En 1910 le château fut vendu à Valentin Lenavettier, servi d’hôpital militaire secondaire pendant la Première Guerre mondiale et changea encore de mains avant d’être acquis par la ville de Cherbourg en 1935. Durant la Seconde Guerre mondiale le château fut successivement occupé par des unités françaises, puis allemandes, puis américaines, et subit des dégâts ; la ville entreprit le nettoyage et des restaurations dès 1946, avec des reprises de travaux dans les années 1960 et 1970. Le corps de logis présente un plan massif et rectangulaire ceint de tourelles d’angle ; deux niveaux de combles datent de la seconde moitié du XIXe siècle. L’ensemble est bâti en schiste bleu du Nord‑Cotentin, les encadrements et soubassements étant en calcaire d’Yvetot‑Bocage. L’intervention d’Augustin‑René de Tocqueville et de l’architecte Gabriel Malençon, à partir de 1871, a façonné l’aspect actuel : façade ouest refaite, chapelle abattue remplacée par une tour ronde, tour carrée ajoutée au nord et pignons percés de grandes fenêtres de style Renaissance ; le pignon oriental conserve une tour carrée d’allure médiévale, crénelée et pourvue d’une échauguette. La façade sud, qui donne sur la cour d’honneur accessible par un pont à trois arches au‑dessus d’une douve, affiche une symétrie autour de bandeaux horizontaux et comprend six fenêtres à meneaux, trois lucarnes et deux portes encadrées de pilastres cannelés ; les deux tours cylindriques qui l’ornent portent blasons et lettres commémoratives. La façade nord, qui domine l’étang, est plus hétérogène, avec tours triangulaire, carrée et octogonale ; la tour‑porte dite des « Quatre‑Vents » abrite un grand escalier d’honneur dont la rampe en fer forgé du XIXe siècle est décorée d’un motif en forme de cœur transpercé. Des vestiges de l’édifice médiéval subsistent : donjon, deux tours rondes, porterie et système de douves, ainsi que la base d’une ancienne tour à l’ouest, que Jean Canu considérait comme l’entrée d’un corridor souterrain. À l’intérieur, le château compte une vingtaine de pièces : la salle des gardes conserve une cheminée monumentale du XVIe siècle et un plafond peint, la salle à manger accueille le tableau Marguerite et les Amours commandé par Charles de Franquetot en 1665, et le premier étage réunit grands salons et la « chambre bleue » octogonale de la tour sud‑est, décorée et associée à la mémoire de Marguerite de Ravalet. Le parc, qui couvre quatorze hectares, a été redessiné en 1872 avec deux étangs, une grotte et une serre construite dans les années 1870 et restaurée en 2001 ; René de Tocqueville y introduisit de nombreuses plantes exotiques, aménagea le réseau d’eau et fit installer une usine électrique sur le Trottebec pour éclairer des réceptions. Le site est inscrit comme « site naturel inscrit » pour la vallée du Trottebec et le château, avec ses vestiges, le parc délimité et plusieurs éléments (grottes, arcades, anciennes communs, vasques, serre, avenue, système hydraulique, turbine et vestiges du moulin), est classé au titre des monuments historiques par arrêté du 4 mars 1996. Le parc est ouvert au public depuis 1960 et labellisé Jardin remarquable ; des aménagements contemporains, dont le jardin Mandala et la Prairie en îles conçus par Gilles Clément, y ont été réalisés en 2014. Le château a inspiré la littérature, notamment une nouvelle de Jules Barbey d’Aurevilly, et a servi de décor au film Marguerite et Julien de Valérie Donzelli (2015). Le parc reste accessible au public et le château ouvre à certaines périodes, notamment en été lors de visites guidées et pendant les Journées du patrimoine.