Origine et histoire
Le Domaine du Grand Hazier est un domaine agricole situé à Sainte‑Suzanne, à La Réunion, issu d'une ancienne plantation coloniale fondée à la fin du XVIIe siècle. La maison de maître, inscrite à l'inventaire des Monuments historiques depuis le 16 décembre 1991, ainsi que ses dépendances, ses parcs, ses jardins, son verger, son potager et la grande allée bordée de cocotiers jusqu'à la route nationale 2 constituent l'ensemble protégé. Le domaine, qui abrite une vanilleraie et une chapelle hindoue en bord de mer, se visite sur rendez‑vous.
Entre 1674 et 1678, Henry Esse d'Orgeret accorda une concession à Jean Julien, un ancien soldat lyonnais qui s'installa sur la côte au vent avec son épouse malgache et cultiva les terres de Sainte‑Suzanne, confirmées en 1703. Dès l'installation, des esclaves participèrent au développement de l'habitation ; parmi eux, Charles, originaire des Indes, arriva avec Jean Julien et contribua à la mise en culture de la concession. En 1709, Jean Julien échangea Charles avec le colon Augustin Panon, qui, après la mort de la femme de Julien, prit en charge l'entretien des terres et devint, à la mort de Jean Julien en 1714, propriétaire unique de la plantation tout en résidant à La Mare. Les cultures du domaine fournissaient des produits vivriers et un peu de canne à sucre, et en 1710 Panon détenait un cheptel important ; en 1723 l'habitation s'étendait sur 147 hectares. Après le décès de la femme d'Augustin Panon, la propriété fut partagée entre lui et les enfants de la défunte, et le nom « Le Grand Hazier » désigna alors le lieu‑dit regroupant plusieurs habitations appartenant majoritairement aux descendants Panon.
Entre 1789 et 1813, la propriété passa, par alliance, à Nicolas Vincent Charles Caradec, période durant laquelle la maison de maître fut construite. À la mort de Caradec en 1813, l'habitation couvrait près de 52 hectares ; sa veuve, Madeleine Gillot, se détourna en partie des cultures vivrières au profit de la canne et fit édifier une sucrerie avec la famille Nas de Tourris avant 1830. L'inventaire après décès de Marie Nicolas Gustave de Nas de Tourris en 1836 recense quarante‑cinq personnes asservies vivant sur l'habitation, réparties selon l'origine mentionnée.
La loi d'abolition de l'esclavage de 1848 mit fin à l'institution et prévoyait des indemnisations ; Rose Angélique Sophie Caiez d'Épinay reçut la somme indiquée comme compensation. L'affranchissement provoqua un départ de main‑d'œuvre et conduisit les planteurs à recourir à l'engagisme, en particulier à des travailleurs indiens appelés Malbars, ainsi qu'à des engagés d'Afrique et de Madagascar. À partir de 1859, des épidémies de choléra touchèrent durement ces engagés ; confronté à ces difficultés, Louis de Nas de Tourris, alors maire de Sainte‑Suzanne, soulagea la population puis vendit le domaine pour tenter la culture de la canne en Nouvelle‑Calédonie, mouvement suivi par d'autres planteurs. Adolphe Richard et Marie Eugénie Deshayes acquirent ensuite le domaine ; ils avaient perçu une indemnité après l'abolition et, en 1876, ajoutèrent au Grand Hazier le domaine de Belle Eau. Ernest Vinson acheta le domaine en 1894 ; ses héritiers le cédèrent ensuite à la société Lépervanche & Cie.
En 1903, Albert Chassagne, ingénieur issu d'une famille bordelaise installée à La Réunion, racheta le domaine et diversifia les cultures en ylang‑ylang, vanille, canne à sucre et cultures vivrières comme manioc, maïs et pois. À partir de 1911 il entreprit la reconstruction et la modernisation de la maison de maître. Après le décès d'Albert Chassagne, sa veuve et ses enfants constituèrent une société civile immobilière qui perdure depuis 1947, et une entreprise de vanille s'installa dans les anciennes écuries ; le domaine est depuis ouvert aux visites.
La maison des maîtres, d'origine construite sous Caradec en bois, couverte de bardeaux et lambrissée, respecte les standards des maisons créoles avec étage, varangue, salon, salle à manger et cuisine extérieure ; elle fut reconstruite une première fois par la famille Nas de Tourris vers 1860, puis par Albert Chassagne en 1911. La demeure principale faisait face aux cases des personnes réduites en servitude. Le jardin comprend plusieurs vergers et un vaste potager de deux mille mètres carrés. Le domaine présente des allées, des chemins d'accès et des espaces intérieurs qui figurent dans la galerie.
Parmi les études consacrées au lieu figurent l'ouvrage de Claude Rossignol et le dossier dirigé par Morgan Aupiais.