Origine et histoire du Donjon de Jouy
Les restes du donjon de Jouy, situés dans l'ancienne ville de Jouy désormais intégrée à Sancoins (Cher), constituent le vestige d'une imposante forteresse attribuée à Pierre de Giac et datée par certains auteurs des environs de 1370-1380. Le donjon, de plan carré, était flanqué de tours circulaires aux angles ; son intérieur comportait plusieurs niveaux desservis par un escalier, le rez-de-chaussée étant voûté en berceau brisé et éclairé par deux archères, le premier étage voûté d'ogives portées par des colonnettes d'angle aux chapiteaux feuillagés, tandis que les deux étages supérieurs étaient pourvus de planchers ; la tour sud-est, au niveau du deuxième étage, abritait une chapelle. L'implantation du site domine la vallée de l'Aubois et l'étang de Javoulet et repose probablement sur l'emplacement d'un camp romain, comme l'attestent des vestiges de pavage et la bifurcation d'une voie romaine mentionnée dans les Commentaires sur la Guerre des Gaules. Au haut Moyen Âge, des moines disciples de saint Colomban auraient fondé un monastère sur les fortifications antiques, exploitant les tranchées du camp pour l'enceinte et y installant cellules, puits, église, nécropole et une tour carrée qui fut ensuite arasée pour édifier le donjon ; ce monastère fut détruit lors des invasions qui frappèrent la région entre les VIIIe et IXe siècles. En 1191, le fortin fut transformé en un puissant donjon par Pierre de Courtenay, rehaussé de trois tours d'angle et desservi par un escalier tournant en pierre ; l'élévation originelle atteignait 27 mètres et comprenait, du rez-de-chaussée aux combles, des locaux d'emprisonnement, des appartements seigneuriaux ornés de fresques, une chapelle et des petites chambres donnant accès au chemin de ronde pourvu de tourelles, créneaux et mâchicoulis. Pendant la guerre de Cent Ans le Berry fut le siège d'affrontements et des sceaux de bronze retrouvés au nord du donjon, dont un à l'effigie d'Édouard III, attestent la présence probable de compagnies anglaises ; une expédition menée en 1373 par des seigneurs locaux, dont Du Guesclin, chassa les Anglais hors du Berry. La seigneurie de Jouy passa par diverses familles : possession des comtes de Sancerre jusqu'au XIVe siècle, elle semble avoir été acquise vers 1374 par Pierre de Giac, qui transforma le site en demeure seigneuriale ; après des confiscations et des successions complexes, Jouy appartenait tour à tour aux familles de Bourbon, d'Amboise, de La Guiche et, par vente en 1542, à Jean Babou de La Bourdaisière, dont la descendance se retrouve liée aux familles d'Escoubleau de Sourdis et d'autres maisons nobles citées dans les sources. Lors des guerres de Religion, la place fut prise en 1591 par les troupes de la Ligue commandées par Monsieur de la Châtre, et la forteresse fut probablement démantelée et incendiée ; de surcroît, l'ordonnance de 1626 de Richelieu ordonna le démantèlement des forteresses jugées inutiles, ce qui entraîna la ruine de nombreux sites. À la Renaissance et jusqu'à la Révolution, les propriétaires successifs modifièrent et exploitèrent le domaine ; une église fut consacrée à Jouy en 1767 grâce à la comtesse d'Arpajon, puis, après les ventes révolutionnaires et l'émiettement des biens nationaux, les habitants réutilisèrent les pierres du château pour achever leurs maisons, si bien que seul le squelette du donjon subsiste aujourd'hui. Les vestiges du donjon de Jouy ont été inscrits à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques par arrêté du 27 mars 1926.