Origine et histoire de l'Église de Notre-Dame-de-la-Mer
L'église Notre-Dame-de-la-Mer, située aux Saintes‑Maries‑de‑la‑Mer dans les Bouches‑du‑Rhône, est une église fortifiée de tradition romane, dédiée à Notre‑Dame et aux Saintes Maries ; elle est au cœur du pèlerinage local et classée monument historique depuis 1840. Selon Jean‑Paul Clébert citant Strabon, les Phocéens de Massalia auraient établi à cet emplacement un sanctuaire antique dédié à Artémis, et le site apparaît déjà dans l'Ora Maritima d'Avienus sous le nom d'« oppidum priscium Râ ». Ce toponyme évolua en Sancta Maria de Ratis puis en Notre‑Dame‑de‑la‑Barque lorsque la légende du débarquement des Saintes Maries se répandit, et une communauté de religieuses fut établie sur l'îlot par l'évêque Césaire d'Arles pour christianiser des cultes païens tels que celui de Mithra et de Diane d'Éphèse. Visible à une dizaine de kilomètres, l'édifice domine la ville ; sa construction commence au début du IXe siècle dans un contexte d'invasions et de mutations architecturales entre influences carolingiennes et romanité. Menacé par les Sarrasins et les Vikings, le site dut être abandonné puis relevé après la reprise du territoire ; l'église passa successivement sous la mense de Saint‑Trophime, fut rattachée à l'abbaye Saint‑Pierre de Montmajour qui y établit un prieuré, et prit le nom de Notre‑Dame‑de‑la‑Mer. La reconstruction principale de l'église fortifiée actuelle date de 1165‑1170 et contribue à l'implantation définitive du culte chrétien sur le lieu. Aux XIVe et XVe siècles, sous l'influence des papes d'Avignon, le pèlerinage prit de l'ampleur ; Benoît XII fixa en 1343 deux fêtes principales et, durant les troubles de 1357, les reliques furent mises à l'abri et les fortifications renforcées. Lors des fouilles entreprises sous le règne du roi René en 1448, on mit au jour un puits, une source, une grotte contenant des écuelles et des cendres, un oratoire avec colonne‑autel, deux corps attribués aux Saintes et plusieurs cippes dont l'un paraît provenir d'un culte mithriaque ; ces vestiges illustrent la superposition de pratiques religieuses sur le site. La découverte des reliques entraîna la décision de les montrer trois fois par an et d'organiser des processions à la mer, dont la cérémonie d'immersion de la statue de Sara la Noire, pratiquée selon la tradition locale et codifiée depuis 1936, précède d'un jour l'immersion des Saintes en barque. Les processions à la mer relèvent d'une longue tradition rituelle régionale associant actes agraires et pratiques purificatrices et se retrouvent, sous des formes variées, dans plusieurs lieux de la côte méditerranéenne provençale. Les fouilles archéologiques ont également permis de restituer l'église primitive : une chapelle rurale en pierre calcaire à nef unique de trois travées, précédée d'un chœur et d'une abside semi‑circulaire, flanquée au nord d'une tour carrée accessible depuis le chœur et pourvue de deux portes latérales dont la porte des fidèles portait autrefois des lions en réemploi. L'ensemble du village fut protégé par des remparts médiévaux et l'église, fortifiée au fil des besoins, prit au XIVe siècle l'aspect d'une forteresse avec mâchicoulis alternés, créneaux et tour de guet culminant à quinze mètres. L'abside extérieure, polygonale, est surmontée d'un ancien corps de garde et éclairée par une baie en plein cintre encadrée de colonnettes à chapiteaux datés du début du XIIIe siècle ; sa décoration associe bandes lombardes et consoles. Le mur du clocher, qui couvre toute la largeur du chœur, présente des échancrures et des mâchicoulis disposés en ligne et accueille cinq cloches ; il s'appuie sur le corps de garde qui abrite la chapelle haute dédiée à l'archange saint Michel, chapelle intégrée au système défensif et contenant les reliques des Saintes dans une châsse. Le clocher‑mur porte cinq cloches de volée : Marie Jacobé‑Marie Salomé fondue en 1993 par la fonderie Paccard (note sol3), Claire fondue en 1837 par Eugène Baudouin (note la#3), Rosa fondue en 1839 par Eugène Baudouin (note do4), Réconciliation fondue en 1984 par Paccard (note ré4) et Fulcranne fondue par Pierre Pierron à Avignon (note ré#4). À l'intérieur, l'église romane comprend une nef de quatre travées coiffée d'un berceau brisé et une abside semi‑circulaire sobrement décorée, complétées par une crypte dédiée à Sara la Noire et par la chapelle haute. La nef, sans chapelles latérales, présente une niche avec la représentation des Saintes Maries en barque, des arcatures en plein cintre portées par l'épaisseur des murs, un puits sous un Christ en bois du XVIIe siècle et, côté nord près du portail, un tronçon de dallage originel et un bénitier taillé dans un ancien chapiteau ; y figurent également deux œuvres classées monuments historiques depuis 1840, un retable en bois doré du XVIIe siècle et un dais d'autel peint du XVIe siècle. L'abside intérieure, voûtée en cul‑de‑four, comporte sept arcatures soutenues par huit colonnettes en marbre et chapiteaux historiés répartis en deux groupes : six chapiteaux à décor de feuillage, masques et bustes proches de la galerie nord du cloître de Saint‑Trophime, et deux chapiteaux majeurs illustrant le mystère de l'Incarnation et la passion du Christ, le premier montrant la Visitation et l'apparition de l'archange Gabriel à Zacharie, le second évoquant la Passion sous la forme du Sacrifice d'Abraham. La crypte semi‑enterrée, accessible depuis le transept, abrite la statue vêtue de Sara la Noire, un autel et de nombreux ex‑voto ; elle conserve également le bloc de marbre dit « oreiller des Saintes » mis au jour lors des fouilles de 1448.