Origine et histoire de l'Église monolithe
L'église monolithe de Saint-Émilion, entièrement creusée dans la roche, se situe sous la place des Créneaux et la place du Clocher, au centre historique de Saint-Émilion (Gironde). Datée de l'époque romane, elle est considérée comme la plus vaste église souterraine d'Europe. Creusée dans le flanc d'une colline, sa réalisation a nécessité l'extraction d'environ 15 000 m3 de roche, volume qui reste peu perceptible depuis l'extérieur. L'édifice n'est pas strictement orienté, sans doute en raison des contraintes imposées par son implantation. Il comprend une nef centrale et deux collatéraux de dimensions à peu près égales ; la nef centrale atteint onze mètres de hauteur. Six travées, séparées par de larges piliers monolithes, structurent l'espace intérieur. Le chœur présente des bas-reliefs sous la voûte, sur la face interne des piliers et sur le mur occidental ; des autels sont installés près de l'entrée principale, côté fenêtres. Des catacombes médiévales jouxtent la partie occidentale de la galerie d'accès. Le clocher, qui s'élève à 53 mètres, prend appui sur une tour établie au-dessus de l'église souterraine.
Selon la tradition, au VIIIe siècle le moine breton Émilion, après avoir prononcé ses vœux à Saujon, se retira en ermite et installa un oratoire dans un rocher ; à sa mort en 767, ses disciples creusèrent un premier souterrain. Cet oratoire primitif aurait été à l'origine de la vaste église souterraine achevée à l'époque romane. L'église servit longtemps de lieu de sépulture aux moines : les parois de la nef et celles de la crypte renferment un grand nombre de tombes. Vers le milieu du IXe siècle, le monastère fut ravagé par les Normands. En 1080, l'archevêque de Bordeaux plaça la communauté sous son autorité et y rétablit des religieux ; en 1110, après une réforme autorisée par le pape, le monastère adopta la règle de Saint-Augustin. C'est probablement à cette époque qu'une tour fut élevée au-dessus de l'église souterraine, servant plus tard de base au clocher gothique.
Au début du XIIe siècle, Pierre de Castillon fit creuser l'église selon une technique inspirée de modèles visités en Cappadoce, en réalisant une petite memoriae du Saint-Sépulcre, démarche qu'il appliqua aussi à Aubeterre-sur-Dronne. Une inscription gravée sur le troisième pilier sud indique que l'église fut dédiée à saint Émilion le septième jour des ides de décembre ; cette inscription, datée de la fin du XIe ou du début du XIIe siècle, pourrait correspondre à la consécration du lieu et au creusement mené sous l'autorité des moines bénédictins, dans un contexte d'influences orientales au retour de la première croisade. Au début du XIVe siècle, les chanoines furent sécularisés par le pape Clément V, la communauté fut érigée en chapitre et l'église collégiale fut développée ; à cette époque l'église monolithe fut percée de fenêtres gothiques et d'un portail. Au XVIe siècle, le clocher reçut une flèche ; la fragilisation de la structure conduisit au bouchage des baies du rez-de-chaussée et à la consolidation de la base par un contrefort. Des aménagements aux XVe et XVIIe siècles n'ont pas dénaturé l'aspect primitif de l'édifice.
La Révolution, qui entraîna la vente de l'édifice en 1793, et son réemploi comme fabrique de salpêtre pour la poudre à canon entraînèrent la disparition de la plupart des décors muraux et de nombreuses sculptures ; quelques bas-reliefs, corniches et moulures subsistent parce qu'ils étaient difficilement accessibles aux ravageurs. Classée monument historique en 1886, l'église vit son clocher inscrit séparément en 1907. Des problèmes structurels aggravés par des infiltrations d'eau ont conduit à sa fermeture au public, le clocher ayant menacé de s'effondrer ; en 1996 l'édifice a été inscrit sur la liste des biens culturels en danger par le Fonds mondial pour les monuments. Des travaux de renforcement des fondations et des piliers ont ensuite permis de stabiliser l'ouvrage, et, en 1999, l'ensemble de la juridiction de Saint-Émilion, dont l'église monolithe, a été inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO.