Origine et histoire de l'Église monolithe Saint-Jean
L’église souterraine monolithe Saint-Jean, située à Aubeterre-sur-Dronne dans le département de la Charente et le diocèse d’Angoulême, est creusée dans une falaise surplombant le village. La cavité primitive, agrandie dès le VIIIe siècle, conserve une piscine baptismale taillée dans le roc et ornée au fond d’une croix grecque. Au XIIe siècle, l’édifice fut considérablement agrandi par une communauté de moines bénédictins à l’initiative de Pierre de Castillon, vicomte d’Aubeterre, revenu de croisade et désireux d’y installer des reliques ; il conçut alors des memoriae inspirées du Saint-Sépulcre. Des ossements découverts au XIXe siècle dans des châsses de plomb ont confirmé la fonction reliquaire de la base et le niveau supérieur, ajouré, servait peut‑être à des ostentations. Les pierres extraites lors du creusement auraient servi à l’édification du château qui domine le site. De 1155 à la Révolution, l’église eut le statut de collégiale séculière et fut desservie par une communauté de chanoines financée par les revenus d’une dizaine d’églises alentour ; elle porta d’abord le nom de Saint-Sauveur avant de devenir dédiée à saint Jean pendant les guerres de Religion. L’implantation des bénédictins marque la période où l’édifice prit sa configuration actuelle et le sanctuaire fut réaménagé au XVIIe siècle, avec des reprises en maçonnerie sur certaines parois. L’église servit sans doute d’étape pour les pèlerins se rendant à Saint-Jacques et conserva le statut d’église paroissiale jusqu’en 1794, année où elle fut réquisitionnée comme fabrique de salpêtre, puis utilisée comme cimetière jusqu’à un arrêté de salubrité publique en 1865. Classée au titre des monuments historiques depuis le 3 septembre 1912, elle fit l’objet de travaux de déblaiement à partir de 1958, ce qui relança l’intérêt pour le site, et a connu une fréquentation touristique importante au XXIe siècle.
L’église monolithe s’inscrit dans un rectangle d’environ vingt‑sept mètres de long sur seize mètres de large, dimensions qui en font l’une des plus vastes de ce type en Europe. Elle se compose d’une abside hémicylindrique voûtée en cul-de-four précédée d’une large nef, séparée d’un unique bas-côté par une série de piliers massifs qui passent du plan octogonal à la base au plan carré au sommet, et d’un long vestibule voûté en berceau parabolique bordé d’enfeus. Les voûtes, taillées en plein cintre, s’élèvent à près de vingt mètres. À environ quinze mètres, l’église est entourée sur trois côtés d’une galerie — une sorte de triforium accessible par un escalier creusé dans le roc et, autrefois, aussi depuis l’extérieur — et un passage la reliait au château situé au‑dessus, sur une éminence calcaire dominant la vallée de la Dronne. Le mur opposé, épais d’un mètre quatre‑vingts, est percé de trois grandes baies en plein cintre qui éclairent directement le sanctuaire.
L’intérieur renferme un ensemble remarquable : un imposant reliquaire en pierre de six mètres de hauteur, une fosse à reliques, une cuve baptismale paléochrétienne ornée d’une croix grecque et une crypte antérieure à l’époque chrétienne où subsistent des stalles médiévales. Le reliquaire, placé au centre de l’abside, est un monument à deux étages orné de colonnettes et d’archivoltes dans la tradition romane, inspiré du Saint-Sépulcre tel que l’ont décrit les premiers croisés ; des dépouilles extraites en 1848 ont été identifiées comme appartenant à d’anciens seigneurs d’Aubeterre. À l’ouest s’étend une nécropole composée d’environ quatre‑vingts sarcophages à épaulement. L’église partage des traits architecturaux avec l’église monolithe de Saint‑Émilion et la modeste chapelle de l’ermitage Saint‑Martial à Mortagne‑sur‑Gironde. Enfin, si l’on parle d’église monolithe, le terme d’église troglodyte ou souterraine reste sans doute plus précis.