Origine et histoire de l'Église Notre-Dame
L'église Notre-Dame de Caudebec-en-Caux, située en Seine-Maritime, est le principal lieu de culte de la ville entre Rouen et Le Havre. Henri IV aurait qualifié l'édifice de « la plus belle chapelle de mon royaume ». Manifestation du gothique flamboyant et des débuts de la Renaissance, elle se distingue par l'absence de transept. L'église est installée sur l'emplacement de l'ancienne église abbatiale de l'abbaye mérovingienne pour femmes de Logium. Trois grandes campagnes de construction aux XIe siècle, 1382 et 1426 ont façonné le bâtiment actuel. À la fin du XIVe et au début du XVe siècle, l'édifice est décrit comme petit, ancien et « moulte obscure », avec des éléments romans visibles. Entre 1426 et 1484, l'architecte Guillaume Letellier entreprend une reconstruction complète dans le style flamboyant. Le clocher et la flèche sont achevés vers 1530. L'église subit des dommages lors des guerres de Religion en 1562 et de nouveaux dégâts pendant la Révolution française ; l'orgue est cependant relativement épargné et son titulaire de l'époque, Le Maignen, joue des airs patriotiques. Louis Sauvageot, architecte diocésain pour Rouen, évalue l'état de la flèche en 1878 ; un projet de réfection est adopté en 1879 et des travaux de restauration s'étendent de 1883 à 1886, suscitant des polémiques sur l'altération possible de l'ouvrage primitif. Pendant la Seconde Guerre mondiale, une messe est dite le 9 juin 1940 malgré l'ordre d'évacuation ; les bombardements des 10 et 11 juin mettent le feu à la ville, épargnant toutefois l'église, mais provoquent la fonte des cloches en raison d'échafaudages en bois reliant le portail ouest au clocher. Le bronze fondu est dissimulé sous les décombres pour éviter une réutilisation par l'occupant, tandis que l'église reste fermée jusqu'au 23 mars 1941 ; le bâtiment porte en outre des traces d'un bombardement allié en 1944. Des travaux de grande ampleur sont envisagés en janvier 2020 ; la « chambre des cloches » est restaurée en décembre et les opérations sur la flèche et le beffroi commencent en janvier 2021.
À l'extérieur, la balustrade du toit porte en lettres gothiques des versets du Cantique des Cantiques, « Pulcra es et decora », ainsi que des passages du Magnificat. Le portail ouest, finement sculpté, comportait à l'origine 333 personnages saints et profanes — dont un joueur de loure, rare représentation de cet instrument —, mais ces sculptures ont été mutilées par les calvinistes pendant les guerres de Religion et endommagées par les incendies de 1940 ; les petits personnages du côté sud ont été restitués selon leur ordonnance d'origine. La tour-clocher, adossée au collatéral sud et non centrale, s'élève à 54 mètres ; la finesse de sa flèche ajourée, ornée de trois couronnes fleurdelisées surnommées la « tiare » de Caudebec, a été imitée dans la région.
À l'intérieur, les vitraux du XVe siècle, d'une grande beauté, frappent le visiteur ; au-dessus du portail du bas-côté nord, quatre verrières de facture anglaise, offertes par Foulques Eyton, capitaine de la garnison britannique pendant la guerre de Cent Ans, figurent saint Georges terrassant le dragon, saint Michel terrassant un dragon, sainte Catherine et la Vierge. La plupart des vitraux de cette période, surtout dans les chapelles du collatéral nord, montrent des saints patrons des métiers, offerts par les nombreuses corporations de la cité. Les vitraux du XVIe siècle, parmi les plus célèbres, ornent quatre baies des deux dernières travées gothico-Renaissance de la façade ouest et deux fenêtres basses ; attribués peut-être aux ateliers d'Arnoult de Nimègue, ils illustrent des scènes de l'Ancien Testament et de la vie du Christ, comme Jésus et la Samaritaine au puits de Jacob, Moïse et la traversée de la mer Rouge, la Cène, les rois mages, la vie de saint Jean-Baptiste et un arbre de Jessé. Notamment, le verrier a rendu la mer Rouge de couleur rouge dans la scène de la traversée. L'abside, à quatre pans, présente un pilier axial qui laisse dans le champ de vision deux vitraux au lieu des trois ou cinq habituels. La clef pendante de la chapelle de la Vierge mesure 4,5 mètres et pèse 7 tonnes, témoignage de la maîtrise technique de Guillaume Letellier, et les fonts baptismaux en bois sculpté contribuent à la renommée de l'édifice.
Le grand orgue possède un des plus beaux buffets de la Renaissance française ; installé en 1542 pour un instrument des facteurs rouennais Antoine Josseline et Gilbert Cocquerel, il reçoit en 1738 trois claviers supplémentaires ajoutés par les frères Lefebvre. Après des restaurations en 1931 et 1972, l'orgue est décrit par Norbert Dufourcq pour la richesse décorative de son second étage ; il est restauré de 2002 à 2005 par Barthélemy Formentelli selon l'état de 1738 et compte quatre claviers — positif de dos (51 notes), grand-orgue (51), récit (32), écho (39) — et un pédalier de 29 notes. En mai 2007, l'organiste Jean-Paul Lécot y enregistre des pièces de Marin Marais transcrites pour l'instrument.
Gustave Flaubert puise l'inspiration de sa Légende de Saint Julien l'Hospitalier devant une statuette de saint Julien située dans la chapelle. Louis Sauvageot est récompensé par une médaille d'or à l'Exposition universelle de Paris de 1889 pour ses réalisations, dont son travail sur la flèche de Notre-Dame de Caudebec-en-Caux.
