Origine et histoire
Notre-Dame de Cunault, située sur l'ancienne commune de Cunault (aujourd'hui Chênehutte-Trèves-Cunault) près de la Loire, est un chef-d'œuvre de l'architecture romane angevine. Le monastère est réputé avoir été fondé par saint Maxenceul, disciple de saint Martin de Tours, dès le IVe siècle. En 845 Vivien, comte de Tours, donna le monastère aux moines de saint Philibert, engagés dans leurs pérégrinations entre Noirmoutier, Déas et Tournus ; cette donation fut confirmée par Charles II le Chauve. Après des déplacements liés aux incursions normandes, les reliques de saint Philibert et de saint Maxenceul furent transférées à Tournus, qui devint le centre de la congrégation, tandis que le prieuré de Cunault resta intégré à ce réseau au moins jusqu'au XIIe siècle. Une fois la menace normande passée, les moines ramenèrent à Cunault les reliques de saint Maxenceul et relevèrent le prieuré, qui bénéficia des faveurs des seigneurs d'Anjou et des revenus du port de Cunault ; de ces constructions anciennes subsiste la tour-clocher du XIe siècle, intégrée aux campagnes romane et gothique ultérieures. L'abbatiale, dédiée à Notre-Dame, possédait des reliques réputées — l'anneau de la Vierge et une fiole de son lait — qui attirèrent de nombreux pèlerins. La reconstruction visible aujourd'hui commença au début du XIIe siècle par le chœur et le chevet, préservant le clocher roman, et se poursuivit jusqu'au début du XIIIe siècle, la nef comportant ses dernières travées en style gothique angevin. Le prieuré fut fortifié pendant la guerre de Cent Ans, modifications visibles sur la façade et restaurées au XIXe siècle, puis tomba sous le régime de la commende à la fin du XIVe siècle et déclina. Lors des guerres de Religion, les huguenots dévastèrent le prieuré et jetèrent dans la Loire la châsse dite de saint Maxenceul, qui fut néanmoins repêchée. En 1715 il ne restait que cinq moines ; le prieuré fut supprimé en 1741 et ses biens rattachés au séminaire d'Angers ; l'église fut progressivement affectée au culte paroissial, la nef restant en usage tandis que le chœur et l'abside furent vendus et transformés en remise et grange. En 1754 la nef devint l'église paroissiale de Cunault après la destruction par un ouragan de l'église Saint-Maxenceul ; les ruines de cette dernière, sur la colline du cimetière, sont classées depuis 1946. Après la Révolution, les bâtiments furent vendus comme biens nationaux ; Prosper Mérimée signala en 1840 l'état pitoyable du chœur, et Notre-Dame de Cunault fut classée au titre des monuments historiques en 1846. Rachetée par le département puis remise à la commune dans les années 1840, l'église fit l'objet d'une restauration conduite par Charles Joly-Leterme qui dura une trentaine d'années et visait à lui rendre son état primitif. À la fin de la guerre d'Algérie, les cloches de la cathédrale de Constantine furent installées dans le clocher, nécessitant une charpente solide ; le carillon fut inauguré en 1966.
L'édifice, parfaitement orienté, reçoit au solstice d'été au coucher du soleil un rayon qui entre par la fenêtre centrale de la façade occidentale et atteint le fond du chœur à soixante-dix mètres ; construit en tuffeau, il présente une haute nef triple très longue, une quasi-absence de transept et un chœur qui se prolongeait par une chapelle axiale probablement détruite au XIVe siècle lors des fortifications. Les trois travées occidentales de la nef, de plan d'église-halle, sont couvertes de voûtes angevines ; l'ensemble mesure environ 73 mètres sur 27 et se situe à 90 mètres de la rive de la Loire, une propriété privée rendant inexploitable l'extérieur d'une partie du chevet et de la face sud. La face nord est centrée par la tour-clocher du XIe siècle, à la base de laquelle s'ouvre le portail nord en plein cintre encadré par deux colonnes aux chapiteaux sculptés représentant l'Annonciation et la Tentation ; la tour, cantonnée de contreforts plus récents, s'élève en plusieurs niveaux d'arcatures et se termine par une flèche pyramidale encadrée de lanternons du XIVe siècle. À l'ouest de la tour se succèdent les premières travées de la nef et, à l'est, une chapelle latérale avec absidiole, suivies du chœur et d'une chapelle rayonnante nord presque perpendiculaire à l'axe principal ; l'absidiole nord présente des arcatures lombardes avec colonnes, chapiteaux sculptés et une frise à modillons figuratifs. La façade occidentale du XIIIe siècle, large et rectangulaire, affiche un portail en plein cintre à cinq voussures surmonté d'un tympan représentant la Vierge à l'Enfant encadrée par des anges, trois baies en tiers-point correspondant à la nef et aux bas-côtés, des créneaux et deux tours défensives datant de la fortification ; la maison du prieur, ou logis de Pierre Cottereau, construite vers 1510, présente une façade Renaissance en tuffeau et est inscrite aux monuments historiques.
À l'intérieur, l'on descend une quinzaine de marches pour accéder à la nef, dont la triple hauteur et la luminosité sont accentuées par des collatéraux presque aussi élevés que le vaisseau central ; il n'existe pas de crypte. La construction romane, engagée par le chœur vers 1100, intègre le clocher du XIe siècle et s'achève par des travées gothiques et la façade au début du XIIIe siècle ; la largeur de la nef diminue légèrement vers le chœur. Les premières travées occidentales portent des voûtes plantagenêt dont les clés représentent saint Pierre, la Trinité et l'Annonciation ; les travées suivantes alternent berceaux légèrement brisés pour le vaisseau central et voûtes d'arêtes pour les collatéraux, tandis que la coupole sur trompe couvre le collatéral nord sous la tour. Le chœur, un peu plus étroit, se compose de trois travées suivies d'un déambulatoire voûté d'arêtes et d'un rond-point voûté en cul-de-four, puis de trois absidioles rayonnantes en hémicycle voûtées en cul-de-four, les latérales étant presque perpendiculaires à l'axe principal.
Le décor, bien que altéré par les vicissitudes et les infiltrations, fait la renommée de la prieurale : les 223 chapiteaux présentent majoritairement des motifs végétaux et ornementaux, une quinzaine sont historiés et répartis principalement dans le chœur et les travées orientales de la nef, avec trois phases stylistiques correspondant aux campagnes de construction ; certains conservent des traces de polychromie. Les peintures murales, classées parmi les monuments historiques dès 1840, incluent la façade intérieure ouest fortement dégradée avec des registres montrant cavaliers probablement archanges, les saints Philibert et Valérien, ainsi que saint Pèlerin et peut-être saint Christophe ; un ensemble mieux conservé, attribué à un atelier du XVe siècle, comprend la Transfiguration et des portraits de saints, ainsi qu'un grand saint Christophe traversant une rivière. Les absidioles rayonnantes évoquent respectivement la venue du Messie, annoncée par les prophètes et les Sibylles, et le Jugement dernier ; des éléments ont été perdus lors des restaurations du XIXe siècle, mais persistent symboles des évangélistes, prophètes, scènes de résurrection et un riche décor végétal. Une litre seigneuriale aux armes des Stapleton date de 1776.
Parmi le mobilier, la châsse dite de saint Maxenceul, datée du XIIIe siècle, est une reliure en noyer sculptée en forme de chapelle décorée d'arcades montrant les apôtres, d'un Christ en majesté et de scènes de la Vierge sur la façade ; bien qu'iconoclasmée en 1562 et jetée dans la Loire, elle a été repêchée, recouverte d'argent puis polychromée, restaurée à plusieurs reprises et classée en 1897. Une cuve baptismale en marbre rouge du XIIe siècle, une Pietà de pierre du XVIe siècle et une statue polychrome de sainte Catherine du XVe siècle sont conservées, de même qu'un chapier de sacristie du XVe siècle. La tribune attribuée au XVe siècle, classée en 1840, fut démontée et déclassée en 1956 ; un orgue construit sur commande en 1972 par le facteur Jean Loup Boisseau et inauguré en 1977, installé de plain-pied entre deux piliers du transept sud et comportant des jeux d'anche en chamade, anime les manifestations musicales locales.