Origine et histoire de l'Église Notre-Dame-de-Lorette
L’église Notre‑Dame‑de‑Lorette, située dans le 9e arrondissement de Paris, est un édifice néoclassique du XIXe siècle dédié à Notre‑Dame de Lorette et classé monument historique. Elle occupe un îlot délimité par les rues de Châteaudun, Saint‑Lazare, Fléchier et Bourdaloue et est desservie par la station de métro Notre‑Dame‑de‑Lorette (ligne 12). Une première chapelle desservant les habitants des Porcherons existait rue Coquenard (devenue rue Notre‑Dame‑de‑Lorette, aujourd’hui rue Lamartine) où une confrérie y est établie en 1646 ; cette chapelle, vendue comme bien national et détruite après 1796, avait été remplacée provisoirement par la chapelle Saint‑Jean‑Porte‑Latine, rachetée par la Ville puis détruite en 1846 pour permettre l’établissement du culte de Notre‑Dame‑de‑Lorette. La décision de construire l’église actuelle remonte à 1821 et une ordonnance royale du 3 janvier 1822 prescrivit sa réalisation ; un concours réunit dix architectes et Hippolyte Lebas, élève de Percier, proposa un projet inspiré des basiliques chrétiennes de Rome et adapté aux caractéristiques du sol par la construction sur pilotis. Ami d’Ingres, Lebas fit appel à de nombreux artistes pour un riche programme iconographique ; l’orientation initiale du bâtiment fut inversée après le percement de la rue Laffitte. La première pierre est posée le 25 août 1823 et la construction s’achève en 1836 ; pendant la Commune, le 13 mai 1871, l’église est transformée en caserne et en prison pour une partie des lieux. L’édifice est classé au titre des monuments historiques le 28 décembre 1984.
L’architecture de Notre‑Dame‑de‑Lorette illustre le néoclassicisme du début du XIXe siècle et un retour aux modèles antiques et aux primitifs chrétiens ; le plan est basilical sans transept visible de l’extérieur, à la manière de Sainte‑Marie‑Majeure à Rome, et les décors muraux sont peints directement sur les parois. La façade est ornée d’un fronton réalisé par Charles‑François Nanteuil représentant l’hommage de quatre anges à la Vierge et l’Enfant ; au‑dessus, des statues acrotères figurent les trois vertus théologales, la Charité de Charles‑René Laitié, l’Espérance de Philippe Joseph Henri Lemaire et la Foi de Denis Foyatier. La devise « Liberté, Égalité, Fraternité » a été ajoutée au‑dessus du portail en 1902. Jugée à son époque trop rutilante, l’église est l’une des plus colorées de Paris et ses murs sont entièrement décorés.
Quatre chapelles, dédiées aux sacrements fondamentaux, encadrent la nef : la chapelle du Baptême se trouve à droite en entrant, la chapelle de l’Eucharistie, décorée par Alphonse Périn, au nord‑est, la chapelle du Mariage, due à Victor Orsel, au nord‑ouest, et la chapelle du Sacrement des malades, attribuée à Blondel, au sud‑ouest. Un cycle pictural consacré à la vie de la Vierge occupe la partie haute de la nef et puise majoritairement dans des écrits apocryphes ; il ne mentionne pas le récit légendaire du transport de la Sainte Maison par les anges ni le contexte de la fin des croisades, héritage du traitement réservé à la Sainte Maison par Napoléon en 1797. Les fresques de la coupole et des pendentifs, où figurent les quatre évangélistes, ont été peintes par Pierre‑Claude‑François Delorme ; la technique employée pour ces cycles est la peinture à la cire, choisie pour sa durabilité dans un environnement humide sujet au salpêtre.
Le seul vitrail de l’église se trouve dans l’oratoire au nord‑ouest : il représente une Assomption sortie des ateliers de la manufacture de Sèvres, tandis qu’un pendant représentant Moïse et les Tables de la Loi fut commandé mais jamais réalisé. Parmi les autres éléments remarquables figurent le tapis sous l’autel majeur réalisé par la manufacture des Gobelins, ainsi que des sculptures en chêne pour la Vierge et la chaire. En octobre 2013, Notre‑Dame‑de‑Lorette a été inscrite sur la liste des monuments en péril du World Monuments Fund ; son décor, gravement abîmé, était en cours de restauration en septembre 2019, au même moment que le sanctuaire de Lorette dans les Marches.
Plusieurs personnalités sont liées à l’église : Charles Albert Nicolaïe dit Clairville s’y marie le 27 novembre 1858, le banquier Alexandre Aguado, bienfaiteur de l’église, y voit ses obsèques célébrées le 12 avril 1842, Georges Bizet et Claude Monet y sont respectivement baptisés les 16 mars 1840 et 20 mai 1841, Michel‑Victor Cuchet s’y marie le 17 septembre 1840, et Gustave Caillebotte y est inhumé le 27 février 1894, Alfred Caillebotte ayant été l’un des curés. Des documents et médailles commémoratives, dont une médaille due aux graveurs Raymond Gayrard et Joseph‑François Domard montrant le projet de façade de 1823 et une esquisse de Delorme conservée au musée de la Vie romantique, témoignent de l’histoire artistique de l’édifice.
Le nom de l’église renvoie à la Sainte Maison de Lorette, la maison de Marie selon la tradition chrétienne, dont la légende tardive situe le dépôt successif à Trsat, Ancône, Recanati puis sur la colline de Lorette en Italie ; le terme lorette dérive de l’italien loreto et du latin lauretum, qui désigne la colline de lauriers sur laquelle le sanctuaire a été construit. Sous Napoléon III, la connotation du mot a évolué dans le langage courant pour désigner une courtisane débutante, en référence aux « petites maisons » recensées dans la paroisse au XIXe siècle.