Origine et histoire de l'Église Notre-Dame
L'église Notre-Dame de Saint-Lô, située au centre de l'Enclos de la ville close de Saint-Lô (Manche, Normandie), est un édifice catholique de style gothique érigé sur plusieurs siècles à partir de la fin du XIIIe siècle. Classée au titre des monuments historiques dès 1840, elle est devenue un mémorial des destructions subies pendant la Seconde Guerre mondiale.
Originaire de la paroisse du château sur le mont Briovère, la paroisse de l'Enclos dépendait du seigneur du château, l'évêque de Coutances. L'agrandissement et l'embellissement progressifs de l'église furent soutenus par l'activité des foires, le commerce drapier et le pèlerinage à Notre-Dame du Pilier, ainsi que par l'évêque Geoffroy Herbert, qualifié en 1497 de « donneur d'icelle place et décorateur de la dite église ». Hormis le pillage et la destruction partielle lors des guerres de Religion en 1562 et la période révolutionnaire, l'édifice resta globalement intact jusqu'à la Libération.
Après les combats de juillet 1944, l'église fut détruite à près de 50 % : la nef perdit sa couverture et ses voûtes, la façade occidentale s'effondra après le bombardement de la tour nord, tandis que la tour sud, dépourvue de sa flèche, le chœur et les bas-côtés subsistèrent en grande partie. La restauration, menée entre 1944 et 1974, fut longue et marquée par un changement de parti pris : initialement prévu à l'identique par l'architecte Louis Barbier, le projet fut remplacé en 1947 par celui d'Yves‑Marie Froidevaux, qui proposa de conserver la ruine de la façade ouest comme mémorial. Malgré des oppositions, le conseil municipal finit par approuver ce principe pour des raisons financières et d'épuisement des débats ; un pignon aveugle en schiste vert du Nord-Cotentin fut construit en retrait de la façade disparue et le chantier, retardé par des difficultés de taille de pierre, s'acheva en 1972 avec l'installation de trois portes historiées en bronze. L'église reçut une nouvelle dédicace pour le 30e anniversaire de la Libération ; en 1994, une toile provisoire peinte par Bruno Dufour‑Coppolani fut dressée à l'emplacement de la façade disparue et l'intérieur fut restauré avec grand soin. La statue de Notre-Dame du Pilier, pulvérisée lors des destructions, a été reconstituée et replacée au fond du sanctuaire. La restitution à l'identique de l'ancienne façade à deux tours et flèches, souhaitée par certains habitants, n'est pas envisagée actuellement. Le bourdon en bronze, fondu en 1732, porte des fêlures provoquées par sa chute lors de l'incendie de la Libération.
Sur le plan architectural, l'église est dépourvue de transept et sa construction s'est étalée du XIIIe au XVIIe siècle. La nef, de cinq travées barlongues, et ses bas-côtés immédiats furent réalisés entre 1400 et 1420 ; les chapiteaux présentent des corbeilles de feuillage caractéristiques de l'époque. La tour nord remonte à la fin du XIIIe siècle, la tour sud et le portail furent « encommencés à édifier » en 1464 et le chevet date du XVe siècle ; le chœur, reconstruit entre 1480 et 1510, compte quatre travées et le sanctuaire est fermé par six colonnes. Le second collatéral nord du chœur, achevé en 1543‑1544, est de style gothique ; c'est à l'évêque Geoffroy Herbert qu'est attribuée la construction du chœur à double déambulatoire. Les flèches qui couronnent les tours datent du XVIIe siècle (celle du sud de 1630, celle du nord de 1684), conférant à l'édifice un aspect proche de la cathédrale qui fut longtemps une fierté locale. Parmi les éléments pittoresques, on relève des gargouilles sculptées à l'extérieur et une petite chaire à prêcher gothique, appuyée sur la façade nord, décrite par Victor Hugo et utilisée pour haranguer les foules ; elle présente une cuve à cinq panneaux flamboyants surmontée d'une flèche ornée de crochets en forme de feuilles de fougère.
Les vitraux anciens, datés des XVe–XVIe siècles et déposés pendant les bombardements, représentent notamment saint Louis, saint Rémi, saint Denis, sainte Geneviève, l'Assomption, les quatre Évangélistes, saint Crépin et saint Crépinien et saint Yves ; ils sont classés au titre des immeubles en 1840 et un exemplaire est exposé au musée d'art et d'histoire de Saint-Lô. Le vitrail dit royal, attribué par la tradition à un don de Louis XI vers 1470, montre le Couronnement de la Vierge et l'histoire de saint Crépin et saint Crépinien, tandis qu'un vitrail du XVIe siècle représente le martyre de saint Jean.
Le mobilier liturgique et les instruments musicaux ont été restaurés ou remplacés après-guerre : l'orgue de chœur, acquis en 1960 auprès de la manufacture Danion‑Gonzalez, a fait l'objet d'un relevage en 1999 et d'une restauration inaugurée en 2007 ; le grand orgue néoclassique, construit en 1968 par la maison Beuchet‑Debierre, a été réharmonisé en 1987 par Alfred Kern.