Origine et histoire de l'Église Notre-Dame
L'église Notre‑Dame de Saint‑Lupicin, située au cœur du village de Saint‑Lupicin (Jura), est classée au titre des monuments historiques depuis le 10 octobre 1906. Son origine remonte à une fondation monastique mérovingienne attribuée aux frères saint Lupicin et saint Romain, qui donnèrent naissance à un bourg monastique dépendant ensuite du monastère de Condat. Ces personnages sont considérés, avec Oyend, comme les Pères du Jura et leurs vies sont rapportées dans des sources hagiographiques anciennes. Le toponyme Saint Lupicin est attesté par une bulle papale au XIe siècle. Le monastère devint prioral et paroissial vers le IXe siècle, puis exclusivement paroissial à partir de 1742. La dédicace à saint Lupicin est connue depuis le XIIe siècle; la titulature « Notre‑Dame » n'apparaît qu'au XIXe siècle. L'édifice actuel, consacré en 1110, est bâti sur le site du probable sanctuaire mérovingien et correspond au premier âge roman. Le clocher et le voûtement des transepts datent du XIIe siècle, tandis que des remaniements importants ont été réalisés aux XVIIe, XIXe et XXe siècles. En 1634, des voûtes furent établies sur la nef et de nouvelles ouvertures percées, travaux qui nécessitèrent l'édification de contreforts. Au XVe siècle un prieuré fut construit accolé au transept sud; après la Révolution il servit d'école et il est aujourd'hui une propriété privée. Des fouilles menées en 2007 à la croisée du transept ont mis au jour des vestiges du sanctuaire mérovingien, notamment un monument funéraire décoré, probablement la tombe du fondateur Lupicin ; un sol transparent permet d'en apercevoir le sondage. Une restauration récente, achevée en 2006, a restitué une toiture distincte pour le vaisseau central et les bas‑côtés, conforme à l'état d'origine. L'église, légèrement encaissée et orientée ouest‑est, mesure 34 m de long, 19 m de large, 21,5 m au niveau des transepts et sa flèche atteint 30 m. Elle présente un plan en croix latine avec une nef à trois vaisseaux de trois travées et demie, deux transepts peu débordants et une croisée surmontée d'un clocher roman couronné d'une flèche du XIXe siècle. Le chevet est constitué d'une abside et de deux absidioles dans l'axe des trois nefs. La façade occidentale, dépourvue de sculpture et caractéristique du premier art roman, conserve un appareil médiéval de la partie médiane et un porche à double voussure encadré de deux colonnes antiques en réemploi. Le pignon portait autrefois une croix grecque encadrée de deux oculi qui éclairaient la nef charpentée; le grand oculus au‑dessus du porche date de 1634 et deux petites baies latérales de 1880. Les collatéraux sont percés de quatre baies de chaque côté et des contreforts ajoutés au XVIIe siècle assurent la contre‑butée des voûtes. Les transepts présentent une couverture à deux niveaux et offrent sur leurs pignons des éléments décoratifs tels que des bandes lombardes, tandis que le chevet affiche également des bandes lombardes et des ouvertures romanes agrandies au XVIIIe siècle. Le clocher carré du XIIe siècle, accessible par les combles du collatéral nord et muni d'ouvertures à colonnettes romanes, a été remanié et coiffé d'une flèche octogonale au XIXe siècle. Parmi les objets liturgiques, l'évangéliaire dit de Saint‑Lupicin, manuscrit carolingien daté de 835‑845, fut conservé et vénéré au prieuré avant d'être acquis par la BnF en 1795; il est copié en onciale, écrit à l'encre d'argent avec des initiales à l'encre d'or et sa reliure porte des plaques d'ivoire d'époque mérovingienne. Une plaque funéraire en plomb portant l'inscription HIC REQVIES/CIT BEATVS LV/[PI]CINVS ABBAS, retrouvée en 1689 dans une fosse reliquaire, est datée entre le Ve et le VIIIe siècle et figure désormais dans les collections du musée de l'Abbaye à Saint‑Claude. La chasse‑reliquaire en bois datée de 1689, divers reliquaires (dont un buste en chêne de saint André du XVIIIe siècle, un buste en cuivre repoussé signé J. Carrier au XIXe siècle et un bras reliquaire de 1485 en cuivre et argent) ainsi que des tableaux, statues et croix complètent le trésor conservé au presbytère. La décoration picturale comprend six tableaux du XVIIIe siècle représentant divers saints dans la nef et deux grandes toiles du début du XIXe siècle dans le transept sud. La statuaire comporte notamment un Christ en cuivre et émail du XIIIe siècle, une grande croix du XVIIIe siècle, ainsi que deux statues des fondateurs en costume bénédictin placées dans l'absidiole nord. Un orgue construit en 1966 par Philippe Hartmann est installé sur une tribune du transept sud; le buffet est en bois sans décor. Trois cloches datées de 1841, 1864 et 1887 portent des épigraphes mentionnant la date, le parrain et la marraine, les donateurs et les membres du conseil de fabrique. L'intérieur, assombri depuis l'établissement des voûtes en 1634 qui ont occulté les ouvertures hautes, présente des piliers sans socle ni chapiteau, des voûtes d'ogives sur le vaisseau central et des sols pavés de pierres irrégulières. La tribune d'entrée, accessible par un escalier dans le collatéral nord, existe depuis l'époque romane selon les marques archéologiques, et la croisée du transept est soutenue par quatre piliers cruciformes formant la base de la coupole. La visite permet d'observer in situ l'imbrication des vestiges mérovingiens et romaniques, l'aménagement médiéval de l'édifice et les éléments mobiliers significatifs qui témoignent de son histoire monastique et paroissiale.