Origine et histoire de l'Église Notre-Dame-des-Pauvres
L’église Notre-Dame-des-Pauvres, située au village d’Aubrac (commune de Saint-Chély-d’Aubrac) dans l’Aveyron, est l’un des vestiges de l’ancien hôpital d’Aubrac, actif dès 1120, dont subsistent aussi la Tour des Anglais, une maison et quelques pans de murs. Édifiée en position périphérique du village à 1 310 mètres d’altitude, elle a fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques en 1925. L’édifice, d’aspect volontairement sobre, offre un plan simple en quadrilatère de 24 mètres sur 12 et ne comporte pas de transept. Sa nef unique, renforcée par des contreforts, est couverte d’une voûte en berceau brisé reposant sur des doubleaux à simple rouleau. Le chevet plat, particularité dans l’architecture de l’Aubrac, évoque des pratiques liturgiques liées à certains ordres religieux, notamment les chanoines réguliers. Le mur nord est aveugle pour des raisons climatiques; de modestes baies assurent toutefois un éclairage continu sur les autres côtés, dont deux triplets de lancettes surmontés d’un oculus disposés en vis‑à‑vis dans les pignons. À l’intérieur, les murs présentent des surfaces continues et sobres, rythmées par de courtes colonnettes à chapiteaux à feuilles lisses qui soutiennent les doubleaux.
La chronologie précise de la construction reste discutée : l’édifice est généralement attribué au tournant des XIIe et XIIIe siècles, des auteurs proposant des dates de chantier différentes. Les premières mentions écrites explicites datent de 1216 et 1244. Au XIIIe siècle se manifestent l’aménagement d’un chœur, la mise en place d’autels et l’installation de stalles, tandis qu’au XIVe siècle des interventions modifient certaines élévations. L’église fut fortifiée à la fin du XIVe siècle pour se protéger des incursions liées à la guerre de Cent Ans. Le clocher, dont le rez‑de‑chaussée en granit est à peu près contemporain de l’église, présente ensuite un étage en lave noire attribué au XIVe siècle et un dernier niveau rattaché au XVIe siècle ; d’autres sources évoquent la construction du clocher visible aujourd’hui au milieu du XVe siècle. Le rez‑de‑chaussée du clocher, qui était traversé par le cloître, a accueilli des logements, un four à pain et la « cloche des perdus » portant une inscription latine.
L’hôpital d’Aubrac a souffert des guerres albigeoises, des expéditions anglaises et des conflits de religion, subissant à plusieurs reprises pillages et dégradations, et son déclin s’accentue avec l’arrivée d’abbés commendataires ; l’institution disparaît sous la Révolution. Au début du XVIe siècle, l’église et le monastère connaissent un certain faste sous la direction de doms comme Antoine d’Estaing, qui fit édifier un jubé sculpté en calcaire et contribua à l’harmonie des parements internes ; il fut inhumé dans l’église selon ses vœux. Les visites épiscopales signalent la présence d’ornements et d’éléments liturgiques attestant d’un riche équipement intérieur.
Après le départ des religieux en 1791 et la vente des biens nationaux en 1793, l’église est affectée à la commune et tombe en délabrement ; des éléments du jubé et des encadrements de baie sont parfois réemployés localement. Des travaux de restauration sont entrepris au XIXe siècle après l’inscription au patrimoine départemental : la couverture en lauzes est refaite, des encadrements sont restitués et la partie supérieure du clocher reconstruite. Classée en 1925, l’église a fait l’objet de restaurations ponctuelles au XXe siècle (réfections de maçonnerie en 1938 et 1942) et de travaux d’assainissement et de couverture dans les années 1970‑1980, ainsi que d’une reprise du dallage derrière l’autel.