Origine et histoire
Selon la tradition, un monastère dédié à la Vierge aurait été implanté au bord de la Loire puis détruit par les Barbares. Au milieu du XIe siècle, l'évêque d'Auxerre et le comte de Nevers confièrent à Hugues, abbé de Cluny, la fondation d'un prieuré à La Charité, premier prieuré de l'abbaye de Cluny dans la région. Consacré au début du XIIe siècle, ce prieuré devint une étape importante sur la route de Compostelle et favorisa le développement et la fortification de la ville autour du monastère. Les principales campagnes de construction mentionnées concernent la fin du XVe siècle pour le logis du prieur et la porterie, puis des aménagements de style classique aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le prieuré connut un long déclin à partir du XVIe siècle, accentué par le régime de la commende et les guerres de Religion ; un incendie du 31 juillet 1559 détruisit une grande partie de l'église priorale et des bâtiments conventuels. L'activité monastique cessa à la Révolution ; le domaine fut saisi, morcelé et vendu, et l'église devint paroissiale tandis que les bâtiments furent affectés à des usages industriels et commerciaux au XIXe et XXe siècles. Prosper Mérimée intervint en 1840 pour empêcher la destruction d'une partie de l'édifice par le tracé d'une route royale, et l'ensemble a été classé monument historique dès la liste de 1840 puis inscrit en 1998 sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO au titre des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. Depuis 2001, le prieuré fait l'objet d'un vaste chantier de restauration en Bourgogne.
L'église priorale, édifiée au XIIe siècle, se distingue par un chevet à chapelles rayonnantes et une façade occidentale ornée de deux tympans remarquables. Le tympan occidental, daté du début du XIIe siècle, illustre l'Assomption de la Vierge et des scènes liées à l'enfance du Christ, reflet de la forte dévotion mariale de l'ordre clunisien. Le tympan du transept sud, provenant de la façade occidentale et daté de 1132, représente la Transfiguration du Christ, organisée en registres comprenant l'Adoration des Mages et la Présentation au Temple. La nef s'est effondrée au XVIIe siècle ; des vestiges du collatéral nord ont été intégrés à des propriétés privées et inscrits au titre des monuments historiques en 1927.
L'intérieur impressionne par un transept de grandes dimensions, des colonnes élevées reposant sur des arcs brisés et un chœur composé de trois travées voûtées en berceau brisé. L'abside présente un faux triforium et s'ouvre sur un déambulatoire flanqué de chapelles rayonnantes dont les chapiteaux du chœur portent principalement des motifs animaliers. Les stalles furent installées lors d'une campagne de restauration conduite sous le prieur Jean de La Magdeleine de Ragny, et des travaux complémentaires furent menés sous le prieur Jacques-Nicolas Colbert.
Le cloître fut reconstruit après les incendies du XIIIe siècle et remanié à l'est au XVIIe siècle par Jacques-Nicolas Colbert. Les bâtiments conventuels ont connu plusieurs campagnes de restauration et d'aménagement, dont la porterie, le logis prieural et d'autres édifices, tandis que certains bâtiments disparurent sous des aménagements postérieurs. Le prieuré disposait d'un grenier à sel et d'une vaste administration foncière : il contrôlait de nombreuses paroisses, dizaines de prieurés et plusieurs centaines de dépendances en France, ainsi qu'au moins un prieuré à l'étranger, et possédait de nombreux fiefs, terres, maisons et vignobles.
La liste des prieurs montre une longue succession de prieurs réguliers puis de prieurs commendataires, parmi lesquels Jean de La Magdeleine de Ragny, Nicolas Colbert, Jacques-Nicolas Colbert et François-Joachim de Pierre de Bernis ont laissé une empreinte notable sur le monastère. Le site conserve, en outre, des éléments annexes comme l'église Saint-Laurent, liée aux pratiques funéraires et aux processions, et divers lieux d'usage monastique dont les transformations successives témoignent de l'histoire complexe du prieuré et de son insertion dans le territoire.