Origine et histoire de l'Église Saint-Agnan
L'église Saint-Aignan est une ancienne église catholique située 5-7 rue de Beauvais à Senlis (Oise). Désaffectée à la Révolution, sa nef a été démolie en 1806 et le reste du bâtiment transformé en théâtre. Malgré une restauration menée dans les années 1980 et son aménagement en espace culturel, l'édifice est aujourd'hui abandonné et interdit d'accès pour raisons de sécurité. L'intérêt historique principal tient au clocher roman du XIe siècle, qui a servi de modèle aux autres clochers romans régionaux encore conservés, notamment ceux de Saint-Pierre de Senlis, Saint-Gervais de Pontpoint, Rhuis, Roberval et Morienval. L'église domine la colline appelée montagne Saint-Aignan, au sud-ouest du centre médiéval, et la rue de Beauvais fut aussi connue sous le nom de rue Saint-Aignan. Les façades situées au sud de la rue de Beauvais, incluant les vestiges de l'église, ont été inscrites au titre des sites par arrêté du 17 décembre 1948.
Parmi les sept églises paroissiales de Senlis, Saint-Aignan occupait le sommet de la butte qui structure le secteur sud-ouest de la ville médiévale. La date de sa fondation ne nous est pas parvenue ; une construction antérieure au dernier quart du XIe siècle ne fait cependant pas de doute. Des vestiges ont révélé l’existence probable d’un second clocher au sud, suggérant que l’église primitive, de style roman, était à l’origine symétrique, dotée d’une nef non voûtée et de deux bas-côtés, sans transept, et d’un chevet probablement plat. Au XIIIe siècle, l’église a été remaniée en style gothique : la base du clocher nord a été reprise à l’intérieur comme à l’extérieur et le chœur entièrement reconstruit. Lors de remaniements ultérieurs aux XVe et XVIe siècles, ce chœur fut démoli sauf la chapelle latérale nord et une tourelle d’escalier, de sorte que le chœur visible aujourd’hui est le troisième depuis l’origine. Le plan définitif de l’église date du XVIe siècle, période au cours de laquelle le portail nord et le mur longeant la rue de Beauvais, ornés de clochetons à crochets, de gargouilles et d’un arc de type Tudor, ont été reconstruits, comme l’attestent des inscriptions datées de 1542–1544. Les parties les plus récentes à vocation liturgique sont la sacristie et une chapelle latérale du transept sud, ajoutées au sud de la façade.
La paroisse était prospère aux XVIe et XVIIe siècles et l’église comptait quatre chapelles fondées par des notables, alignées le long du bas-côté sud ; les emplacements de deux d’entre elles sont encore connus et les vestiges de trois arcades sont visibles sur une maison voisine à l’ouest. Une confrérie du Saint-Sacrement existait également et reçut un règlement nouveau de l’évêque Denis Sanguin en 1654. Vendue comme bien national le 4 août 1792, l’église fut acquise par Philippe Fruitier, qui la transforma en bergerie jusqu’en 1806, date à laquelle Pierre-Jacques Fricaut la racheta pour la convertir en théâtre. La nef fut démolie lors de ces transformations et une nouvelle façade occidentale, influencée par l’architecture classique de l’époque, fut élevée. Le théâtre ouvrit en octobre 1814 et abrita aussi un café installé dans l’entresol sous la tribune, fréquenté jusqu’à la Première Guerre mondiale ; certaines fenêtres donnant sur la rue de Beauvais et la porte séparant l’ancienne église de la maison voisine subsistent. Après une faillite en 1817 et des ventes successives, la municipalité acquit le théâtre en 1822 et en assura l’exploitation en tant que théâtre municipal, avant qu’il ne soit loué comme cinéma en 1920 ; l’arrêt de cette exploitation est mentionné autour de 1978–1979. En 1980 la ville vendit le bâtiment à M. et Mme Raynal-Menes, qui le restaurèrent en respectant les aménagements du XIXe siècle et financèrent en partie l’opération archéologique de 1988 préalable à la création d’un sous-sol ; le lieu prit le nom d’« espace Saint-Aignan » mais reste aujourd’hui désaffecté. Le classement au titre des monuments historiques remonte à un arrêté du 23 juillet 1981, lié à l’acquisition et à l’engagement des nouveaux propriétaires.
Le plan de l’église a été contraint par le tissu urbain et la topographie : la rue de Beauvais au nord, la pente de la montagne Saint-Aignan au sud et l’étroitesse des parcelles limitant l’est. Jusqu’en 1806, le chœur comportait deux travées, dont la première faisait fonction de croisée ; le transept nord était incomplet à cause du clocher roman, et le chœur était flanqué de chapelles latérales formant un double transept terminé par un chevet plat. La nef comprenait deux travées et des bas-côtés ; la première travée du bas-côté sud avait une forme trapézoïdale pour suivre la rue. La sacristie fut accolée à la chapelle latérale sud du chœur au XVIe siècle et d’autres chapelles suivaient en enfilade le long du bas-côté sud.
À l’extérieur, on relève deux pignons de chœur dissemblables et la conservation, au nord, de la chapelle latérale gothique du XIIIe siècle et du clocher roman, ce qui explique l’organisation des élévations. Parmi les éléménts survivants figurent un dernier arc-boutant diagonal du bas-côté nord, le vestige d’une porte sur la rue de la montagne Saint-Aignan et le mur méridional avec trois arcades correspondant aux anciennes chapelles. La grande baie de la chapelle latérale nord sur la rue de Beauvais, composée de quatre lancettes surmontées de trois roses quadrilobées et d’un remplage finement ciselé, est particulièrement remarquable. Le rez-de-chaussée du clocher présente une baie en arc brisé dite « arc-Tudor » dont le remplage principal subsiste, tandis que le remplage de la baie voisine a été refait de façon simplifiée. Le clocher, conservé dans sa partie inférieure et daté de la période romane, est coupé à mi-hauteur par un cordon et une rangée de modillons ; ses faces comportaient des baies en plein cintre à arcatures ornées de billettes et encadrées de colonnettes aux tailloirs facettés, et une baie du pignon nord porte des chapiteaux datés du XIVe siècle.
Lors de l’aménagement théâtral, un entresol fut créé sous les gradins pour loger le café ; la scène était installée à l’ouest au-dessus de l’entrée actuelle, les gradins en hémicycle occupaient la partie orientale du chœur et de petites loges sur deux niveaux furent aménagées. Le clocher et la chapelle sud furent transformés en logements pour les acteurs et en réserves de décors, et une étroite fosse d’orchestre fut aménagée entre la scène et les gradins. Les restaurations des années 1980 ont dégagé le premier étage du clocher roman, retrouvé une baie de triforium jusque-là inconnue et mis en évidence la voûte d’ogives du chœur ; elles ont aussi préservé certains aménagements du début du XIXe siècle, comme la plate-forme de scène et les escaliers desservant les loges, tout en supprimant les gradins et les substructures scéniques. Enfin, des scènes du film L'Année du bac ont été tournées en 1963 devant la façade et à l'intérieur, alors que l'édifice fonctionnait comme cinéma.