Origine et histoire de l'Église Saint-Arbogast
L'église Notre-Dame-de-l'Assomption, parfois appelée Saint-Arbogast, est située place de la République à Rouffach (Haut-Rhin) et classée au titre des monuments historiques depuis 1841. Son massif occidental inachevé et la tour octogonale élevée sur la croisée du transept, couronnée par une flèche, lui donnent une silhouette proche de la cathédrale et traduisent la diversité de styles, du roman au néogothique. La partie la plus ancienne se situe dans le transept où deux absidioles ouvrent dans les murs orientaux et peuvent être rattachées à la seconde moitié du XIe siècle. L'appareil rappelle certaines élévations intérieures de Limbourg et, à l'extérieur, les absidioles présentent des arcatures à lésènes voisines de celles du chœur d'Eschau, abbesse dont le patronage est lié à l'église de Rouffach. Le portail de l'entrée sud, son archivolte en plein cintre et les bas-reliefs qui le surmontent font également partie des éléments romans les plus anciens. Les bras du transept, initialement plafonnés, furent voûtés à la fin du XIIe siècle, ce voûtement exigeant l'adjonction de larges contreforts percés de passages en arc brisé. La croisée du transept reçut une coupole sur trompes, portée par des colonnes et close par une voûte à huit branches, semblable à celle de la cathédrale de Bâle, et fut surmontée d'une flèche au cours du XIIIe siècle. Les deux premières travées de la nef proviennent d'une campagne menée au début du siècle et sont séparées des bas-côtés par des arcades en arc brisé avec alternance de piles fortes et faibles. Les chapiteaux sculptés de feuillages, terminés par des crochets, évoquent ceux de Notre-Dame de Paris, tandis que le profil des ogives rapproche l'ouvrage de l'église Saint-Léger de Guebwiller. La dernière travée de la nef, élevée ultérieurement, marque une rupture nette au niveau des moulures des voûtes d'ogives. À la fin du XIIIe siècle, le chœur roman fut remplacé par un sanctuaire très profond, inspiré des chœurs conventuels dominicains et franciscains, fermé par un jubé vers 1300 dont seules subsistent deux tourelles d'escalier latérales après la destruction du reste au XVIIIe siècle. Le massif occidental, commencé vers 1300, associe une composition de portail et de gâble inspirée de la cathédrale de Strasbourg à une rosace rayonnante encadrée dans un carré, d'après des rapprochements avec Notre-Dame de Paris. Les tours nord et sud furent élevées au même niveau puis laissées inachevées : la tour sud fut surélevée jusqu'au niveau du gâble au XVe siècle puis abandonnée à nouveau. Pour le XIVe siècle, des maîtres d'œuvre tels que Johann Behem et Woelflin de Rouffach sont attestés, sans possibilité de leur attribuer des parties précises de la construction ; Woelflin est toutefois probablement l'auteur des statues d'anges de la façade occidentale. La voûte du bras sud du transept fut reconstruite en 1508 et le mur sud refait autour de 1506 par le maître Hans de Saint-Gall, gendre de Lienhart de Haslach. L'édifice conserva jusqu'au XIXe siècle des boutiques intégrées à ses murs inférieurs ; une restauration d'ampleur engagée en 1866, dirigée par l'architecte Maximilien Émile Mimey, comprit la surélévation de la tour nord mais fut interrompue par la guerre de 1870, laissant la tour sud inachevée. Les travaux du XIXe siècle ont laissé des traces visibles dans la teinte des pierres : faute de grès suffisant sur place, du grès venu de Phalsbourg et de Lutzelbourg, plus clair, a été employé pour les ajouts, distinguant les éléments médiévaux des interventions modernes. Pendant la Révolution, l'église fut transformée en temple de la Raison et subit en 1793 une destruction systématique de ses sculptures religieuses ; le grand portail, qui représentait le Jugement dernier, fut mutilé et plusieurs pièces de statuaire rejoignirent des musées comme Unterlinden et Besançon. Restaurations récentes et entretien font l'objet d'un programme pluriannuel engagé en 2018 et conduit en partenariat avec l'État, la Région Grand Est, la Collectivité européenne d'Alsace, la Fondation du patrimoine et le Conseil de fabrique ; la première tranche achevée en 2022 a concerné les élévations extérieures de la nef et la restauration du portail occidental, puis en 2023 le chevet et ses vitraux ont été traités sous la conduite de Richard Duplat, architecte des monuments historiques. Le mobilier intérieur comprend un gisant en haut-relief adossé au mur nord, probablement de Woelflin de Rouffach et endommagé à la Révolution, une Vierge à l'Enfant dorée dans une lanterne de pierre du début du XVIe siècle, une chaire octogonale en grès rose réalisée par les ateliers Klem en 1875, des fonts baptismaux octogonaux sculptés portant les armoiries de l'évêque Guillaume III de Hohnstein et un couvercle en cuivre du XIXe siècle. De modestes vestiges du jubé médiéval subsistent sous la forme de deux tourelles latérales qui, selon un plan du XIXe siècle, contenaient des escaliers en hélice permettant d'accéder à la galerie, et le chœur conserve quatre culots sculptés représentant les Évangélistes, datés de la fin du XIIIe siècle. Les stalles en chêne le long du chœur, dont la datation reste discutée, présentent des miséricordes, et la porte de la sacristie montre des chapiteaux et un tympan sculpté d'un Agneau pascal ainsi que deux têtes en haut-relief appelées « sourire de Rouffach ». L'orgue de tribune encadre la grande rosace à vingt lancettes et les vitraux, réalisés à la fin du XIXe siècle par les ateliers Franz Xaver Zettler de Munich, illustrent dans le chœur les étapes de la vie de la Vierge et remplacent en partie des verrières de la fin du XIIIe siècle dont quelques éléments subsistent, certains fragments ayant été identifiés au château de Kreuzenstein. La façade occidentale, largement gothique, comprend un portail aux voussures désormais dépouillées, un haut gâble triangulaire et une rosace à vingt pétales ; une galerie flamboyante de trois ogives soutenue par des colonnettes complète l'ensemble, dont le décor statuaire est fortement détérioré. L'histoire de l'église est parsemée de légendes et d'anecdotes locales, dont la légende de Saint-Arbogast, et son évolution architecturale illustre les continuités et ruptures de l'architecture religieuse locale du XIe siècle à l'époque moderne.