Origine et histoire de l'Église Saint-Crépin
L'église Saint-Crépin, située à Château-Thierry dans l'Aisne, est mentionnée dès le XIIe siècle et classée monument historique depuis 1957. Reconstruite à la fin du XVe ou au début du XVIe siècle après les destructions de la Guerre de Cent Ans, elle présente les caractéristiques d'une église-halle de gothique tardif sobre, sa façade étant flanquée d'un imposant clocher. La nef et les collatéraux datent du XVe siècle ; leurs colonnes engagées ont une forme hélicoïdale. Certaines portes sont décorées, et les grands vantaux de la façade occidentale remontent aux XVIe et XVIIe siècles. Le chœur a été élevé au XVIIIe siècle. L'édifice a fait l'objet d'une importante restauration au cours du dernier quart du XIXe siècle, notamment de la façade ouest sous la direction de M. Fauconnier, architecte communal.
Au cours de la Révolution, les paroisses de la ville ont été réunies et Saint-Crépin est devenue l'église paroissiale unique de Château-Thierry après la fermeture officielle de l'église du Château ; des reliques y furent transférées et l'édifice subit aussi des actes de profanation, dont un vandalisme signalé le 4 novembre 1793. Le 2 juillet 2025, un acte de vandalisme a endommagé la toile peinte en faux marbre tendue sur châssis bois qui fait partie du décor du chœur : traverse brisée et toile perforée et déformée par la chute de l'encadrement.
L'intérieur conserve un mobilier remarquable. Le buffet d'orgue, d'origine XVe, a été remanié ; sa balustrade du XVIe siècle comporte dix-neuf statuettes féminines dans des niches à coquilles, représentant à la fois des vertus et des sibylles païennes intégrées à l'iconographie renaissante. Ces figures portent des attributs reconnaissables — par exemple la sibylle de Samos avec une crèche, la sibylle d'Érythrée avec une rose, la sibylle Persique avec une lanterne, la sibylle de Phrygie avec la colonne de la flagellation, et la sibylle Caroga montrant une couronne d'épines — des types que l'on retrouve par ailleurs en France. On y voit aussi des allégories comme la Foi avec une croix, la Force avec une colonne brisée, la Justice avec épée et balance, la Charité avec une bourse et la Tempérance symbolisée par une horloge. La tribune d'orgue était soutenue par de fines colonnes sculptées, remplacées ensuite par des piliers de fonte, tandis que les colonnes d'origine figurent aujourd'hui au musée principal. La chaire, d'un travail soigné, est du XVIIIe siècle. Un vitrail au sud est l'œuvre de Michel Gigon.
Autour du chœur, plusieurs statues de pierre sont attribuées à l'artiste local Gauthier, installé à Château-Thierry lors de la Restauration ; ces statues, réalisées vers 1824, représentent les évangélistes ainsi que saint Crépin et saint Martin. Deux pièces sont particulièrement remarquées : la statue de saint Crépin au rendu simple et naturel et celle de saint Jean à l'expression extatique. Une anecdote locale rapporte que Gauthier, mécontent d'un paiement modeste, aurait modelé son propre portrait figurant un mendiant servant de tronc; cette histoire est transmise par la tradition.
Le bénitier placé à l'entrée contre le premier pilier de droite est parfois présenté par certains historiens locaux comme l'ancienne cuve baptismale ayant servi au baptême de Jean de La Fontaine ; cette assertion n'est pas documentée et reste incertaine. L'église possédait autrefois un jubé, détruit au XVIIIe siècle comme beaucoup d'autres portiques, sous lequel se trouvait le banc de la famille de La Fontaine. La statue de saint Cénéric et un petit reliquaire rappellent la tradition selon laquelle, au Xe siècle, des moines fuyant des invasions auraient d'abord déposé ces reliques à Notre-Dame du Château avant qu'elles ne soient transférées à Saint-Crépin.
Parmi les tableaux, le plus notable est le grand Baptême du Christ attribué à Joseph Vivien, œuvre rare de cet académicien dans le domaine religieux ; sa date et les circonstances de son acquisition sont inconnues. L'église conserve également une Sainte Famille anonyme et une copie en mauvais état de l'Incrédulité de saint Thomas attribuée au Guerchin.
