Origine et histoire
La collégiale Saint-Évroult se dresse à Mortain, dans le département de la Manche, et fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques. Fondée en 1082 par Robert, comte de Mortain, frère utérin de Guillaume le Conquérant, elle fut érigée en collégiale et dotée de chanoines par les soins de son fondateur et de son épouse Mathilde de Montgommery, avec l’accord des autorités ecclésiastiques et la présence de plusieurs évêques et seigneurs à sa dédicace. Robert institua un doyen et huit prébendes à la charge du fondateur, auxquelles s’ajoutèrent sept prébendes créées par les barons du comte ; des églises, des dîmes, terres et revenus furent affectés pour assurer leur entretien. Le fils du fondateur, Guillaume de Mortain, et d’autres bienfaiteurs augmentèrent les dotations, tandis que des dispositions particulières organisèrent les droits et privilèges des chanoines, notamment sur l’enseignement et certaines offrandes. L’édifice primitif fut en partie détruit par un incendie en 1204 ; la reconstruction, engagée à partir de 1216, fut largement financée par Mathilde de Dammartin et Philippe Hurepel, aboutissant à l’église actuelle datée des années 1230–1250. La collégiale dut faire face aux troubles des siècles suivants, notamment aux atteintes subies pendant les guerres de Religion et aux changements de l’organisation capitulaire, avec des réductions et des indemnités versées aux chanoines à la fin de l’Ancien Régime. Sur le plan éducatif, la collégiale soutint des enseignements : la prébende théologale et la prébende préceptorale furent chargées de prêcher, catéchiser et instruire les jeunes, et le collège connut des réformes et des rétablissements entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. Parmi les reliques conservées figure le corps de saint Guillaume Firmat, élevé dans la collégiale au XIIe siècle et vénéré sur un autel du bas-côté sud. D’un point de vue architectural, seul subsiste de l’église romane incendiée le portail géométrique du mur sud, datant du début du XIIe siècle ; le reste de l’édifice résulte de la reconstruction du XIIIe siècle, œuvre mêlant influences de l’Île-de-France et traits normands selon les parties et les architectes successifs. Construite en granit, la collégiale présente une nef de neuf travées, un chevet circulaire et des bas-côtés formant un déambulatoire ouvrant sur une chapelle unique ; la nef, autrefois limitée par un badigeonnage, a retrouvé après la restauration de 1993 la voûte en bois mise en valeur. Les éléments stylistiques témoignent d’un premier gothique francilien pour les colonnes massives aux tailloirs carrés et d’un vocabulaire normand pour les faisceaux de colonnettes adossées, le chœur et le clocher latéral avec leurs culots et tailloirs caractéristiques. La façade occidentale, sobre, est rythmée par des contreforts et un portail occidental du XIIIe siècle ; deux tours avaient été projetées au droit du chœur, mais seule la tour droite, coiffée en bâtière, fut achevée aux XVe–XVIe siècles. Le chapitre possédait deux dignités, doyen et chantre, et quatorze prébendes dont celle de Gorron, et disposait de fiefs, rentes et maisons attachés à ces bénéfices. Le mobilier et le trésor de la collégiale comprennent plusieurs pièces remarquables : un chrismale anglo-saxon de la fin du VIIe siècle, orné de cuivre repoussé et portant une inscription runique, vingt-quatre stalles du XVIe siècle sculptées de miséricordes figurées, un maître-autel du milieu du XVIIIe siècle en marbre, une grande lampe de sanctuaire en bronze doré, un chandelier pascal, le buffet d’orgue du XVIIIe siècle et divers tableaux et panneaux datés du XVIIe au XIXe siècle. La chapelle Saint-Michel conserve un panneau de la Cène daté de la fin du XVIe ou du début du XVIIe siècle, et plusieurs statues et éléments liturgiques complètent le mobilier classé ou signalé. Le sceau ogival du chapitre, daté du XVIe siècle, représente deux bustes accolés et une croix fleurie ; l’ensemble témoigne de l’importance liturgique et communautaire de la collégiale dans l’histoire religieuse et patrimoniale de Mortain.