Origine et histoire de l'Église Saint-Felix
L'église Saint-Félix de Lézignan-Corbières, située dans l'Aude (région Occitanie), dépend du diocèse de Carcassonne et Narbonne et est inscrite au titre des monuments historiques depuis 1951. Elle apparaît dans des documents anciens : un diplôme de Charlemagne du 5 avril 806 l'attribue à l'abbé de Lagrasse, et la charte de 899 la mentionne déjà comme sanctuaire de la ville. Dans une bulle papale de 1119, Lézignan figure parmi les possessions de l'abbaye de Lagrasse pour ses églises Saint-Félix et Saint-Nazaire, avec la dénomination de « castrum ». Dès le IXe siècle, le territoire de Lézignan était morcelé en trois parts, revenant respectivement à Lagrasse, à des émigrés espagnols et au fisc royal, ce qui empêcha les abbés de Lagrasse d'obtenir la seigneurie entière malgré leurs revendications. Au XIIIe siècle, l'église devient le siège d'une prévôté et, selon les registres du Vatican, elle est paroissiale en 1351 ; le prieuré est rattaché à la mense conventuelle en 1453, après quoi l'édifice est desservi par des prêtres séculiers désignés par le chapitre. Les campagnes de construction et de transformation sont longues : la reconstruction datée par l'inscription d'une panne à 1334 concerne la première moitié du XIVe siècle, et la partie occidentale fut achevée ou rebâtie un siècle plus tard. Jean de Corsier, lors de sa visite en 1453-57, constate que l'église est bien réparée mais pas entièrement achevée. Sur le plan architectural, l'édifice présente une vaste nef unique divisée en quatre travées, bordée de chapelles latérales — sept chapelles, la huitième ayant été remplacée par le porche — et terminée par un chevet à sept pans. Le chevet, véritable point de départ des travaux gothiques aux XIIIe-XIVe siècles, est encadré au nord par une tourelle carrée et au sud par une ancienne sacristie prolongée au XIXe siècle par une nouvelle sacristie appuyée aux contreforts. Le clocher, puissante tour carrée qui encadre la travée du fond avec le porche, s'ouvre sur une chapelle par une large arcade ; ses étages supérieurs sont voûtés, le premier en arc de cloître et le second en coupole, et un escalier à vis polygonal, plus élevé d'un étage, lui est accolé à l'ouest. De l'époque romane subsistent surtout le mur pignon occidental et quatre massifs encadrant la nef au droit des second et troisième doubleaux, reconnaissables au petit appareil allongé en calcaire gris ; ces éléments suggèrent une nef romane à charpente reposant sur arcs diaphragmes. Lors de la reconstruction gothique, certains bois réemployés proviennent de voliges taillées à la hache, retrouvées lors de travaux et datées probablement des XIe ou XIIe siècles. Un clocher-mur percé de quatre baies limite le fond de la nef actuelle ; il aurait été conservé ou élevé après l'abandon d'un projet de tours latérales, hypothèse située vers le milieu du XIIIe siècle, ou bien résulter d'une reprise plus récente liée à une réparation ou à l'éclairement d'une tribune. Les quatre premières chapelles du côté du chœur sont considérées comme postérieures, peut‑être du XVe siècle, et l'achèvement au XVe siècle concerne essentiellement la travée de fond, ses chapelles adjacentes, le porche et le clocher-donjon. La nef, initialement couverte en lauzes et charpentée sur arcs diaphragmes, se trouve aujourd'hui voûtée en briques depuis les travaux de 1856, qui ont également porté sur les boiseries du chœur et la surélévation du dallage. Une tribune édifiée en 1877, placée sur le revers de la façade occidentale, accueille un orgue pneumatique ; lors de ces travaux, d'anciennes baies du clocher-mur furent dégagées. Des campagnes de restauration récentes ont permis de dégager le crépi du mur intérieur ouest et de mettre au jour le mur carolingien primitif. L'intérieur est rythmé par des arcs doubleaux reposant sur des piliers séparant les chapelles, dont certaines accueillent des vitraux dédiés à sainte Colette, saint Régis et saint Félix ; le vitrail central porte les armoiries de la ville. L'église conserve plusieurs œuvres et meubles d'intérêt : statues de la bienheureuse Bonne d'Armagnac et de sainte Claire d'Assise, une représentation de saint François recevant les stigmates datée du XVIIe siècle, deux statues dans le chœur dont l'une serait saint Antoine de Padoue, le maître-autel en marbre du XVIIIe siècle et une chaire à prêcher des XVIIe/XVIIIe siècles. La chapelle Saint-François a reçu en 1792 les tableaux, bustes et statues du monastère des Clarisses lors de sa sécularisation. Le trésor de l'église a souffert de plusieurs vols : le buste de la bienheureuse Bonne d'Armagnac fut dérobé le 22 novembre 1980 puis restitué, un panneau peint de la Nativité attribué à l'école allemande du XVe siècle fut volé en mai 1981, et plusieurs ciboires, calices et patènes des XVIIe et XVIIIe siècles furent dérobés dans la nuit du 23 au 24 octobre 1990.