Origine et histoire de l'Église Saint-Germain de Barneville
L'église Saint-Germain de Barneville se dresse sur le territoire de l'ancienne commune de Barneville-sur-Mer, aujourd'hui rattachée à Barneville-Carteret, dans le département de la Manche en Normandie. Placée sous le vocable de Germain d'Auxerre, l'édifice est d'origine du XIIe siècle mais a été fortement remanié aux XVe, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Elle est située à côté d'une motte castrale dite « le tertre à Malet », à l'emplacement d'une ancienne basse-cour. La fondation est parfois attribuée à Roger de Barneville, mort en 1096, mais elle pourrait avoir été élevée par son fils Jourdain Ier de Barneville vers 1150 ; une charte de l'époque signale des donations foncières qui ont sans doute favorisé l'essor du bourg et l'agrandissement de l'église. L'édifice fut donné à l'abbaye de Grestain par Robert de Mortain, qui transmit les dîmes, le droit de patronage et des terres constituant le fief de Grestain jusqu'à la Révolution ; l'abbé nommait le curé et percevait les deux tiers des dîmes, le seigneur de Barneville restant patron honorifique. Dès la première moitié du XVe siècle, la tour de l'église constituait le principal point fortifié du bourg et, selon le chroniqueur Robert Blondel, une compagnie d'Écossais s'y retrancha en septembre 1449 lors des opérations de reprise de la Normandie, résistant aux assiégeants anglais qui ne purent pénétrer dans l'église. En 1657-1658, François Pitteboult, seigneur de Graffard, donna une rente pour l'entretien de la chapelle Saint-Sébastien ; d'autres actes signalent diverses inhumations et fondations pieuses liées à la famille Pitteboult au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. En 1692, la déclaration de la cure mentionne le manoir presbytéral et un revenu annuel de 350 livres. D'importants travaux de restauration eurent lieu entre 1891 et 1893 sous l'autorité de l'abbé Victor Louis Hamelin.
L'église, orientée est-ouest, présente un plan rectangulaire sans transept et deux élévations composées d'arcades et de fenêtres hautes. La nef romane, datée du deuxième quart du XIIe siècle et flanquée de collatéraux, comporte de grandes arcades moulurées et des chapiteaux historiés représentant notamment Daniel dans la fosse aux lions, le baptême du Christ, la punition de l'avare et une scène pouvant évoquer le meurtre d'Abel par Caïn ; on y observe aussi un bestiaire (lions, griffons, dragons, oiseaux, serpents) ainsi que des motifs végétaux et divers décors sculptés. La nef compte cinq travées — quatre de plan barlong et la cinquième, précédant le chœur, de plan carré — qui furent voûtées en croisées d'ogives en 1891, alors que la couverture primitive devait probablement être une charpente à plafond plat. Le porche occidental actuel, construit en 1891, est un pastiche du porche roman conservé dans le bas-côté nord ; le chœur a été refait au XIXe siècle.
La tour carrée, adossée au côté sud, remonte au XIIe siècle et fut rehaussée et fortifiée au XIVe siècle ; elle est couronnée de mâchicoulis s'appuyant sur des corbeaux qui réemploient des éléments de sarcophages encore décorés. La tour comprend une salle de garde avec cheminée, percée de trous de fusil, et s'ouvre sur la nef par une porte située dans la cinquième travée ; sa tourelle d'escalier date de 1726. La base, reprise au XVe siècle, conserve des parements en opus spicatum, indice possible d'une église antérieure au roman. La chapelle sud, voûtée au XVe siècle et dont la fenêtre fut agrandie au XVIIe, a vu une partie de sa porte bouchée lors de la construction de la tourelle d'escalier en 1726, permettant l'accès seigneurial ; le bas-côté sud fut reconstruit lors de la campagne de 1890. La chapelle des seigneurs de Graffard, côté nord, dédiée à saint Sébastien et voûtée sur croisées d'ogives, est datable de la première moitié du XVIe siècle, tandis que le bas-côté nord fut rétabli au XVIIe siècle. Les vitraux des bas-côtés illustrent la vie de saint Germain d'Auxerre. L'arc triomphal, constitué d'un arc brisé à trois archivoltes, est gothique, alors que les chapiteaux romans qui l'ornent présentent un décor plus sobre ; six pierres tombales portant inscriptions funéraires y sont conservées.
L'église est classée au titre des monuments historiques par arrêté du 26 décembre 1906. Parmi le mobilier, on relève un ancien maître-autel du XVIIIe siècle inscrit au titre des objets, des statues de saint Sébastien du XVIe siècle et une Vierge à l'Enfant du XVIIIe siècle. Plusieurs inhumations notables ont été effectuées dans l'édifice, notamment celles de membres de la famille Pitteboult et de leurs alliés, dont Jean Pitteboult (inhumé le 10 mars 1649), Charlotte Thomas (13 septembre 1681), François Pitteboult (inhumé le 3 avril 1743) et d'autres mentions funéraires aux XVIIe et XVIIIe siècles, ainsi que des fondations de messes en faveur des défunts réalisées par leurs héritiers.