Origine et histoire de l'Église Saint-Jean
L'église Saint-Jean de Caen, paroissiale du quartier Saint-Jean dans le Calvados, est classée au titre des monuments historiques par la liste de 1840. Selon la tradition, un premier lieu de culte dédié à l'apôtre Jean aurait été fondé au VIIe siècle sur une voie romaine traversant les marais de la basse vallée de l'Orne, voie devenue la rue Saint-Jean. Lors de travaux en 1954-1956, des sarcophages monolithes en pierre de Caen ont été découverts dans l'église, témoignant d'une nécropole et d'un oratoire proches ; du sanctuaire pré-roman il ne subsiste toutefois rien. L'église est mentionnée pour la première fois en 1059 dans la charte de fondation de l'abbaye Saint-Martin de Troarn et apparaît ensuite sous les noms de Saint-Jean-des-Champs, Saint-Jean-de-l'Isle et Saint-Jean-le-Hiémois. En 1153, l'évêque de Bayeux Philippe de Harcourt érige l'église en prébende de la cathédrale Notre-Dame de Bayeux, fondation confirmée par deux bulles pontificales d'Eugène III. Peu d'éléments de l'édifice roman subsistent ; une base ancienne arasée, mise au jour lors de travaux de consolidation de la tour centrale pendant la Reconstruction, pourrait en être un témoignage. Très endommagée pendant la guerre de Cent Ans, notamment lors du siège de 1417, l'église est en grande partie reconstruite aux XVe siècle (portail, tour-porche et nef) et XVIe siècle (abside et chœur). Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle l'église était entourée d'un cimetière ; l'édit de 1783 impose le transfert des cimetières hors les murs et le terrain libéré est ultérieurement bâti, ce qui enferme l'édifice dans l'îlot urbain. Pendant la Révolution l'église sert de salpêtrière avant d'être rendue au culte catholique en 1802. Dans les années 1840 le portail principal est remanié, les deux petites portes gothiques flamboyantes étant remplacées par un grand arc en ogive. L'édifice est sérieusement endommagé lors de la bataille de Caen en 1944 mais se dresse encore parmi les ruines ; il est restauré pendant la Reconstruction et dégagé des bâtiments qui l'entouraient selon le plan de Marc Brillaud de Laujardière. Saint-Jean fait aujourd'hui partie de la paroisse de la Sainte-Trinité de Caen.
La tour-porche, surnommée la tour de Pise de Caen, présente une inclinaison vers le nord-ouest attestée à 2,28 m en 1700, conséquence de l'implantation de l'église sur le sol marécageux de l'île Saint-Jean, et reste inachevée pour cette raison. D'importants travaux de fondation ont été réalisés après la Seconde Guerre mondiale avec des pieux en béton de 15 à 18 mètres, puis, confrontée à l'apparition de fissures, la commune a ordonné la fermeture en 2012 et fait réaliser 52 pieux de 21 mètres de profondeur pour stabiliser l'ouvrage, permettant la réouverture le 7 juin 2013. Haute de 46 mètres, la tour-porche présente une base XIVe siècle faite de murs aveugles scandés par des arcatures en tiers-point ; l'accès se fait par un petit porche en saillie sur la façade surmonté d'une grande baie en ogive. La partie supérieure, édifiée au XVe siècle, comporte sur chaque face deux arcades en ogive flanquées d'arcatures sur mur aveugle et de niches abritant des statues des Douze Apôtres, tandis qu'un toit en ardoise peu élevé et une balustrade de pierre coiffent la tour, la construction d'une flèche ayant été abandonnée du fait de l'instabilité du terrain. Une tour-lanterne, élevée au XVIe siècle au-dessus du transept, est restée inachevée : partie d'une base carrée destinée à une tour octogonale, elle s'arrête au niveau inférieur couvert d'un simple toit en ardoise et chaque angle porte un pinacle de style Renaissance.
L'édifice mesure 70 mètres de long, 22 mètres de large au niveau de la nef et 32 mètres entre les deux transepts, pour une superficie au sol de 1 641 m2, et présente deux particularités de plan : un chœur plus long que la nef (quatre travées contre trois) et un chevet orienté vers le nord-est plutôt que vers l'est. Les travaux de consolidation de la tour-porche en 2013 ont permis la mise au jour d'un ensemble exceptionnel de dalles funéraires gravées des XIIIe et XIVe siècles ainsi que de nombreux ossements enfouis dans le sous-sol.
Le mobilier comprend statues, éléments liturgiques et toiles : l'ancien maître-autel de l'abbaye d'Ardenne, installé en 1812 et détruit à la fin du XIXe siècle, a toutefois laissé deux statues polychromes en bois représentant saint Norbert et saint Augustin classées monuments historiques depuis 1908. Sont également conservés une Vierge peinte du XVIIe siècle dite Notre-Dame-de-Protection provenant de la porte Millet, une statue en bois de saint Jean-Baptiste à l'origine polychrome, une statue de Jean Soreth et un christ calciné retrouvé après la bataille de Caen. Une crédence en bois taillé et doré du XVIIIe siècle est classée depuis 1977 ; l'ancien maître-autel de Notre-Dame du Carme, remonté dans le transept sud, est une œuvre du XVIIe siècle endommagée en 1944 et protégée depuis 1975. Le retable du transept présente à sa gauche saint Joseph, à sa droite sainte Thérèse d'Ávila et, au centre, une statue de sainte Catherine ; une toile représentant l'Annonciation orne le centre du retable et paraît antérieure à 1620 alors que l'ensemble date de la fin du XVIIe siècle. Parmi les tableaux déposés figure l'Ecce Homo de Pieter Thys, restauré en 2000 et classé en 2001, ainsi que l'Adoration des mages d'après Jean Restout, classée en 1980.
L'orgue Haepfer Hermann, installé en 1969, remplace un instrument précédent dont le buffet classique datait de 1770 et a été détruit pendant la Seconde Guerre mondiale ; le grand orgue néoclassique actuel, placé dans le transept nord, est à commande mécanique et dispose de trente-huit jeux. L'église possède en outre un orgue de chœur Cavaillé-Coll d'une quinzaine de jeux, toujours en état de fonctionnement.