Origine et histoire de l'Église Saint-Laurent
L’église Saint-Laurent, située à Rocquemont dans l’Oise, est une paroissiale catholique bâtie à la fin de la période romane ; ses parties les plus anciennes datent de la première moitié du XIIe siècle et correspondaient à une nef unique, à la base du clocher et à un chevet plat. L’adjonction de bas-côtés et de croisillons, à des époques postérieures, a transformé la silhouette de l’édifice et modifié les élévations latérales de la nef et de la base du clocher, sans pour autant faire disparaître à l’intérieur les éléments romans d’origine. Le chœur conserve deux voûtes d’ogives précoces, robustes et très simples, qui figurent parmi les premières du département. À l’extérieur, le portail occidental du milieu du XIIe siècle témoigne d’une recherche formelle plus aboutie, mais l’ensemble de l’église se caractérise par une rusticité élégante, un appareillage soigné et des proportions harmonieuses. Inscrite aux monuments historiques, elle a fait l’objet d’une restauration réfléchie à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle, qui a notamment permis de restituer l’ambiance du XVIIIe siècle. Parmi les éléments remarquables figurent la clôture de chœur en fer forgé de 1758, des retables baroques en pierre et en bois du XVIIe siècle et des peintures murales discrètes dans la nef ; la sobriété intérieure favorise le recueillement.
L’église occupe la limite Est du village, rue de l’Église, au sein de l’enclos du cimetière qui s’étend principalement au sud ; on y accède depuis la rue par quelques marches. En approchant du portail, la croix du cimetière, inscrite aux monuments historiques, attire l’attention : le Christ est mutilé, le revers porte la figure d’un vieillard barbu, les branches sont reliées par des volutes, l’ensemble repose sur un haut fût monolithique posé sur une base octogonale et un piédestal circulaire intégrant un autel de pierre refait. Le chevet donne sur un chemin rural et l’église se détache librement de tout bâti voisin ; son altitude est de 101,5 m.
Le village de Rocquemont est évoqué dès le haut Moyen Âge dans le récit de la translation des reliques de saint Arnould ; l’histoire paroissiale reste cependant partiellement obscure et il n’est pas exclu que l’église actuelle soit la première église paroissiale du village. Le saint patron est saint Laurent, avec saint Denis comme patron secondaire. Sous l’Ancien Régime la paroisse dépendait du doyenné de Crépy et du diocèse de Senlis ; la cure était pourvue par l’évêque de Senlis. La commune possède par ailleurs une chapelle au hameau du Plessis‑Châtelain comportant des éléments gothiques et devenue propriété privée après la Révolution.
L’édifice a été remanié à plusieurs reprises : le portail occidental a été complété après l’achèvement de l’église, des chapelles ont été ajoutées au nord et au sud de la base du clocher, des niches ont été ménagées dans l’épaisseur du mur méridional de l’abside, et des aménagements divers — porche, tourelle d’escalier, sacristie, lucarnes — ont été réalisés à des époques ultérieures. Une restauration est attestée par une inscription dans le chœur, et des travaux de toiture et d’exhaussement du pignon occidental datent des siècles plus récents. L’église a été inscrite aux monuments historiques en 1951 et restaurée intégralement sous l’impulsion d’une association à la fin du XXe siècle et en 2010.
Sur le plan ecclésiastique, les bouleversements révolutionnaires ont entraîné la suppression du diocèse de Senlis et des réaffectations diocésaines successives ; au XIXe siècle et au XXe siècle la paroisse a été regroupée avec d’autres succursales, si bien que l’église Saint‑Laurent accueille aujourd’hui peu de célébrations eucharistiques régulières.
Architecturalement, l’église est orientée et comprend un porche, une nef aveugle de trois travées accompagnée de bas‑côtés, la base du clocher transformée en croisée du transept, deux croisillons, un chevet plat et une chapelle nord devenue sacristie ; une tourelle d’escalier occupe l’angle entre le bas‑côté sud et le croisillon sud. Seuls le transept et l’abside sont voûtés d’ogives ; la nef et les bas‑côtés sont couverts ensemble par une toiture unique à deux rampants, tandis que les autres volumes reçoivent des toitures indépendantes.
L’intérieur de la nef illustre une grande simplicité constructive : l’appareil en pierres de taille est de belle qualité, mais l’espace est dépourvu d’ornementation architecturale marquée et présente un intérêt limité, son principal attrait venant de l’ambiance restituée du XVIIIe siècle. La charpente visible date d’une campagne plus récente ; le mobilier moderne a été en grande partie supprimé pour retrouver une cohérence d’ensemble, les bancs étant anciens et homogènes. La grille de chœur en fer forgé de 1758 est conservée et repose sur un muret entre la seconde et la troisième travée. Les peintures murales dégagées comprennent une litre seigneuriale aux armes des Lancy de Raray, des frises ornementales, des monogrammes IHS au pochoir et des motifs floraux peints en ocre rouge et jaune.
Les grandes arcades en tiers‑point qui ouvrent la nef sur les bas‑côtés et la troisième travée plus élevée marquent la transition vers des formes gothiques précoces ; les traces d’anciennes fenêtres en plein cintre et les impostes rudimentaires expliquent en partie le débat de datation entre auteurs, mais la description des éléments plaide pour une datation haute. Les bas‑côtés présentent des plafonds lambrissés à la manière de revers de toits, un dallage en pierre calcaire et des bancs de pierre ; leur éclairage repose sur de petites lucarnes et des fenêtres profondément ébrasées.
La base du clocher et l’abside forment le chœur proprement dit ; l’arc triomphal vers la nef est à simple rouleau et laisse apparaître une fenêtre primitive du clocher. Les ogives du chœur, d’un profil simple et assez massif, retombent sur des tailloirs au profil archaïque ; ces voûtes d’ogives, dépourvues de formerets et fortement bombées, appartiennent au petit groupe d’expérimentations anciennes de la voûte d’ogives dans la région. La clé de voûte de l’abside porte une simple croix de Malte en bas‑relief et l’éclairage du chœur associe une fenêtre romane au nord et un triplet au chevet, la grande baie sud ayant été repercée postérieurement.
Les deux croisillons, de plan approximativement carré, débordent largement devant les bas‑côtés et ne sont pas strictement alignés sur la croisée : leur chevet se situe davantage à l’est que le doubleau, ce qui crée des niches d’autel. Malgré l’écart chronologique avec la nef, leur appareil retrouvé s’harmonise avec le roman tardif ; les voûtes présentent des ogives au profil torique et des cul‑de‑lampes ou tailloirs sculptés de feuillages ou de têtes, témoignant d’une datation dans la première moitié du XIIIe siècle. Les fenêtres sont de type lancette et certaines arcatures aveugles en plein cintre allègent les façades intérieures.
À l’extérieur, la façade occidentale est épaulée par des contreforts plats et percée d’une grande fenêtre en plein cintre surmontée d’un cordon de pointes-de-diamant ; le portail, abrité par un porche en charpente, forme un avant‑corps couronné d’un gâble mutilé et associe un noyau primitif du début du XIIe siècle conservé à des archivoltes et colonnettes ajoutées au milieu du XIIe siècle. La rupture d’appareil au‑dessus des contreforts signale l’adjonction postérieure des bas‑côtés. Le clocher, d’allure fonctionnelle, reçoit des baies primitive et des baies abat‑son réalisées lors de la construction des croisillons ; ses angles sont cantonnés de contreforts et une corniche de modillons termine les murs.
Le mobilier de l’église comprend plusieurs pièces remarquables ; trois objets font l’objet d’un classement au titre des objets : les fonts baptismaux du XIIe siècle, une Vierge à l’Enfant et la cloche en bronze datée de 1682, portant une inscription de dédicace mentionnant la famille Lancy de Raray. Les statues d’art populaire conservées dans l’église sont des moulages ou des répliques ; les originaux sont déposés au musée de l’Archerie et du Valois de Crépy‑en‑Valois. On relève en outre un retable en pierre polychrome du croisillon sud, le retable en bois du maître‑autel du XVIIe siècle restauré et remis en place, une dalle funéraire à effigie gravée, la clôture du chœur de 1758 et des stalles de chœur.
Les fonts baptismaux, datés du XIIe siècle, sont une cuve à infusion monolithique en calcaire : intérieurement cylindrique et extérieurement octogonale, chaque face porte une arcature en bas‑relief, les montants sont toriques et les chapiteaux peu marqués ; quelques ragréages en plâtre sont visibles et le socle moderne n’est pas inclus dans le classement. La Vierge polychrome de pierre, mesurant 169 cm, est attribuée au premier quart du XIVe siècle ; d’autres sculptures médiévales ou modernes, originales ou en réplique, complètent l’ensemble mobilier.
Enfin, deux dalles funéraires portent des inscriptions et des effigies : la dalle de messire Jérôme Carrier, curé, comporte une effigie en pied entre pilastres sous arcade, et la plaque de fondation de l’abbé Gaspard Geslin rappelle son legs à la fabrique et sa demande de messes pour le repos de son âme ; la sépulture de l’abbé Geslin a été retrouvée lors de fouilles récentes, avec quelques restes de cercueil et un liard de Louis XIV.