Origine et histoire de l'Église Saint-Martin
L’église Saint-Martin de Clamecy, ancienne collégiale située dans la Nièvre en Bourgogne Franche-Comté, prend son origine d’une chapelle paroissiale datée du VIIIe siècle. Au IXe siècle, les comtes de Nevers s’installent à Clamecy et contribuent au développement de la ville en fondant notamment une paroisse, un château-fort et la chapelle paroissiale primitive. La reconstruction au XIe siècle, conduite par le vicomte Guy de Clamecy et l’évêque d’Auxerre Geoffroy de Champallement, vise à accueillir un collège de huit chanoines ; l’édifice est d’abord dédié à Saint-Potentien. Le chapitre prospère grâce à des dîmes, rentes, droits de pêche et de chasse ainsi qu’à des dons de terres, vignobles et biens offerts par les seigneurs et la comtesse Ida, puis par Mahaut de Courtenay. Bien qu’aucun texte n’atteste précisément le lancement des travaux, la plupart des historiens situent leur reprise autour de 1215. La campagne principale de construction s’étend approximativement de 1215 à 1520 : en 1240 sont réalisées les trois premières travées de la nef et le chœur, inspiré du gothique bourguignon et d’éléments cisterciens, avec alternance de piles simples et complexes, arcs surhaussés ornés de têtes humaines et voûtes en croisées d’ogives. La dernière travée, achevée au XVe siècle, fixe le plan définitif de la collégiale, qui présente un chevet plat. En 1437 la charpente de la nef est refaite et l’année suivante l’église prend le vocable de saint Martin. La tour monumentale orientée au sud‑ouest est élevée en 1497, réalisée en pierre de Basseville par Pierre Cuvé dit « Bat-le-Duc » et les habitants de Clamecy, et constitue une fierté locale. Vers 1515 s’achèvent les travaux de la tour et commencent ceux du portail et de la façade : le portail, essentiellement gothique, est surmonté de trente-deux scènes de la vie de saint Martin et la façade se distingue par son abondante décoration. La légende rapporte la mort de Pierre Cuvé écrasé par un bloc de pierre, sculpture que son élève aurait figurée et qui est aujourd’hui exposée à l’entrée de Clamecy, rue du Grenier à Sel ; un mouvement de foule en 1654 a par ailleurs causé plusieurs décès lors d’une visite de la tour. Dès 1520 les gros travaux sont terminés, mais en 1521 François Ier remarque un fléchissement des murs ; il finance l’installation d’un jubé confiée au chanoine Guillaume Colas et achevée en 1525, élément dont on débat encore aujourd’hui s’il fut cause ou remède du fléchissement ; ce jubé est finalement retiré en 1840 par Eugène Viollet‑le‑Duc lors du classement de la collégiale sur la première liste des Monuments historiques. En 1525 sont également posées des portes en chêne massif. La bénédiction des cloches de la tour a lieu en 1778 pour Martine, Marie et Gabrielle, avec des parrains et marraines de la noblesse locale ; Martine subsistera jusqu’en 1851 où elle est fendue lors des troubles de 1848, et le carillon sera restauré en 1857 grâce au financement de familles locales, bénédiction donnée par l’évêque de Nevers Dominique‑Augustin Dufêtre, les cloches ayant alors été louées comme « le plus beau son du diocèse de Nevers et d’Auxerre ». La Révolution entraîne la suppression du chapitre, la transformation de l’édifice en Temple de la Raison et de nombreuses dégradations ; en 1793 Fouché ordonne la démolition de la tour et le démontage des gargouilles et des cloches pour empêcher l’édifice, selon ses termes, et pour faire des canons. À la fin du XIXe siècle est installé l’orgue du facteur Aristide Cavaillé‑Coll ; cet instrument, restauré et inscrit en plusieurs phases, est finalement classé et figure parmi les trois orgues de ce maître recensés en Bourgogne‑Franche‑Comté. Le XXe siècle connaît quelques épisodes marquants : en mai 1935 un drapeau rouge est hissé au sommet de la tour après l’élection d’un conseil municipal communiste, le drapeau tricolore de la Révolution étant replacé après la Seconde Guerre mondiale et encore en place aujourd’hui, et la guerre de 1939‑1945 n’occasionne que des dommages mineurs, notamment la chute de gargouilles le 16 juin 1940 suite à des bombardements allemands. À l’intérieur, la collégiale présente de grandes arcades, un triforium à quatre arcades et une rangée de fenêtres hautes à remplage en arrière du triforium ; ces fenêtres sont souvent géminées et tréflées, accompagnées de rosaces quadrilobées et d’une rose à sept lobes dans les premières travées des bas‑côtés. La dernière travée se distingue par une voûte flamboyante à liernes et tiercerons, tandis que les autres travées conservent des voûtes en croisées d’ogives. À l’entrée, face aux bénitiers, une gravure en latin et en grec — « Nipson anomhata mh monan opsin » et « Lava peccata non solam frontem » — exhorte à une purification intérieure et extérieure. L’édifice comprend huit chapelles : les fonts baptismaux, Saint‑Joseph, l’Annonciation, le Crucifix (ou Saint‑Jacques / Saint‑Sacrament), la Sainte‑Vierge, le collège, Jeanne d’Arc et la chapelle de la tour. Le jubé primitif de 1525 reposait sur quatre colonnes, comportait des niches pour des statues des Docteurs de l’Église et deux bas‑reliefs représentant la Cène et la Mise au Tombeau ; ces bas‑reliefs, détaillant scènes et expressions des personnages, sont exposés aujourd’hui dans la nef depuis la destruction du jubé en 1840. La tour, adossée au sud contre la deuxième travée du bas‑côté, comporte deux étages carrés ornés d’arcatures et de consoles destinées à recevoir des statues, des fleurons découpés, des baies à abat‑son et une balustrade en encorbellement au second étage ; elle se termine par une terrasse protégée par une balustrade, renforcée de contreforts d’angle et équipée de gargouilles pour l’évacuation des eaux. Le portail, sculpté et très orné, développe trente‑deux scènes de la vie de saint Martin réparties sur quatre voussures en arc brisé, mais l’altération et les nids d’hirondelles empêchent l’identification complète de toutes les scènes ; le tympan comporte deux figures en prière, une allusion à la Trinité et les inscriptions latines « Solideo Optimo Maximo » et « Sub Invocatione Sti Martini » (« À Dieu, très bon et très grand » et « Sous l’invocation de Saint‑Martin »). Les piédroits du portail présentent des personnages bibliques et des sibylles sculptées, ainsi que divers génies musiciens, sagittaires et figures ailées. La façade, composée d’une partie inférieure large et d’une partie supérieure plus étroite correspondant à la nef, est articulée par des contreforts polygonaux ornés de fleurons reliés par des arcs‑boutants et richement décorée de moulurations, niches, dais, statues et d’une grande rosace entourée de ceps de vigne au remplage flamboyant. Les vitraux illustrent de nombreuses scènes et figures chrétiennes : Annonciation et mariages dans la chapelle de la Vierge, Baptême du Christ aux fonts, Bon Pasteur et saints au chevet et à la croisée du transept, Jeanne d’Arc dans sa chapelle, une rosace de Jessé à la façade ouest, diverses représentations des évangélistes et des saints dans le transept et le collatéral nord, la Trinité et des scènes du Christ dans la chapelle du Sacré‑Cœur, ainsi que le Triomphe de la Croix et la Vie de Saint‑Martin dans la chapelle de la tour.