Origine et histoire de l'Église Saint-Martin
L'église Saint-Martin de Moutiers (Ille‑et‑Vilaine) est inscrite au titre des monuments historiques par arrêté du 15 juin 1977. Elle constitue un prototype des églises à pignons multiples de la région de Vitré, caractérisées par des bas‑côtés à pignonnets perpendiculaires à la nef et une construction en pierre de pays. Le toponyme Moutiers, issu du latin monasterium, et la découverte répétée de cercueils en calcaire coquillier le long du coteau attestent l'ancienneté d'un monastère aujourd'hui disparu et d'une vaste nécropole à proximité de l'édifice. Le corps principal de l'église date de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle, mais la construction s'est étalée sur plusieurs siècles, ce que confirment des millésimes et une comparaison stylistique. On relève notamment une inscription de 1618 sur le lambris du chœur, une date de 1686 sur un contrefort méridional, un bossage daté de 1773 sur la façade occidentale, l'élévation d'une sacristie à étage en 1847, l'installation de quatre cloches en 1927 et des campagnes de restauration menées entre 2000 et 2010. Sous l'Ancien Régime, la paroisse dépendait du doyenné de La Guerche et la cure était à la collation de l'abbaye Saint‑Martin de Marmoutiers ; la possession fut confirmée en 1197 par l'évêque de Rennes, situation qui perdura jusqu'à la période concordataire, et l'église relève aujourd'hui de la paroisse Notre‑Dame de La Guerche.
La façade occidentale, asymétrique, s'organise autour d'un avant‑corps en pierres de taille orné de chaînages à bossages et de trois étages séparés par des cordons ; le portail plein cintre, flanqué de fines colonnettes, présente une clef sculptée et un fronton triangulaire interrompu par une niche abritant une statue de Saint‑Martin, tandis qu'un oculus centré est entouré de bossages concentriques. À gauche s'élève une tour‑clocher carrée, soutenue par des contreforts appareillés et coiffée d'une partie charpentée à flèche double, où l'on remarque en réemploi un élément gothique flamboyant provenant d'une ancienne porte. Le mur occidental du collatéral sud, plus sobre, porte une pierre tombale datée de 1734 rappelant l'abbé Nouail de la Contrie. La façade septentrionale, la plus ancienne, se compose de trois chapelles en enfilade édifiées à la charnière des XVe et XVIe siècles ; celles‑ci, de calibre comparable, relèvent du gothique flamboyant et sont animées de pinacles, de gargouilles zoomorphes et d'un bas‑relief représentant Saint‑Pierre sur un contrefort. La façade méridionale, formée de quatre chapelles encadrées de contreforts sommés de pinacles, fut pendant longtemps la façade principale et conserve deux portes, dont l'une en accolade ornée d'un écusson ; son hétérogénéité traduit plusieurs campagnes de construction et elle ouvrait autrefois sur le cimetière paroissial déplacé en 1973. Le chevet primitif est masqué par la sacristie de 1847, annexe utilitaire à deux niveaux dont le mur oriental est aveugle et dont l'emploi, notamment l'usage d'un schiste ardoisier pour chaînages et linteaux, témoigne d'un goût et d'une pratique du XIXe siècle.
L'intérieur présente un plan basilical sans transept, composé d'un vaste rectangle à trois vaisseaux rythmé par des piles octogonales et des arcades en anse de panier ; la charpente lambrissée ogivale, datée de 1618, couvre la nef principale et les collatéraux sont coiffés de voûtes de bois ogivales transversales, système fréquent dans les églises rurales de la région de Vitré. Le décor du doublis, peint en bleu ciel, se caractérise par des doubleaux bicolores et une lierne continue, tandis que le chaulage blanc des murs et la peinture rouge des éléments porteurs mettent en valeur la simplicité fonctionnelle de l'architecture. La circulation est strictement canalisée d'ouest en est, la nef centrale constituant l'axe principal ; le murage d'une porte occidentale a subordonné le bas‑côté nord à la nef, alors qu'une porte basse côté sud facilite l'accès aux autels secondaires et guide le regard vers le retable du maître‑autel.
Les vitraux forment un ensemble très homogène du dernier quart du XIXe siècle réalisé par les ateliers Lecomte et Colin de Rennes, certaines verrières étant datées de 1891 et plusieurs portant le nom de donateurs. Les neuf baies évoquent des thèmes néotraditionnels et nationaux : côté nord, de l'est à l'ouest, l'apparition du Sacré‑Cœur à sainte Marguerite‑Marie Alacoque, le repos de la Sainte‑Famille, l'apparition du Christ à saint François d'Assise et le baptême de Clovis par saint Rémi ; côté sud, de l'est à l'ouest, le songe de saint Martin, Jésus et Pierre marchant sur les eaux, "Laissez venir à moi les petits enfants" et saint Louis‑Marie Grignion de Montfort.
Le mobilier liturgique est remarquable : l'église conserve trois retables attribués au début du XVIIe siècle, classés par arrêté du 21 février 1951. Le maître‑autel, réalisé en 1854 par le menuisier Girard et peint par François Folie, s'accompagne d'un tabernacle orné de six colonnes corinthiennes dorées et de bas‑reliefs représentant la Vierge et l'Enfant, tandis que le retable en bois, doté d'un tableau central figurant l'Adoration des mages attribué à Mathurin Bonnecamp, sert d'écrin à la réserve eucharistique. Le retable de l'Institution du Rosaire repose sur un autel de 1840 et un retable lavallois daté de 1620, probablement l'œuvre de Jean Martinet, dont la toile illustre la Donation du Rosaire et porte les armes d'alliance des familles du Guesclin et du Chastelier. Le retable de la Descente de Croix, pendant du Rosaire, est une copie inspirée de Rubens dont l'état de conservation est dégradé. La chaire, de style rocaille, fut donnée en 1786 par Julien Verron et, par ses qualités techniques et stylistiques, a été classée objet par le même arrêté de 1951.
Parmi les autres pièces d'intérêt figurent un trésor liturgique du XVIIIe siècle, une statue de Saint‑Jacques‑le‑Majeur venue de Médréac (seconde moitié du XVIe siècle), une Vierge à l'Enfant du XVIIIe siècle, deux confessionnaux et un baldaquin néo‑gothiques pour les fonts baptismaux, des bannières de procession, le mécanisme d'horloge du collatéral nord et quatre cloches fondues par Cornille Havard et baptisées le 24 avril 1927. Dans son ensemble, l'église Saint‑Martin associe des traits gothiques flamboyants, des réaménagements classiques et des aménagements intérieurs de qualité, faisant d'elle un élément structurant du bourg de Moutiers.