Origine et histoire de l'Église Saint-Martin
L'église Saint‑Martin de Pfaffenheim, classée au titre des monuments historiques depuis 1840, se situe rue de la Lauch au cœur du village du même nom, dans le Haut‑Rhin (Grand‑Est). Elle présente la particularité d'avoir deux chœurs et un clocher séparé, témoins de son évolution architecturale. Le chœur roman et la sacristie conservés appartiennent à l'église construite entre 1215 et 1225; des fouilles de 1992 ont mis au jour des fondations qui suggèrent que la nef disparue était peut‑être plus ancienne. Bâti en grès jaune de Rouffach, le chevet forme les cinq huitièmes d'un octogone, cantonné de contreforts et percé au deuxième niveau de fenêtres étroites à arc en plein cintre. Les niveaux inférieurs sont marqués par des frises d'arceaux d'inspiration italienne, tandis que le troisième niveau présente des colonnettes et des arcs aveugles évoquant les galeries de Spire ou de Bonn; le dernier niveau est orné d'une rangée d'arcades aveugles d'inspiration italo‑allemande. Au bas du mur est, un crucifix recouvre une fresque ancienne et la partie inférieure du chœur porte des polissoirs dits « griffes du diable ». La voûte du chœur et celle de la sacristie, de style de transition, annoncent le gothique par leurs proportions élancées et des arcs brisés; un pilier au nord‑est renferme un tabernacle du XVe siècle.
En 1836 la nef romane fut remplacée par une vaste nef et un chœur occidental néo‑classiques, l'ancien chœur étant maintenu mais mis hors d'usage; cet édifice, réalisé par l'architecte Pétin, demanda des consolidations dès 1850 en raison de défauts de construction. En 1892 la municipalité confia à Charles Winkler le projet d'un nouvel édifice; Winkler conserva les fondations de 1836 et fit élever une église néo‑gothique, voûtée d'ogives et fermée à l'ouest par un chevet néogothique. Il simplifia la relation stylistique entre l'ancien chœur roman et la nouvelle nef en reprenant le grès jaune pour les éléments visibles et en conservant des motifs de transition comme une frise d'arceaux. La nef de Winkler est de type basilical: un vaisseau central haut, percé d'une claire‑voie, domine deux collatéraux couverts de toits en appentis; vue de l'extérieur, la partie haute du vaisseau central est percée de baies ogivales géminées. Les murs sont crépis, mais les contreforts, meneaux et frises sont en grès jaune; les baies du premier niveau présentent des embrasures en plein cintre dont les meneaux forment deux lancettes surmontées d'un oculus. Une tourelle octogonale au sud‑est abrite un escalier d'accès aux combles et porte en partie haute des ouvertures à triple arc de caractère roman, accentuant la transition des styles.
À l'intérieur, les structures sont en grès rose de Phalsbourg: deux colonnades définissent sept travées et soutiennent des voûtes d'ogives; les colonnes cylindriques portent des chapiteaux octogonaux sculptés et les arcs latéraux supportent des galeries à ogives doubles. Au-delà de l'arc triomphal, le chœur néogothique, meublé d'un maître‑autel et de stalles, comprend une croisée droite aveugle puis une abside polygonale à voûte nervurée percée de hautes fenêtres en ogives. Le clocher du XIXe siècle, élevé par Winkler en surélévation de la base romane et couronné par une flèche imposante, fut endommagé lors des combats du 5 février 1945 et sa partie supérieure détruite; il fut ensuite démonté et le moignon couvert d'un toit provisoire. Après 1972, l'architecte en chef des Monuments historiques Bertrand Monnet fit édifier au nord de l'église un campanile moderne en béton, achevé en 1975, au dessin minimaliste et aux surfaces marquées par les traces du coffrage, dont la partie supérieure ajourée est rythmée par des abat‑sons. Les vestiges du clocher ancien furent ramenés au niveau intermédiaire et couverts d'un toit à longs pans, les arcatures du pignon du chœur remplacées par une frise d'arceaux semblable à celle des murs latéraux.
Une restauration générale intérieure et extérieure a été menée en 1992; lors des travaux préparatoires au chauffage par le sol, les fouilles ont mis au jour les bases de l'ancienne nef romane et quatre sépultures, dont l'emprise est aujourd'hui indiquée dans le dallage. Le mobilier réunit un maître‑autel néogothique, un autel de Sainte‑Marie, un crucifix sur l'arc triomphal, un autel dédié à plusieurs saints, une chaire à prêcher sculptée, une Pietà, des fonts baptismaux et un bénitier, des maquettes retraçant l'évolution de l'édifice, un orgue (Callinet‑Schwenkedel‑Brayé), une statue de Saint‑Michel et la custode du XVe siècle. Ainsi l'église Saint‑Martin illustre une stratification stylistique où se côtoient éléments romans, néo‑classiques, néo‑gothiques et modernistes, témoignant des différentes phases de construction, de destruction et de restauration qu'elle a traversées.
