Origine et histoire de l'Église Saint-Maurille
L'église Saint-Maurille se situe au cœur du village de Saint-Morillon, en Gironde, sur la route départementale au sud de La Brède, entre Saint-Selve à l'est et Cabanac-et-Villagrains à l'ouest. Dès sa fondation elle est dédiée à saint Maurille et elle apparaît dans les comptes de l'archevêché au XIVe siècle ainsi que dans la nomenclature paroissiale de 1398 sous le nom latin Sanctus Maurilius. L'édifice primitif du XIIe siècle se compose d'une nef unique terminée par une abside polygonale à l'extérieur et semi-circulaire à l'intérieur. À la fin du XIIIe siècle ou au début du XIVe siècle deux chapelles voûtées d'ogives formant transept sont ajoutées, puis prolongées au XVIIIe siècle pour constituer des bas-côtés. Un portail occidental sobre et un clocher-mur sont élevés au XIVe siècle, tandis qu'un porche est ajouté au XVIIIe siècle. Des travaux de réfection sont entrepris sous l'autorité de l'abbé Brassens en 1822, dont la pierre tombale se trouve sous le porche occidental et porte l'inscription Simon de Brassens, curé de Saint-Morillon, restaurateur de l'église. Les deux baies en plein-cintre du clocher-mur abritent des cloches datées de 1845. Au milieu du XIXe siècle, selon Léo Drouyn, des balcons en bois bordaient alors les baies des cloches pour abriter les sonneurs; ces aménagements et leurs corbeaux en pierre ont depuis disparu. Dans la seconde moitié du XIXe siècle sont percées les fenêtres actuelles du bas-côté nord et sont construits, au nord-est de la chapelle, une sacristie et un cabinet d'aisance octogonal; une fenêtre gothique est percée dans le bas-côté sud pour éclairer l'armoire eucharistique. L'édifice est inscrit en totalité au titre des monuments historiques par arrêté du 16 décembre 2008. Les sculptures qui ornent la corniche extérieure de l'abside et celles de l'arc triomphal et de l'arc séparant l'abside de la travée droite datent de la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe siècle. Les chapiteaux intérieurs ne sont pas historiés; ils reçoivent un décor de feuillage simple ponctué de petites boules semblable à celui de la corniche. La corniche de l'abside repose sur vingt-six modillons séparés par des métopes, certains décorés de rosaces; six modillons figurés et six à motifs géométriques subsistent, les autres étant effacés ou indiscernables. Parmi les modillons figurés se retrouvent des thèmes documentés sur l'arc atlantique, notamment des évocations de la luxure et de l'avarice. Sur les pans sud, le troisième modillon représente un homme à la tête retournée, dit Homo invertis, qui figure la sodomie, et un autre modillon montre une tête humaine accompagnée d'un dolio, instrument de musique associé aux saltimbanques et à la luxure. Les modillons du pan sud-est sont érodés mais laissent apparaître un animal, peut-être un bouc, et une tête humaine; sur le pan est un troisième modillon montre une femme nue coiffée d'une guimpe et désignant sa vulve, motif lié à l'exhibition génitale. Sur les pans nord-est et nord un modillon central, lui aussi partiellement effacé, laisse distinguer un homme nu tenant son sexe et soufflant peut-être dans une flûte ou un cor; le détail d'un scrotum hypertrophié a été interprété comme une allusion à l'avarice. Le porche bâti au XVIIIe siècle abrite deux tombes, dont celle de Simon de Brassens et une autre inscription aujourd'hui illisible, probablement celle d'un chevalier de l'ordre de Saint-Denis. L'armoire eucharistique, datée du XVe siècle et surmontée d'un arc en accolade, était ouverte dans le mur occidental du bas-côté sud; sa porte en bois porte des sculptures florales ainsi que des motifs de calice et d'hosties, et elle a été éclairée plus tard par une petite fenêtre gothique désormais murée. Sur le mur du bas-côté sud se conserve un fragment de litre funéraire de 1755 portant les armoiries de Charles Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, fragment classé en 1969. La chapelle sud, dédiée à saint Roch depuis le XVe siècle, reçoit un autel baroque italien de 1828 et un retable doré du XVIIIe siècle signé Claude Fournier. L'autel majeur, œuvre de Claude Fournier datée de 1692 et classée en 1969, comporte un tabernacle sculpté dans un seul bloc; la Vierge à l'Enfant originelle était classée en 1969 mais a été volée en avril 1975. Une toile du XVIIe siècle représentant saint Maurille en apothéose, également signée Fournier, était vraisemblablement placée derrière l'autel. Des statues en pendant de saint Jean et de saint Jean-Baptiste, probablement du XVIIe siècle, se trouvent à l'entrée du chœur; elles et la statue en bois de saint Joseph dans le bas-côté sud sont conservées, certaines œuvres étant classées en 1969. Le bas-côté nord est dédié à la Vierge; son autel présente des statues de sainte Anne, de la Vierge et de saint Joachim et un retable du XVe siècle classés en 1969, tandis que la chapelle sud est ornée d'un retable classique de la seconde moitié du XVIIIe siècle devant lequel prend place un autel de bois et un tabernacle surmonté d'une Vierge à l'Enfant en bois doré. La statue de la Vierge à l'Enfant, datée du XIVe siècle, se remarque par l'absence de voile et par un traitement minutieux des cheveux qui formaient une couronne aujourd'hui dépourvue de son diadème mobile. Le décor peint du chœur du XIXe siècle a été recouvert lors d'une campagne de badigeon blanc qui a uniformisé l'ensemble des murs; deux campagnes menées au début du XXe siècle avaient d'abord remplacé puis effacé un faux appareil peint dont subsistent quelques fragments visibles derrière l'autel et sur le mur du bas-côté sud. Dans la seconde moitié du XIXe siècle le maître verrier Gustave Pierre Dagrant de Bordeaux a fourni pour l'église une verrière du chœur représentant saint Maurille et trois vitraux en médaillons représentant saint Jean, Notre-Dame de Lourdes et saint Roch; les autres baies reçoivent des vitraux géométriques. Le vitrail du chœur représente saint Maurille en évêque portant mitre, crosse et livre ouvert; la baie de saint Jean apparaît aujourd'hui opaque et le vitrail de saint Roch montre le saint tenant son bourdon et sa gourde avec la devise «(Tu) ERIS IN PESTE PATRONUS». Les fonts baptismaux datent du XIXe siècle et plusieurs éléments du mobilier liturgique tels que la chaire à prêcher, un confessionnal, un crucifix et d'autres objets sont présents; enfin trois tableaux du peintre post-impressionniste Pierre-Gaston Rigaud, natif de Saint-Morillon, représentent une procession de 1903 et deux scènes paroissiales.