Origine et histoire de l'Église Saint-Ouen
L'église Saint-Ouen de Pont-Audemer, située rue de la République au cœur du centre historique, est une église paroissiale placée sous le vocable de saint Ouen. Sa masse imposante domine la cité ; l'édifice, inachevé, présente un style composite mêlant éléments romans, gothiques et de la Renaissance. L'édifice primitif remonte au XIe siècle, avec l'ajout d'un clocher sur une construction déjà existante, et des travaux se sont poursuivis jusqu'au XIIIe siècle. En 1350, la décision fut prise de remplacer ce premier bâtiment devenu trop exigu, mais la guerre de Cent Ans retarda les travaux qui ne commencèrent réellement qu'à la fin du XVe siècle. Sous la direction de Michel Gohier furent entrepris le portail, la tour nord et la base de la tour sud. Une nouvelle nef avec bas-côtés et chapelles latérales fut élevée de 1505 à 1515 par Roulland le Roux ; des travaux d'élévation se poursuivirent au XVIe siècle sous Guillaume Morin et Thomas Theroulde avec la réalisation du triforium, l'amorce des fenêtres hautes et le voûtement des premières travées des bas-côtés. Des difficultés financières entraînèrent en 1524 la suspension des travaux et la couverture provisoire de la nef par une voûte en bois, raccordée à l'ancien chœur ; les projets d'une voûte définitive en pierre et de grandes fenêtres ne furent jamais repris. Classée au titre des monuments historiques depuis le 22 novembre 1909, l'église a fait l'objet de travaux de restauration engagés en 2015 pour lutter contre la dégradation de la pierre ; l'édifice a été fermé au culte et le budget de près de 2,5 M€ HT a été supporté par la ville avec la participation de la DRAC et du Conseil départemental.
L'édifice comprend une nef de sept travées flanquée de bas-côtés avec chapelles latérales, un chœur de style roman nettement contrastant avec la nef et une chapelle absidiale. Un transept fut seulement ébauché ; son emplacement est encore perceptible depuis l'extérieur, où l'on aperçoit également la tour-lanterne de l'édifice primitif. La nef, inachevée, présente un étage de grandes arcades soutenues par des piliers sans chapiteau, un triforium très ouvragé et une rangée de petites fenêtres provisoires ; la couverture reste en bois, alors que le triforium constitue un bel exemple de gothique flamboyant. Les bas-côtés, quant à eux, sont achevés et voûtés en ogives, avec clefs à pendentifs.
Les chapelles latérales sont particulièrement remarquables par leur ensemble de vitraux, considéré comme l'un des plus riches du Nord de la France. Nombre de ces verrières datent du XVIe siècle et les plus récentes, principalement vers le chevet, ont été réalisées par le maître verrier Max Ingrand. Les vitraux de Max Ingrand représentent, sur le mur nord, la Vierge à l'Enfant entourée d'anges ; sur l'est du bas-côté nord, la Présentation de Jésus au Temple ; dans la chapelle axiale, de gauche à droite, la Nativité, la Crucifixion et l'Ascension ; sur l'est du bas-côté sud, la Pentecôte ; et, au-dessus d'un petit portail occidental, la Résurrection du Christ.
L'orgue, initialement installé dans l'église des Cordeliers aujourd'hui disparue, a été transféré à Saint-Ouen à une date inconnue ; la tribune, appuyée sur des piliers de bois, se situe au-dessus du portail principal. Les éléments les plus anciens de l'instrument remontent au XVIe siècle ; le buffet en chêne richement sculpté comporte trois tourelles encadrant deux plates-faces et le massif Renaissance présente cinq panneaux en bas-relief figurant des prophètes et des rois d'Israël, dont David. L'un de ces personnages a la tête masquée par la console du XVIIIe siècle qui supporte la tourelle centrale, et la tribune est décorée de panneaux représentant les douze apôtres. Plusieurs interventions sont documentées : réparation en 1788 par Mary dit Dubois, restauration en 1813 par le facteur Huet, relevage en 1913 par Charles Mutin, reconstruction en 1957-1958 par Haerpfer-Erman qui installa un orgue de 33 jeux à transmissions électriques en conservant quelques jeux anciens, puis nouvelle reconstruction en 2000 par Michel Giroud. En 1991, le Service de Conservation Régionale des Monuments Historiques constata la mutilation de parties du buffet et la défaillance des transmissions électriques, la détérioration des sommiers et de certains jeux, et recommanda une restauration profonde pilotée par la DRAC. Cette réfection fut engagée à partir de 1995 par le facteur Michel Giroud, qui choisit de redonner au buffet ses proportions d'origine tout en conservant les dispositions sonores des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. L'orgue restauré comprend 18 jeux, des claviers couplables à tiroir, un pédalier à la française avec tirasse, des transmissions entièrement mécaniques et une soufflerie offrant une option manuelle par soufflet. L'inauguration de l'instrument restauré donna lieu à une série de concerts du 28 avril au 2 mai 2000, dont le concert d'ouverture assuré par Gustav Leonhardt le 29 avril.
Saint-Ouen est par ailleurs le seul lieu de culte à avoir traversé les siècles à Pont-Audemer jusqu'au milieu du XXe siècle ; la ville fut un centre religieux important, siège d'un archidiaconé partagé entre les diocèses de Lisieux et de Rouen. Jusque dans les années 1970, le curé de Saint-Ouen portait le titre d'archiprêtre, dernier titulaire connu étant le père Rocher.