Origine et histoire de l'Église Saint-Pierre
L'église Saint‑Pierre, dite Saint‑Pierre de la Tour, est l'église paroissiale d'Aulnay en Charente‑Maritime. Elle a été élevée au début du XIIe siècle par les chanoines de la cathédrale Saint‑Pierre de Poitiers sur un site occupé auparavant par un temple gallo‑romain puis par un sanctuaire chrétien. Placée à la croisée de routes médiévales — l'axe Melle–Saintes, confondu avec la voie de Tours (via Turonensis), et la route Melle–Cognac — l'édifice fut longtemps étape pour les pèlerins en route vers Saint‑Jacques‑de‑Compostelle. Classée parmi les premiers monuments historiques en 1840, elle fait partie des quatre sites de la Charente‑Maritime inscrits au patrimoine mondial au titre des chemins de Saint‑Jacques‑de‑Compostelle en France. Saint‑Pierre d'Aulnay mêle les traditions du roman poitevin et saintongeais et doit sa réputation à la qualité de son architecture et à la richesse de son décor sculpté.
Un sanctuaire antérieur dépendait du monastère bénédictin Saint‑Cyprien de Poitiers, situation attestée par le cartulaire et des documents papaux, puis le lieu fut transféré au chapitre de Poitiers, qui entreprit la construction de l'église actuelle et en conserva la jouissance jusqu'à la Révolution. Malgré son rôle sur la via Turonensis, l'église échappa aux destructions majeures liées aux guerres médiévales, mais dut faire l'objet de travaux de soutènement après le rehaussement du clocher et l'adjonction d'une lourde flèche, interventions qui imposèrent contreforts et chapelles seigneuriales proches du portail. Pendant les guerres de Religion la porte occidentale fut condamnée et quelques têtes du portail ouest furent mutilées ; à partir de 1756 une campagne de restauration conduite par l'évêché réduisit l'élévation du clocher et modifia sa couverture, une nouvelle cloche étant signalée en 1758. L'édifice subit encore des déprédations à la Révolution — la statue équestre de Constantin fut ôtée en 1792 — retrouva le culte au concordat et a fait l'objet de plusieurs campagnes de restauration aux XIXe et XXe siècles.
L'église s'inscrit dans un vaste enclos anciennement cimetière où furent retrouvées au XIXe siècle des stèles de légionnaires romains aujourd'hui conservées au musée archéologique de Saintes, et où des fouilles récentes ont mis au jour les vestiges d'un sanctuaire celtique qui ont peut‑être inspiré l'appellation « de la Tour ». Face à la façade principale se dresse une croix hosannière du XIVe siècle ornée de statues des quatre apôtres, témoin du rôle d'Aulnay comme étape jacquaire.
De plan en croix latine, l'église présente une triple nef voûtée en berceau brisé, cinq travées rythmées par de fortes colonnes et des arcs doubleaux, des bas‑côtés, un transept saillant flanqué d'absidioles et un chœur terminé par une abside en hémicycle ; la croisée est couverte par une coupole hémisphérique nervée qui porte le clocher rectangulaire. L'appareil de calcaire de très bonne qualité a permis la conservation d'un décor sculpté d'une grande lisibilité. Certaines influences orientales se lisent dans des motifs du portail et dans un chapiteau figurant des éléphants ; des moulages de ces décors sont exposés à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine à Paris.
L'harmonie des proportions se traduit aussi par des dimensions mesurées : longueur totale 45,30 m, longueur des nefs 27,80 m, largeur totale 13,60 m, nef principale 6 m, bas‑côtés 3 m, transept 22,70 m, croisée 6 × 6 m, abside longueur 10 m largeur 5,80 m et murs extérieurs d'environ 1,90 m d'épaisseur. La sculpture romane d'Aulnay est une des réalisations majeures de l'ouest de la France ; l'analyse stylistique permet d'attribuer les travaux à trois ateliers successifs qui ont animé différents secteurs de l'édifice.
Le premier atelier a travaillé à l'extérieur du chevet, aux absidioles, au portail sud et aux chapiteaux de la croisée, privilégiant un décor géométrique foisonnant et de petites figures expressives ; le second a traité la partie supérieure du transept et les chapiteaux de la nef avec un décor végétal ordonné, des visages et des corps nouveaux ; le troisième a fait la façade ouest, où motifs géométriques et grandes figures s'affranchissent du support architectural. Les cinq fenêtres de l'abside associent archivoltes moulurées, colonnettes, chapiteaux historiés et frises basses de petits personnages ou animaux, tandis que trente‑six modillons couronnent la corniche par un bestiaire et des scènes d'imaginaire médiéval.
Le portail sud, construit en quatre voussures, présente une profusion d'images : animaux et entrelacs, les douze apôtres et douze prophètes, les vieillards de l'Apocalypse, et en voussure extérieure un bestiaire inspiré du Physiologus. Le portail ouest propose un programme structuré et pédagogique mêlant les travaux saisonniers et les signes du zodiaque, la parabole des vierges sages et folles, la Psychomachie opposant vertus et vices, et, au centre, un ensemble angélique autour de l'agneau pascal ; l'ensemble met l'accent sur le parcours spirituel du fidèle et privilégie des figures féminines.
À l'intérieur, la sculpture se concentre sur les chapiteaux : la croisée offre des thèmes bibliques et allégoriques (Caïn et Abel, Samson, griffon, basilic, scènes de violence et de salut), les chapiteaux de la nef développent un décor végétal d'inspiration antique, masques et animaux affrontés, et quelques ébauches témoignent du processus de travail des ateliers. L'église conserve par ailleurs une statue du XVe siècle représentant l'apôtre Pierre en trône pontifical, haute de 1,50 m.
Le clocher, initialement constitué des deux étages inférieurs encore visibles, fut rehaussé puis alourdi par une flèche de pierre remplacée plus tard par une couverture légère en charpente ; la façade occidentale a été fortement remaniée et consolidée par des contreforts. Classée dès 1840, l'église a bénéficié de restaurations notables, notamment sous la direction de Paul Abadie dans les années 1854‑1857, puis de travaux en 1910, d'une campagne de 1968‑1975 consacrée à la mise hors d'eau et à la consolidation, et d'un nettoyage de la façade sud en 1989. Inscrite en 1998 sur la liste du patrimoine mondial au titre des chemins de Saint‑Jacques‑de‑Compostelle, elle porte une plaque rappelant ce classement depuis 2002. Le style et les thèmes sculptés à Aulnay ont largement rayonné dans la région, servant de référence aux imagiers des décennies suivantes.