Origine et histoire de l'Église Saint-Pierre
L'église Saint-Pierre d'Isle-Aumont, dans l'Aube (Grand-Est), domine une butte de douze mètres de hauteur et d'environ 100 à 120 mètres de diamètre, position qui lui a parfois valu un rôle de forteresse. La présence d'une coquille Saint-Jacques sculptée sur un mur atteste qu'elle se trouvait sur l'un des chemins de Compostelle et a été fréquentée par des pèlerins. Dès l'époque mérovingienne, la butte abritait une abbaye associée à une vaste nécropole, l'un des premiers établissements monastiques de la Gaule, où de nombreux fidèles souhaitaient être inhumés auprès des reliques d'un saint. En 1097, Robert de Molesme fonda le prieuré bénédictin de Saint-Ursion ; l'église fut alors liée à ce monastère avant de devenir paroissiale, puis de dépendre du château aujourd'hui disparu. La paroisse couvrait une large zone, comprenant notamment les localités des Loges-Maquerons, de Saint-Thibault, des Bordes, de Cormost, de La Vendue-Mignot et de Virloup, et la cure relevait du grand-doyenné de Troyes à la présentation de l'abbé de Molesme. Au début du XVIe siècle, une Vierge à l'Enfant en calcaire polychrome d'1,30 m, attribuée à une donation possible du prieur Étienne Tabourel (curé à partir de 1523), enrichit le mobilier ; son style « flamboyant » la rapproche d'une œuvre de l'Hôtel-Dieu-le-Comte de Troyes et elle a été protégée comme objet classé en 1894. L'église, dite « aux trois sanctuaires », est entourée d'un cimetière mérovingien et constitue le seul monument de la commune inscrit à l'inventaire des monuments historiques. Des fouilles menées par Jean Scapula ont mis au jour des traces d'habitat celtique et, au total, plus de mille sépultures, dont environ six cents sarcophages mérovingiens ; l'ensemble de l'église et des terrains de nécropoles a été classé monument historique en 1967. L'édifice comporte deux nefs : l'une remonte au XIIe siècle, l'autre au XVe siècle.
La nef principale présente un portail gothique qui portait autrefois les armes de France, de Bourgogne et de Champagne, aujourd'hui martelées, et quatre travées conduisent à une tour surmontant l'ancien autel du Xe siècle ; derrière s'ouvre une abside ronde éclairée par trois fenêtres et abritant un autel d'époque plus récente ; le plafond de cette nef est en bois arrondi. La nef sud, de même longueur, a un plafond plat en bois et reçoit un banc d'œuvre, une chaire et un autel terminal du XVIIIe siècle ; ses murs sont ornés de statues, dont saint Roch, saint Claude, et deux crucifix. Les bas-côtés ont été supprimés successivement : celui du sud au XVIe siècle et celui du nord au XIXe siècle. La toiture actuelle, les trois pignons du portail nord et les enduits extérieurs datent d'une campagne de restauration du début du XXIe siècle. Plans et photographies montrent l'organisation intérieure, les deux nefs et la nef sud depuis différents points de vue.
La Vierge à l'Enfant appartient au type des grandes Vierges couronnées ; sa couronne, partiellement brisée, tient par trois tenons en bois. Au pied droit de la Vierge figure un personnage sacerdotal qui pourrait être Étienne Tabourel, donateur présumé. Le visage est tourné légèrement vers le bas ; la chevelure ondulée dépasse d'un manteau bleu richement détaillé, maintenu par un cordon double à pompons et orné d'un galon finement sculpté où figurent dauphins et personnages — parmi eux, un enfant en position fœtale, un adulte les bras levés et un vieillard nu assis. La robe présente un col décoré de fleurs de lys alternant avec des motifs géométriques et une bordure perlée. L'Enfant, assis sur le bras gauche, tient une colombe et porte un collier de perles avec une croix. Jacques Baudoin attribue cette œuvre au Maître de Mailly et la rapproche d'une statue d'Agnès de l'église Saint-Nicolas de Troyes.
La statue de saint Joseph et de l'Enfant, datée du début du XVIe siècle, montre Joseph debout, la tête inclinée vers son fils placé à sa droite ; il porte une tunique ceinturée et une cape, tenues par un camail, et s'appuie sur un bâton complexe auquel s'attachent des motifs végétaux et une fleur surmontée d'une colombe. Les deux personnages joignent leurs mains à hauteur des yeux et leurs mains gauches se touchent sur une palme ; Joseph tient également un petit panier d'osier que l'enfant saisit partiellement. Cette œuvre est attribuée à Jacques Juliot ou à son atelier.
Le retable, de facture champenoise et daté du XVIe siècle, est classé ; sa réalisation, peut-être italienne, aurait été offerte en 1568 par Louis de Gonzague. Il se distingue par une composition sur un seul plan et une sculpture profondément détachée d'un fond neutre ; mesurant environ 70 cm de haut pour 1,96 m de long, il a été déplacé sur le mur nord de la nef romane et conserve des traces de polychromie. Les attributs des apôtres y sont volontiers disproportionnés, les deux premiers à gauche sont manquants, et tous portent une cape sur leur blouse, sauf le Christ.
Le Christ de pitié, remarquable exemple de sculpture lapidaire troyenne, représente le Christ assis sur un promontoire, les vêtements à ses pieds, dans une attitude d'abandon et de résignation ; l'œuvre montre une grande finesse dans le traitement du périzonium gaufré, des tendons et des vaisseaux sanguins, tandis que l'expression du visage traduit la proximité de la mort. Une partie de la corde qui reliait les chevilles aux mains a disparu.
Les sarcophages exposés dans la nef romane contribuent à faire d'Isle-Aumont un site archéologique majeur ; parmi 41 objets inscrits à l'inventaire des monuments historiques, 39 se trouvent dans l'église, les deux autres ayant disparu après la vente et la transformation en habitation de la chapelle de Roche en 1937. Les fouilles systématiques menées par Jean Scapula entre 1943 et 1961 ont rendu ce haut-lieu archéologique et spirituel largement connu en France. La commune possède par ailleurs trente et un objets répertoriés à l'inventaire général du patrimoine culturel. Photographies et documents illustrent la peinture du XVIe siècle sur un pilier, la Piéta, les sarcophages dans la nef, le cloître et son puits, ainsi que les portraits de figures liées au lieu.