Origine et histoire de l'Église Saint-Pierre
L'église Saint-Pierre de Nant, située dans la commune éponyme de l'Aveyron en région Occitanie, est classée monument historique depuis 1862. Nant se trouve au confluent de la Dourbie et du Durzon, entre les Grands Causses et les Cévennes. Selon Gallia Christiana, une tradition fait remonter la fondation du monastère à saint Amand, évêque de Maastricht, vers 669, puis signale une destruction attribuée aux Sarrasins un siècle plus tard. La première mention documentaire de l'église date du 11 février 926, lorsque Bernard, vicomte de Rouergue, et son épouse Udalgarde donnent leurs biens à Nant à l'abbaye de Vabres afin d'y établir un monastère dédié à saint Pierre de Rome. Le prieuré reçoit de nombreux dons des comtes de Toulouse et de Rouergue au XIe siècle ; ainsi Raymond Ier légua des biens en 961 et l'évêque de Lodève Fulcrand fit un don en 988. À partir de la fin du XIe siècle, l'abbaye Saint-Victor de Marseille étend son influence dans le Rouergue méridional : en 1082 l'évêque de Rodez soumet plusieurs établissements à Saint-Victor, et une bulle de Pascal II en 1116 souligne l'étendue des paroisses relevant du prieuré de Nant. En 1135 le pape Innocent II, à la requête du prieur Raymond, élève le prieuré en abbaye en rappelant son obédience à la règle bénédictine et en mentionnant les nombreuses églises qui lui sont rattachées, y compris dans le diocèse de Nîmes ; les dons se poursuivent au XIIe siècle mais diminueront au profit des nouveaux ordres religieux. L'abbaye souffre de la guerre de Cent Ans malgré ses remparts : le porche est alors fortifié, ses arcades basses sont fermées et une échauguette y est ajoutée ; en 1317 elle est rattachée à l'évêché de Vabres. Les XIVe et XVe siècles voient des troubles et des difficultés financières : révoltes de moines contre l'autorité abbatiale, occupation anglaise en 1361 puis éviction par des bandes commandées par Bertrand du Guesclin, et résistances aux tentatives de rattachement à Saint-Victor. Les guerres de Religion portent un coup fatal à la communauté : le cloître et les bâtiments conventuels sont détruits entre 1564 et 1568, ce qui entraîne plus tard la dispersion des moines et la vie en ordre disséminé. En 1701, la population de Nant utilise la terrasse de l'église pour monter des canons contre une attaque de camisards. L'église est sécularisée en 1769 puis transformée en chapitre collégial ; la conventualité est supprimée par décision royale le 13 février 1773, puis le chapitre est définitivement supprimé par le dernier évêque de Vabres, décision confirmée par une bulle pontificale huit ans plus tard. En 1785 l'église abbatiale devient église paroissiale à la place de Saint-Jacques, mesure qui contribue à sa conservation, et ses fenêtres sont agrandies la même année. Au XIXe siècle l'édifice nécessite d'importants travaux : le clocher qui surmontait la croisée du transept est abattu en 1803 et la vente de l'église Saint-Jacques en 1810 finance la construction d'un clocher sur le massif de la façade. Lors du rehaussement du sol réalisé par l'abbé Barcles (1818-1842) est découvert un trésor de monnaies datées de 1578, découverte qui permet d'engager des restaurations ; des travaux plus larges sont ensuite entrepris après le classement de l'église. L'étude de Jean Vallery-Radot en 1940 a mis en lumière l'importance du monument et des analyses ultérieures, notamment celles de Jacques Bousquet et d'Anne-Marie Pêcheur, ont replacé l'édifice dans le contexte des recherches sur le XIe siècle. Orientée est-ouest, l'église mesure 37 mètres de long, environ 20 mètres de large et 13 à 14 mètres de haut ; son plan est en croix latine avec une nef de trois travées flanquée de collatéraux étroits et un transept débordant, perturbé par la construction de chapelles latérales dont plusieurs datent du XIVe et du XIXe siècle. L'édifice présente un vaisseau central aux colonnes adossées aux piles, un chevet formé d'une abside à cinq pans et d'absidioles aux tracés différenciés — l'absidiole nord à trois pans, l'absidiole sud à cinq pans concaves — toutes voûtées en cul-de-four, et des chapiteaux sculptés dont l'analyse permet d'identifier plusieurs phases de construction. Trois campagnes principales se distinguent : la première, visible au chevet et au transept, conserve des procédés préromans et des sculptures inspirées de modèles méridionaux ; la seconde concerne les parties basses de la nef, probablement antérieures à la tutelle de Saint-Victor ; la troisième porte sur le massif occidental et la voûte de la nef, liée à l'enrichissement de l'abbaye après son élévation en abbaye. Un cordon sculpté de l'abside porte une inscription de dédicace dont l'analyse épigraphique permet de la situer à la fin du XIe siècle. L'orgue, installé au premier étage du massif antérieur en 1862, est le premier instrument construit par le facteur Thiébaut Maucourt avec l'aide de Frédéric Junck ; sa partie instrumentale est protégée comme objet et il a été restauré en 1985 par Michel Giroud. Le "Beau Christ de Nant", statue en bois de sapin de 2,30 m réalisée par un sculpteur anonyme du XVIIIe siècle et à l'origine polychrome, demeura au centre du village pendant 230 ans avant d'être placée dans le collatéral sud après restauration en 1963-1964 par Jude François et Charles Février. Enfin, les stalles du XVIIIe siècle de l'église sont classées au titre d'objet depuis 1989.