Origine et histoire de l'Église Saint-Pierre-ès-Liens de Gluges
L'ancienne église Saint-Pierre-ès-Liens de Gluges, située au hameau de Gluges sur la commune de Martel (Lot), est un petit édifice roman partiellement adossé et à demi creusé sous une paroi rocheuse. Elle était sans doute à l'origine un oratoire ou une chapelle de cimetière ; il ne subsiste aujourd'hui que des pans de murs et deux corniches à corbeaux dont le larmier repose sur des modillons sculptés du XIIe siècle. Deux chapiteaux à entrelacs et palmettes, remployés dans l'arc doubleau de la nef et datables de la seconde moitié du XIe siècle, sont les seuls éléments susceptibles d'appartenir à un édifice antérieur. Le décor des modillons situe la construction principale dans la seconde moitié du XIIe siècle, mais des coupures et anomalies dans la maçonnerie, comme l'interruption de la corniche sur le chevet, laissent penser à plusieurs phases de construction ou de reprise. Une chapelle nord aurait été adjointe à la fin du XIIe siècle ou au début du XIIIe siècle, puis élargie par une travée voûtée d'ogives aux périodes attribuées alternativement aux XIIIe–XIVe siècles ou à la fin du XVe siècle. À l'époque moderne, l'édifice a été remanié, notamment par l'ouverture de deux grandes fenêtres dans la façade sud. Antoine Lascoux, seigneur de Mirandol, fit en 1469 un faux document pour prétendre que Gaillard de Mirandol avait fondé l'église et l'avait dotée de reliques, prétention que l'évêque de Cahors, le vicomte de Turenne et leurs successeurs contestèrent jusqu'au XVIIIe siècle ; des documents signalent la présence, en 1469, des armes des Mirandol dans la chapelle Notre-Dame et l'existence d'une tombe familiale. Gluges se trouve sur un itinéraire reliant Martel à Gramat par Brassac et Montvalent, voie qui est devenue un chemin de pèlerinage en raison de la découverte du corps d'Amadour à Rocamadour et des acquisitions vicomtales au XIIe siècle. Pendant la Révolution, l'église fut vendue par le maire à un particulier en l'an IV puis rachetée par la commune en l'an XII. En 1841 l'édifice était jugé en mauvais état et insuffisant pour la paroisse ; une nouvelle église fut construite entre 1854 et 1859 et la travée orientale de l'ancienne nef fut annexée au presbytère en 1861. Le bâtiment fut abandonné par le curé en 1928, occupé par divers particuliers par la suite, puis acquis par la municipalité de Martel en 2000 ; des travaux de sauvegarde ont été menés en 2008. L'édifice est classé au titre des monuments historiques depuis le 13 juin 1913. Architecturalement, l'église se compose de deux corps accolés : une nef initialement à deux travées voûtée en berceau plein cintre et un chœur carré plus étroit et plus bas, fermé par un mur droit et percé de petites fenêtres aux linteaux monolithes. La maçonnerie en pierre de taille et la qualité de la sculpture des quatorze modillons du XIIe siècle rapprochent l'ornementation des grands tympans romans du Quercy. La situation exceptionnelle de l'église, nichée dans une anfractuosité de la falaise avec une cavité et un puits derrière la chapelle, accentue son caractère singulier. Intérieurs et extérieurs conservent des traces de décors peints successifs : pigments ocre rouge sur les modillons et peinture noire dans le chœur attribuables au XIIe siècle, faux appareil et motifs gothiques dans la chapelle et la nef, ainsi que plusieurs litres funéraires du XVe au XVIIIe siècle portant les armes des seigneurs de Gluges, dont les Lasteyrie du Saillant et les Maynard-Lestrade. Le retable, vandalisé au XXe siècle, a pu être restitué après la découverte d'une photographie ancienne attribuée à Armand Viré et grâce à une restauration qui a utilisé des effets de trompe-l'œil. L'association de sauvegarde des maisons et paysages de Martel a participé au remplacement de la couverture en tôle ondulée du chœur par une couverture traditionnelle en tuile plate ancienne.