Origine et histoire de l'Église Saint-Remi
L'église Saint-Rémi de Cheveuges, paroissiale de la commune des Ardennes, est classée au titre des monuments historiques, avec son décor intérieur et son autel, depuis le 3 juin 1959. Le portail, conçu aussi pour la défense, est encadré par deux puissants contreforts réunis par un cintre et ouvre sur une porte étroite ; une ouverture centrale, servant de mâchicoulis, permettait de fermer l'accès à l'édifice et, derrière ces murs épais, les habitants et leurs bêtes trouvaient refuge contre les pillards. La façade présente un fronton triangulaire surmonté d'une croix de pierre et une niche centrale vraisemblablement destinée à la statue de saint Rémi. Le tympan porte une croix de gloire pattée posée sur un socle, entourée de torsades et de figures stylisées du soleil et de la lune, le tout en plein cintre et nimbé de treize rayons symbolisant le Christ et les douze apôtres. De part et d'autre du tympan, le portail est flanqué de deux colonnes aux chapiteaux ornés de dessins géométriques évoquant l'art roman primitif.
La tour carrée, élevée au-dessus du chœur et abritant le clocher, surprend par ses proportions massives (8 mètres de côté sur 25 mètres de hauteur). Ses quatre ouvertures trilobées et une grande fenêtre ogivale permettent de la dater du XIIIe siècle et suggèrent un usage défensif. Les deux cloches originelles, enlevées pendant la guerre de 1914-1918, ont été remplacées par deux autres bénies en 1921. Une pierre de la petite ouverture nord porte la date de 1641, liée à la bataille de la Marfée.
La nef, longue de 14 mètres et large de 13, est soutenue par quatre piliers carrés et une corniche supportant des arcs légèrement brisés ; elle appartient à l'époque de transition roman-gothique et présente des piliers au petit appareil recouverts de torchis, caractéristiques de nombreuses églises romanes de la région. La nef a été transformée : elle était autrefois beaucoup plus haute et probablement percée d'ouvertures, comme le montrent, dans les combles, des traces de badigeon blanc orné de motifs ocre ; l'édifice a sans doute été incendié ou détruit lors d'un conflit et les habitants, incapables de reconstituer la nef primitive, ont posé un toit sur les murs restants. Les nefs latérales ont été construites ou réparées en 1683, date sculptée à l'extérieur au-dessus de chacune des fenêtres centrales, ce qui explique la présence de six ouvertures du XVIIe siècle. On trouve au bas de la nef latérale droite des fonts baptismaux en pierre, difficiles à dater, et au sommet de chaque nef latérale un autel qui participe à la décoration du chœur.
Derrière l'autel actuel de la Sainte Vierge, masqué par un revêtement de marbre, subsiste un ancien autel en pierre polychrome du XVe siècle dont le petit baldaquin en forme de coquille renversée est encore visible. Un autel plus simple précédait cet ensemble, installé à la base d'une petite fenêtre romane qui terminait autrefois la nef ; une piscine est encore visible sur le côté droit de ce premier autel. La chaire à prêcher de style néo-gothique date de 1864 et la grille de communion de 1830.
Le chœur, d'une richesse exceptionnelle, offre un ensemble en marbre et pierre de taille réalisé sur ordre du curé Devillers et daté par une note de 1740 retrouvée par M. P. Congar en 1958 dans le livre de raison de Jean Tobie ; Maître Devillers fut curé de 1713 à 1773 et sa situation familiale explique sans doute l'importance de la dépense. Cet ensemble, aux lignes perpendiculaires, dégage une impression de dignité et s'harmonise avec la voûte gothique qui le surmonte ; cette voûte, très élevée (8 mètres), appartient au XVIe siècle et la fuite de sa croisée d'ogives apporte la finesse et la légèreté nécessaires pour tempérer la rigueur du marbre.
Le pavé du chœur a été refait vers 1850, empiétant sur une pierre tombale seigneuriale dont le bas demeure visible près des marches et qui appartient vraisemblablement à la famille de Roucy, comprenant un seigneur de Cheveuges. Les vitraux, réalisés en 1958 par les ateliers Jacques Simon de Reims, illustrent les Six Jours de la Création selon la Genèse ; leurs formes sont particulièrement originales, et le vitrail du portail rend hommage à la nature et à Dieu, son créateur.