Origine et histoire de l'Église Saint-Rémy
L'église Saint‑Rémy de Troyes, dans le département de l'Aube, est l'une des plus anciennes de la ville et est classée monument historique depuis le 6 avril 1908. Elle est réputée pour ses peintures des XVIe et XVIIe siècles ainsi que pour ses vitraux réalisés entre le XIXe et le début du XXe siècle, et abrite d'importantes œuvres de François Girardon et de Jacques de Létin, tous deux baptisés dans cette paroisse. Selon l'Historia Inventionis Corporis Sanctae Mastidiae Virginis, l'église existait déjà au début du XIe siècle. Des fouilles menées à la fin des années 1980 montrent que l'édifice a été bâti sur les ruines d'un bâtiment gallo‑romain détruit à la fin du IIe ou au début du IIIe siècle, en bordure d'une voie antique qui a perduré jusqu'au Moyen Âge, et des tombes attestent la présence d'un suburbium occidental au Xe siècle. La paroisse et l'église n'ont été incluses dans la nouvelle enceinte de la ville qu'au XIIIe siècle. Saint‑Rémy fut une paroisse‑cardinale, ayant sous sa dépendance les églises Sainte‑Madeleine et Saint‑Frobert ; la Madeleine ne devint paroisse curiale qu'à la seconde moitié du XVIIIe siècle, tandis que Saint‑Frobert, rattachée à Saint‑Rémy depuis la fin du XIIe siècle, fut vidée pendant la Révolution et transformée ensuite en immeuble d'habitations. Le curé de Saint‑Rémy, prêtre‑cardinal, assistait l'évêque pour la consécration des saintes huiles, le lavement des autels et la bénédiction des fonts la veille de Pâques et de la Pentecôte à la cathédrale, selon la coutume romaine. Le premier curé recensé est Pierre Oyn en 1378 ; les curés de Saint‑Rémy étaient choisis parmi les chanoines de la cathédrale après la décision du pape Innocent II, accordée par l'évêque Milon dit Philippe de Pont. Le curé prêtait serment au chapitre, devait maintenir l'église dans ses droits, ne rien aliéner et s'acquitter d'une pension qui fut longtemps de 56 livres et 10 sous ; en 1610 la desserte comptait huit prêtres habitués et supportait divers salaires et charges pour le sonneur, l'horloge, l'organiste, les souffleurs et le taillandier. La rente attribuée au curé était importante, atteignant 1 130 livres en 1730 et 1 400 livres en 1761. La Révolution porta de graves atteintes à Saint‑Rémy : les chapitres furent supprimés en 1790–1791, le premier curé assermenté fut nommé le 24 mars 1791, puis le mobilier et l'argenterie furent vendus à l'encan à partir du 17 janvier 1793 et les cloches envoyées à Paris pour être fondues. En 1798 la municipalité décida la vente et la destruction de toutes les églises de Troyes sauf la cathédrale, décision finalement annulée par le ministre ; l'édifice, dépouillé de sa verrerie et de son mobilier, retrouva progressivement son appareil au XIXe siècle. Par décision préfectorale de 1804, des toiles de Jacques de Létin provenant d'autres églises furent attribuées à Saint‑Rémy ; dans les années 1830 les autels furent rebâtis et le premier vitrail de la chapelle absidiale fut posé en 1859, le dernier vitrail en 1904. Après un ouragan en 1884 menaçant la flèche, le conseil municipal vota la démolition, mais une souscription paroissiale de 12 197 francs en 1885, des dons de mécènes et une subvention de l'État permirent une restauration menée de 1884 à 1904 pour un coût total de 241 646,45 francs, les vitraux de 1891 à 1897 ayant coûté à eux seuls 46 625 francs. Grâce à ces restaurations et à la mobilisation locale, l'église fut classée monument historique le 6 avril 1908. Avant la Révolution, Saint‑Rémy avait accueilli des vitraux célèbres réalisés notamment par Linard Gontier, aujourd'hui disparus, et de nombreux artistes liés à la paroisse contribuèrent à son décor ou y furent inhumés, parmi lesquels Jehan Galide, François Gentil, Jacques de Létin et François Girardon. L'édifice actuel a été presque entièrement reconstruit au XIVe siècle ; il subsiste toutefois un mur du XIIe siècle dans la partie ouest du transept sud et l'église repose sur des fondations très faibles, presque à même le sol. La façade, datée du XIVe siècle et remaniée à la fin du XIXe siècle, présente un portail sculpté entre 1410 et 1450, décoré d'un motif singulier d'escargot à tête de chien, une rose à meneaux en ogives trilobées et un baldaquin de 1875 ; un narthex édifié en 1594 fut détruit en 1896 et le presbytère fut construit en 1899. La tour du clocher, angle sud‑ouest, est le seul exemple conservé de tour du XIVe siècle dans la région ; elle est divisée en quatre étages, ornée d'un cadran d'horloge avec une fresque de 1772 repeinte lors de la restauration de 1886, percée de lancettes, et surmontée de quatre clochetons et d'une flèche octogonale de 33 mètres couronnée par une girouette de 4 mètres ; l'ensemble sans la girouette mesure 61,65 mètres. La tour abrite aujourd'hui une grosse cloche nommée Marie, provenant de l'abbaye de Saint‑Loup et fondue en 1529, qui pèse 2 800 kg et sonne le si‑bémol ; les autres cloches anciennes avaient été fondues pendant la Révolution. À l'intérieur, selon un plan en croix latine, la nef à quatre travées et ses bas‑côtés datent du XIVe siècle, les piliers et voûtements sont de la fin du XIVe, le transept, le chœur, le déambulatoire et les chapelles rayonnantes relèvent du XVIe siècle avec des remaniements aux XIXe et XXe siècles ; l'abside comprend cinq pans et trois chapelles et les clefs de voûte portent les monogrammes du Christ et de la Vierge. Les dimensions intérieures indiquent une nef large de 7,30 m, des bas‑côtés de 5,90 m, une hauteur sous grande voûte de 13 m, une longueur du portail à la chapelle absidiale de 42 m, un transept de 33 m, une galerie du chœur et des chapelles absidiales hautes de 6,50 m et des collatéraux de 5,50 m. Le mobilier ancien comprend une chaire Louis XIII venue du couvent de la Visitation, la porte exceptionnelle de la sacristie ornée de pilastres cannelés et d'une scène de saint Rémi baptisant Clovis, des statues de sainte Geneviève XVIe et de saint Michel XVIIe, une statue de saint Frobert et un dais médiéval issus de l'ancienne église Saint‑Frobert, des boiseries du baptistère du XVIIIe siècle et des fonts baptismaux en marbre de 1781 ; François Girardon offrit en 1690 un Christ en bronze qui se trouve toujours dans l'église. L'orgue de Charles Gadault, livré en 1853 avec deux claviers et douze jeux, la balustrade et plusieurs autels conçus par Valtat, ainsi que le tabernacle du maître‑autel réalisé en 1839 par Dallemagne d'après les dessins de l'architecte Philippe, complètent un mobilier principalement daté du XIXe et du début du XXe siècle ; un reliquaire néo‑gothique scellé en 1839 renferme de nombreuses reliques. La peinture intérieure comprend une rare collection de panneaux polychromes et de grisailles : dans les chapelles Saint‑Frobert et Saint‑Joseph se trouvent des ensembles des XVIe et XVIIe siècles retraçant la Passion, l'Annonciation, la vie de saint Jean‑Baptiste et la vie de la Vierge, tandis que la chapelle du Sacré‑Cœur conserve onze panneaux en grisaille relatant la Visitation, l'Annonciation, la création d'Ève et la vie de saint Rémi avec portraits de donateurs. Jacques de Létin, dont des toiles furent attribuées à Saint‑Rémy en 1804, y est représenté par des œuvres majeures telles que L'Annonciation, L'Assomption, Le Christ à la piscine probatique et Les Bergers dans l'étable de Bethléem. La verrière conservée date essentiellement de la période 1859–1904 et réunit des réalisations de Vincent‑Larcher, Charles‑François Champigneulle, Édouard‑Amédée Didron et de l'atelier Florence avec Lobin et Heinrich ; Vincent‑Larcher signa les verrières de l'abside et une scène remarquable dans la chapelle Saint‑Joseph, Champigneulle exécuta le grand vitrail du transept sud représentant le Jugement dernier, Didron mêla styles archaïsants et contemporains, et l'atelier Florence réalisa les dix‑huit vitraux de la nef ainsi que plusieurs verrières des chapelles. Aujourd'hui Saint‑Rémy appartient à la paroisse Saint‑Bernard du centre‑ville et accueille chaque dimanche et jour de fête une messe chantée en grégorien, selon la forme extraordinaire du rite romain, en lien avec l'Institut du Christ Roi Souverain Prêtre.