Origine et histoire de l'Église Saint-Romain
L'église Saint-Romain se situe à Targon (Gironde), sur la place centrale en face de la mairie, à l'intersection des routes départementales D11 et D237. Peut-être d'origine templière, elle a été édifiée en style roman au XIIe siècle et dépendait de l'abbaye de La Sauve-Majeure dès cette époque. À l'origine, l'édifice comprenait une nef unique rectangulaire et une abside en hémicycle voûtée en cul-de-four, avec une porte sur le côté sud. L'église a été fortifiée et agrandie aux XVe siècles : on note l'ajout d'un bas-côté gothique, la construction d'un clocher-tour vers 1623 et l'établissement d'une sacristie vers 1640. La partie basse du clocher est datée du XVIe siècle ; l'étage supérieur, qui porte l'inscription 1673, correspond à une reprise au XVIIe siècle. Le clocher abrite trois cloches, la plus ancienne étant fondue en 1505 ou 1517. Pendant les Guerres de religion, le chevet a été surélevé et aménagé en chambre forte pourvue de meurtrières, et des échauguettes de type « poivrière » aux angles nord-est et sud-ouest datent de la Renaissance. Des campagnes de restauration et de transformation ont eu lieu aux XIXe siècles, notamment en 1859, 1877 et 1878, avec une intervention supplémentaire en 1897 sur certains chapiteaux et fenêtres ; le cimetière et sa croix ont été déplacés au XIXe siècle. L'édifice a été inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du 21 décembre 1925. Le clocher fortifié et plusieurs vestiges romans caractérisent encore l'église : chapiteaux historiés du XIIe siècle représentant notamment Adam et Ève, un agneau accolé à une croix et l'Adoration des Mages. Le portail occidental s'ouvre en plein cintre, précédé de piédroits cantonnés de colonnes et de voussures en retrait ; les chapiteaux et les arcs conservent des sculptures romanes, parfois remaniées. Les modillons, les chapiteaux et les colonnes du portail ont été en grande partie refaits au XIXe siècle, mais une métope romane authentique représentant un bûcheron en action a été préservée à l'angle oriental. La voussure porte des personnages et une clef figurant un masque diabolique qui semble résulter d'un ajout postérieur ; deux couples nus encadrent ce démon dans une scène où figurent un homme étendu sous un démon, une femme juchée sur un homme avec une tête entre ses jambes et une grenouille qui tète son sein — représentations interprétées comme allégories de la cupidité, de la colère et de la luxure. Sous la corniche du chevet se trouvent une vingtaine de modillons et quatre corbeilles ; trois chapiteaux présentent une décoration végétale soignée tandis qu'un chapiteau historié nord-est montre deux petits hommes tunicés écoutant un serpent, image de l'influence du Malin. On compte vingt et un modillons, dont quinze d'origine et huit en assez bon état, figurant des sujets variés souvent jugés provocants au XIXe siècle : un homme ithyphallique, un acrobate, un tonneau de vin, une femme exhibant ses organes génitaux, un couple nu, un lièvre et un fou chantant. Les chapiteaux de l'arc triomphal offrent deux grandes compositions complémentaires : au nord, l'Adoration des Mages, œuvre des ateliers de La Sauve-Majeure, montre la Vierge et l'Enfant entourés des mages et, sur une face, Hérode coiffé d'une tour brandissant un glaive ; au sud, la Chute d'Adam et Ève réunit la tentation et l'expulsion, avec le serpent, le fruit, les feuilles de figuier et, sur une autre face, la dureté de la vie symbolisée par un homme armé combattant un lion. Les chapiteaux des fenêtres du presbytérium ont été partiellement conservés ou refaits lors de la restauration de 1897 : la fenêtre méridionale conserve un agneau crucifère dont un côté paraît authentique, et un lion cracheur de rinceaux oppose le Mal au Bien. Les autres chapiteaux présentent des motifs végétaux, des pignes de pin, des oiseaux, des paons picorant une hostie et des colombes buvant à un calice eucharistique, tandis que des masques malfaisants crachent des rinceaux dans la fenêtre nord ; plusieurs éléments résultent des interventions de 1897. L'intérieur conserve un bénitier, une chaire, l'orgue, le sanctuaire et une chapelle nord ; les vitraux sont l'œuvre du peintre-verrier bordelais Gustave Pierre Dagrant. L'église abrite aussi un gisant du XVIe siècle provenant de la commanderie de Montarouch, attribué à un chevalier anonymé et déplacé en raison de l'état de conservation de l'ancienne église templière ; il est aujourd'hui dissimulé par le nouvel orgue.