Origine et histoire de l'Église Saint-Samson
L'église Saint-Samson, implantée à Ouistreham dans le Calvados à l'embouchure de l'Orne, occupe une position élevée qui a permis de surveiller l'estuaire lors des périodes de trouble. Son caractère imposant et la richesse de son décor s'expliquent par les liens avec l'abbaye de la Trinité de Caen et par la prospérité du bourg durant la période anglo-normande, du XIIe au début du XIIIe siècle. Malgré de nombreuses restaurations, la nef du XIIe siècle conserve un caractère roman tandis que la tour-clocher et le chœur, édifiés au début du siècle suivant, relèvent d'un gothique de transition.
L'édifice a été construit sur l'emplacement d'une ancienne construction en bois, naguère placée sous la protection de saint Samson et détruite lors des incursions normandes. La construction en pierre a commencé au cours du deuxième quart du XIIe siècle, après la fondation de l'abbaye de la Trinité par Mathilde. La dédicace de l'église a été célébrée en 1180 par Jeanne de Coulonces, sixième abbesse de la Trinité. Le patronage et les dîmes de la paroisse, diminuées de certaines rentes, furent donnés par Guillaume et Mathilde à l'abbaye, qui percevait des revenus en nature stockés dans une grange située à une vingtaine de mètres.
En 1372, face à la menace d'un débarquement anglais, le roi Charles V ordonna la fortification des églises ; une terrasse fut alors aménagée sur l'abside du chœur pour y installer des canons pointés sur l'embouchure. Ces pièces d'artillerie étaient encore signalées aux XVIIIe siècle, et trois d'entre elles ont été conservées et placées verticalement contre la première travée du mur du bas-côté sud. La position en hauteur permit également à un guetteur, installé derrière le logement des cloches, d'assurer la surveillance de la côte et de donner l'alarme par la fumée ou le tir au canon. En 1828, une grande lanterne posée sur une petite plate-forme au nord de la tour servit de signal jusqu'à la mise en service du premier phare en 1886.
Victime d'humidité et d'altérations, l'église fit l'objet de importantes campagnes de restauration au XIXe siècle menées par Paul Vérolles, Victor Ruprich-Robert et Anthime de La Rocque. La terrasse, source de nombreuses fuites, fut remplacée par un toit de tuiles ; le parement de pierres du XVIIIe siècle qui masquait les baies du XIIe siècle fut démoli afin de rendre visibles les colonnettes et leurs chapiteaux ; les deux dernières travées de la nef virent la remise en place de voûtes en bois et un clocheton néo-roman fut ajouté à l'angle de la façade occidentale. Anthime de La Roque remplaça les fausses voûtes sexpartites envisagées par Ruprich-Robert par de véritables voûtes sexpartites. Des travaux de réfection et de nettoyage récents ont restitué à la façade occidentale sa splendeur d'origine en 2018. L'édifice est classé au titre des monuments historiques depuis 1840.
Orientée avec le chœur vers l'est et l'entrée principale à l'ouest, l'église présente, tant dans son plan que dans son décor, des analogies nettes avec la Trinité de Caen. Le bâtiment, de plan allongé et simple, se compose d'une nef flanquée de bas-côtés, d'une tour posée sur l'avant-chœur et d'un chevet en demi-cercle. La façade occidentale, séparée des bas-côtés par des contreforts plats dont un, au sud-est, est surmonté du clocheton de 1872, est richement traitée par trois niveaux d'arcatures en plein cintre entre le portail et le pignon. Le portail en arc surbaissé est encadré de colonnettes et d'archivoltes ornées ; son tympan ne comporte qu'une rangée de claveaux sculptés d'étoiles. Les étages supérieurs associent baies aveugles et baies vitrées, archivoltes décorées et imbrications géométriques inspirées du vocabulaire roman régional.
Les murs gouttereaux de la nef sont renforcés d'arcs-boutants ajoutés ultérieurement et seul le mur nord a conservé les arcatures d'origine. La tour, massive et épaulée au sud par deux importants contreforts couronnés d'une flèche de pierre, s'appuie sur deux travées d'avant-chœur aux baies en plein cintre ; les niveaux supérieurs mêlent lancettes et arcatures en arc brisé et le toit est souligné d'une frise de trèfles. Le chevet, légèrement plus étroit que la nef, comporte trois niveaux : un soubassement percé de baies aveugles étroites en arc brisé et deux étages supérieurs percés de fenêtres allongées, seules celles du troisième niveau étant en arc brisé.
L'intérieur a été largement remanié au XIXe siècle dans un style néo-roman, la nef comportant six travées et ne conservant que quelques éléments du XIIe siècle, notamment la partie inférieure des piliers du mur occidental et un petit accès menant au clocheton. L'alternance de piles fortes cruciformes et de piles faibles circulaires, qui reçoivent respectivement ogives, doubleaux et demi-colonnes, structure la nef ; au-dessus des arcades s'ouvrent de hautes fenêtres en plein cintre ornées de frettes crénelées, encadrées par les petites baies romanes qui donnent accès à une coursière de circulation en hauteur. Les voûtes, rétablies au XIXe siècle, comprennent deux voûtes sexpartites et, près du chœur, des fausses voûtes d'ogives en bois ; le décor géométrique de tores, chevrons, bâtons brisés, godrons et cordons perlés a été restauré ou recréé à cette époque.
Le chœur, construit entre la fin du XIIe et le début du XIIIe siècle, présente sur ses trois étages un mélange d'arcatures et de baies en plein cintre ou en arc brisé, des chapiteaux à crochets ainsi que des tailloirs et socles ronds annonçant l'émergence du gothique normand. Un cordon mouluré en tore ceint chaque étage et assure la continuité de l'ensemble ; la coursière du deuxième étage prolonge celle de la nef et fait le tour du chœur, accessible par un escalier dissimulé dans un pilier côté sud. L'avant-chœur porte la tour des cloches, dont l'anneau central et les trous visibles autour permettaient autrefois d'actionner la clé de la voûte sexpartite qui couvre les deux travées ; le chœur est voûté en quadripartite et se termine par une abside percée de deux rangées de trois baies au-dessus d'arcs surbaissés trilobés.