Origine et histoire de l'Église Saint-Sébastien
L'église Saint-Sébastien, ancienne abbatiale de style roman auvergnat, marque avec le cloître l'emplacement de l'abbaye de Manglieu, dans le Puy-de-Dôme. Selon la tradition et les sources, l'abbaye aurait été fondée vers 656 par saint Genès, évêque de Clermont, qui y fut inhumé, et le premier abbé nommé fut Evodius. Implantée près d'une voie antique reliant Clermont à Nîmes et traversée par l'Ailloux, la communauté bénédictine est attestée dès le début du VIIIe siècle dans la Vie de saint Bonnet, qui décrit une clôture à trois portes, deux églises internes — dédiées à la Vierge et aux Apôtres — un cloître et un verger. Le chœur à chevet plat de l'église des Apôtres témoigne de l'architecture préromane évoquée par ce texte. Charlemagne mit la maison sous sa protection par lettres patentes en 806 ; selon certaines sources, Louis le Pieux la fit rebâtir (datations proposées : 812 ou 819) et ses privilèges furent confirmés par le roi Pépin d'Aquitaine en 834. L'abbaye subit des destructions lors d'une invasion normande au milieu du IXe siècle. En 959, elle reçut des reliques de saint Sébastien rapportées de Soissons et prit alors ce vocable. Au XIIe siècle l'abbé se plaignit des exactions d'un chef de routiers, ce qui entraîna un conflit avec l'évêque et une mise sous protection royale puis, contre son gré, une dépendance temporelle envers l'évêché. L'abbaye conserva le rang de chef d'ordre jusqu'en 1716, date à laquelle elle s'agrégea à l'observance de Cluny pour échapper à la juridiction de l'évêque ; elle fut supprimée en 1777 et l'église devint paroissiale. Classée parmi les premiers monuments historiques en 1840, elle a ensuite vu ses bâtiments monastiques transformés en logements et en exploitations agricoles, tandis que ne subsistent au nord de l'église que des vestiges des structures conventuelles.
Du cloître, qui se développait au moins sur deux côtés de la cour et demeure l'élément le plus archaïque, subsistent quelques portions sur le flanc nord de l'abbatiale ; il était voûté d'arêtes et s'ouvrait sur le préau par des arcs en plein cintre. Le portail méridional, daté de la fin du XIIe siècle, présente un plein cintre à voussures composées de trois baguettes séparées par des gorges sculptées de têtes de clous et d'étoiles à quatre branches, avec des piédroits formés de colonnes et de chapiteaux à feuillages. Les murs de la nef sont renforcés par des contreforts amortis et des gargouilles, tandis que des arcs-boutants au-dessus des collatéraux prolongent la stabilité des voûtes hautes du vaisseau central.
À l'intérieur, d'importantes campagnes de restauration à partir du XIIe siècle ont laissé un narthex occidental avec tribune analogue à celles des grandes églises d'Auvergne : il s'ouvre sur la nef par trois arcades en plein cintre et colonnettes géminées, comprend trois vaisseaux et comporte des niches cintrées dans le mur occidental de la tribune. On accède à la tribune par deux escaliers, l'un à vis au nord et l'autre, au sud, constitué de deux gradins se coupant à angle droit et voûté en berceau ; les chambres des cloches furent voûtées d'ogives à la fin du XIVe siècle. La nef, reconstruite au XVIe siècle au-dessus des murs latéraux romans, reçoit des fenêtres gothiques et des voûtes ogivales appuyées sur les murs romans. Le chœur présente un plan simple — une travée rectangulaire suivie d'une travée carrée — type rencontré dans des édifices des VIIe‑IXe siècles ; extérieur et appareil de moellons mêlés de pierres de taille montrent des réfections et enduits modernes qui compliquent l'analyse chronologique interne. À l'entrée du chœur, sous l'arc triomphal, sont fichées deux colonnes en marbre cipolin avec chapiteaux corinthiens d'inspiration antique ; ces éléments ont été interprétés comme remontant à l'époque mérovingienne, mais certains auteurs attribuent leur mise en place au XVe siècle. La charpente du chœur a été jugée, lors d'une étude, postérieure à la seconde moitié du XIIIe siècle.
Le mobilier conserve dans le narthex un cercueil du XIe siècle muni d'un emboîtement pour la tête et orné d'arcatures extérieures, ainsi que deux plaques tumulaires : l'une richement ornée d'un chrisme et attribuée par certains à un sarcophage d'époque mérovingienne, l'autre carolingienne, enrichie de pampres. On y trouve également un bénitier en marbre quadrilobé et des fonts baptismaux.