Origine et histoire de l'Église Saint-Siméon
L'église Saint-Siméon, située au centre du bourg de Bouliac en Gironde, est une église romane édifiée sur l'emplacement d'une villa gallo‑romaine. L'édifice actuel, daté du XIIe siècle et dédié à Siméon le Stylite, succède à un oratoire implanté sur un cimetière paléochrétien. L'ensemble comprend une nef, un chevet et une sacristie; seuls le chevet et les chapiteaux du portail subsistent de l'édifice originel. Au XVe siècle, sur l'ordre de Pey Berland — ancien curé de Saint‑Siméon devenu archevêque de Bordeaux — l'église fut restaurée et renforcée : les murs gouttereaux de la nef sont percés chacun de trois baies et les colonnettes portent des chapiteaux à décor végétal. Pey Berland fit aussi fortifier l'édifice avec un clocher défensif, une barbacane donnant accès à un chemin de ronde et une chambre forte percée d'archères au‑dessus du chevet ; le parapet crénelé a disparu mais la fortification au‑dessus du chevet reste visible. Le village, cependant, ne fut jamais attaqué; l'église résista par ailleurs aux assauts du duc d'Epernon en 1649 et subit des mutilations lors des violences révolutionnaires de 1793. Sous le Second Empire, l'ancien clocher fut remplacé par le clocher actuel et la nef lambrissée; les fresques de la nef ont été peintes en 1896. Une croix de mission, érigée en 1834 près de la mairie, marque la reprise des missions paroissiales au XIXe siècle. L'édifice a été classé au titre des monuments historiques dans son intégralité en 1862.
Les sculptures romanes témoignent de plusieurs campagnes : les six chapiteaux du portail, par leurs techniques, datent du XIe siècle, tandis que les sculptures du chevet s'inspirent du répertoire de l'abbaye de La Sauve‑Majeure, ce qui indique une seconde campagne environ un siècle plus tard. À l'extérieur, les éléments romans conservés comprennent six chapiteaux au portail occidental, huit colonnes et chapiteaux autour du chevet, trois fenêtres et leurs colonnettes dans l'abside ainsi que les modillons soutenant la corniche du chevet. Le portail occidental, abrité sous le clocher reconstruit en 1862, présente trois archivoltes séparées par un bandeau d'entrelacs et six colonnettes à motifs géométriques; seuls les six chapiteaux sont romans, les autres éléments relevant du XIXe siècle.
Les ébrasements du portail offrent des scènes bibliques et symboliques : côté nord on trouve la visite des Mages auprès de la Vierge et de l'Enfant, un piscifère portant son fardeau et le lavement par Jésus de la tête et des mains de Pierre; côté sud figurent un archange combattant un dragon, le baptême de Jésus et Jésus guidant des fidèles. Les chapiteaux nord montrent notamment la Vierge à l'Enfant entourée des Mages sans attributs évidents de divinité pour l'Enfant, le porteur de poissons symbolisant l'homme accablé par le péché, et la scène du lavement liée à une pratique locale du dimanche des Rameaux. Les chapiteaux sud, souvent endommagés, représentent l'archange terrassant le dragon, le baptême de Jésus accompagné d'un ange tenant sa tunique et l'image de Jésus conduisant des fidèles ; l'ordre de certains chapiteaux a été remanié lors d'un remontage.
Le chevet comporte cinq baies, dont les trois premières sont romanes : la première présente un décor végétal, la deuxième montre deux oiseaux buvant à un calice — évocation probable de l'Eucharistie — et la troisième réunit un ouroboros et un décor de pignes de pin. Six chapiteaux romans soutiennent la corniche du chevet avec, du sud au nord, des motifs d'acanthe, des lions et dompteurs, encore de l'acanthe, quatre dogues, des pignes et de l'acanthe. Les chapiteaux figurant des dompteurs et des chiens dévorant des têtes illustrent la symbolique médiévale sur les passions humaines et leurs conséquences morales.
Les modillons sont particulièrement nombreux : vingt et un supports romans sous la corniche du chevet, près d'une soixantaine sur les murs de la nef dont une dizaine sculptés, et une dizaine autour de l'entrée du clocher datés du XIXe siècle. Les modillons romans du chevet portent un message moral destiné à la population, notamment une mise en garde contre la luxure, tandis que les modillons postérieurs sont essentiellement décoratifs.
L'intérieur conserve peu d'éléments romans, limités aux deux chapiteaux de l'arc triomphal et aux deux chapiteaux du sanctuaire. L'arc triomphal oppose au nord la scène de Daniel dans la fosse aux lions accompagnée d'Habacuc, et au sud la tentation et la chute d'Adam et Ève, l'ensemble formant une leçon sur l'obéissance et la désobéissance. Dans le sanctuaire figurent, au nord, un archange — Michel — terrassant un dragon et un porteur de poisson, et, au sud, un centaure tirant sur une chimère; ces compositions renvoient aux mêmes thèmes d'édification morale que l'atelier de La Sauve‑Majeure.
Les fresques des murs nord et sud de la nef, oeuvre des peintres Boudon et Vernay, datent de 1896, mesurent vingt mètres de long sur quatre mètres de haut et sont organisées en trois tableaux par mur traitant, au nord, de l'amour dû à Dieu et, au sud, de l'amour du prochain; on y reconnaît notamment Pey Berland. L'orgue, conçu par le facteur bordelais Gaston Maille en 1896 avec buffet et tribune réalisés par le menuisier Félix Boucher, est réparti en deux parties jointes par un clavier, comprend dix jeux répartis sur deux claviers et un pédalier, et a été restauré en 2012‑2013. Le mobilier comprend une Vierge à l'Enfant en bois de la Renaissance (XVIIe siècle) récemment restaurée, une statue en bois de saint Martin (XVIIIe siècle) et une statue de Pey Berland (XIXe siècle) sous le porche du clocher, ainsi que des toiles dont La Conversion de Madeleine d'Agostino Scilla (1678) et une copie de La Vierge aux donateurs d'Antoine van Dyck, réalisée par Ernestine Froidure de Pelleport et offerte par Napoléon III en 1860. Enfin, des sarcophages en pierre calcaire, découverts à plusieurs reprises dans la nécropole gallo‑romaine, datent principalement des périodes mérovingienne et carolingienne, certains ayant été réutilisés jusqu'au XIIe siècle et disposés les pieds tournés vers l'est; ces découvertes ont été signalées à la Société Archéologique de Bordeaux à différentes reprises. Une monographie récente figure en bibliographie (Michelle Gaborit et Marc Saboya, L'église Saint‑Siméon de Bouliac).