Origine et histoire de l'Église Saint-Sulpice
L'église Saint-Sulpice de Secqueville-en-Bessin se dresse dans le hameau de Guerville, à l'ouest de la commune, dans le Calvados en Normandie, et est classée au titre des monuments historiques par la liste de 1840. Elle dépendit de l'église Saint-Étienne de Caen après son acquisition à douze habitants du village, acquisition dont la possession fut contestée par un clerc nommé Herbert, débouté par un arrêt de la cour royale de Caen, puis grevée de droits viagers par Hugues, fils d'Ébrehar. Les religieux de Saint-Étienne de Caen sont à l'origine de son édification remarquable dans cette modeste paroisse. En 1105, Robert Fitz Haimon trouva refuge dans le clocher après avoir tenté sans succès d'assiéger Bayeux; Robert Courteheuse le mit en fuite, mit le feu à la tour et le captura, épisode relaté par Wace dans le Roman de Rou et encore perceptible par de faibles traces sur les piliers de la nef. Il est possible que seule la nef soit antérieure à 1105 et que la tour et le transept aient été reconstruits sous le règne d'Henri I, entre 1106 et 1135; des vestiges de l'abside et des absidioles romanes furent repérés au XIXe siècle. Le chœur a été en partie rebâti au XVIIe siècle, sans doute à l'emplacement d'une construction du XVe siècle dont subsiste le chevet plat, dans une réalisation comparable à celle de Jean de Baillehache pour Saint-Étienne de Caen. Le fond du croisillon sud du transept et la tour furent restaurés au XIXe siècle par Victor Ruprich-Robert, qui respecta les sculptures; pendant les combats de 1944 la tour, soupçonnée d'être un observatoire, reçut plusieurs obus et fut ensuite restaurée à l'identique. L'édifice, lié à l'architecture de Saint-Étienne de Caen et influencé par la cathédrale de Bayeux, présente une ordonnance monumentale : il s'élève au sommet d'une petite colline, comporte quatre travées avec bas-côtés, un transept saillant et un chœur flanqué de collatéraux et terminé par un chevet plat. La nef offre deux niveaux, grandes arcades et fenêtres hautes, la croisée du transept s'ouvre sur quatre arcs et le clocher domine un bâtiment par ailleurs peu élevé. Le décor, proche des tendances autour de 1100, associe motifs géométriques sur les claveaux de la croisée du transept et sur les écoinçons des arcades de la nef, motifs que l'on retrouve dans la cathédrale de Bayeux ainsi qu'à Rochester et Canterbury; les murs gouttereaux de la nef et du transept sont ornés d'arcatures selon le principe d'alternance venu de Saint-Étienne de Caen. La tour reçut au XIIe siècle un clocher comparable au clocher nord de Saint-Étienne de Caen; elle présente trois étages carrés, une corniche à modillons et une flèche octogonale datée du XIIIe siècle. À l'extérieur, la face sud est richement décorée par des arcatures appuyées sur des colonnes géminées, tandis que le croisillon sud pousse ce dispositif ornemental à son extrême. Les chapiteaux à la retombée des grands arcs du côté nord, très plats et archaïques, appartiennent sans doute au XIe siècle; trois d'entre eux montrent des essais de figures humaines avec traces de polychromie, tandis que ceux du sud, plus soignés, incluent des personnages debout encadrés d'oiseaux aux ailes déployées et rappellent certains chapiteaux de la crypte de Bayeux et de la cathédrale de Canterbury. Le décor en faible relief est dominé par un semis de triangles et d'étoiles. Quatre clochetons d'angle disparurent lors de réparations après l'orage du 16 juin 1610 et furent reconstruits lors des travaux de remise en état de la flèche après la seconde guerre mondiale. L'église comporte une verrière au chevet représentant les quatre évangélistes. Au titre des objets mobiliers, cinq éléments furent inscrits en 1977 : la chaire à prêcher (premier quart du XVIIIe siècle), une statue de saint Sulpice évêque en pierre taillée, un Christ en croix, un tableau de la Visitation et un tableau de saint Charles Borromée, ces quatre derniers datant du XVIIe ou du XVIIIe siècle; un chapier tournant est installé dans le collatéral nord du chœur, sans doute en raison d'une sacristie insuffisante. Les dimensions principales sont : longueur 33 m, largeur 14,50 m, longueur du transept 17,50 m, largeur intérieure de la nef 6,30 m et profondeur du chœur 9,50 m. Monument exceptionnel dans une commune rurale, Saint-Sulpice reprend des solutions architecturales propres aux grands sanctuaires, abbatiales et cathédrales, témoignant d'une certaine virtuosité et d'une position peut‑être avant-gardiste.