Origine et histoire de l'Église Saint-Sulpice-et-Saint-Antoine
L’église Saint-Sulpice-et-Saint-Antoine de Bitry, classée Monument historique le 11 décembre 1912, occupe le cœur du village et le domine par son clocher pyramidal en pierre. Sa flèche en pierre, remarquable dans le Soissonnais, remonte au XIIe siècle ; la base du clocher date du IXe siècle et des campagnes de construction se sont poursuivies jusqu’au XVIe siècle. La Renaissance s’exprime dans trois portails et dans une salamandre de François Ier gravée dans la pierre. Lors de restaurations en 1991, un sarcophage du VIIIe ou IXe siècle a été mis au jour sous la chapelle romane ; il est aujourd’hui exposé au musée Vivenel à Compiègne.
Le monument reflète l’histoire du lieu : il s’est développé autour d’un fanum gallo-romain adossé à une source, christianisé aux Ve–VIe siècles, puis intégré aux domaines contrôlés par l’abbaye de Saint-Médard de Soissons. Les vicissitudes du territoire — invasions, luttes seigneuriales, Guerre de Cent Ans, guerres de religion, Révolution et Première Guerre mondiale — se lisent dans ses transformations successives.
La première chapelle, édifiée par les moines de Saint-Médard sur des vestiges antiques, était un sanctuaire cimétérial dédié à Sulpice et a favorisé la naissance du village ; elle fut détruite lors des invasions du IXe siècle. Relevée en pierre à la fin du IXe siècle, l’église fut agrandie au XIe siècle par l’adjonction d’une nef orientale et l’érection d’un clocher massif. L’abbaye y installe ensuite une prévôté laïque chargée de l’administration du domaine.
Au milieu du XIIe siècle le clocher est surélevé et couronné d’une flèche pyramidale achevée avant 1180, qui constitue la plus ancienne de la région. L’église fut en grande partie ruinée pendant la Guerre de Cent Ans ; le clocher servit alors de refuge aux habitants. Les travaux de reconstruction commencent au début du XVIe siècle : la nef romane devient bas-côté nord et une nouvelle nef au sud, ainsi qu’une chapelle seigneuriale, sont édifiées entre 1520 et 1564. La datation et le décor de certaines clefs pendantes évoquent une inauguration au temps de François Ier et font référence à des événements religieux et politiques du début du XVIe siècle ; d’autres éléments portent l’emblème d’Henri II.
Les guerres de religion et la Révolution entraînèrent de nouvelles destructions : statues et motifs héraldiques furent mutilés, des cloches furent descendues et fondues, puis de nouvelles cloches furent réinstallées en 1833. Au XVIIIe siècle l’édifice reçoit un ensemble mobilier homogène (autels, lambris, stalles, chaire) réalisé entre 1748 et 1778. D’importants travaux de consolidation sont menés en 1869–1870, puis la guerre de 1914–1918 endommage à nouveau le clocher et la voûte du chœur ; des réparations sont effectuées entre 1920 et 1927. Le clocher est consolidé dans les années 1982–1985, des réparations complémentaires sont menées en 2017, et en 2020 deux arcs doubleaux de l’église primitive et la couronne pendante de la chapelle seigneuriale ont été restaurés.
La partie basse du clocher renferme les vestiges de l’église carolingienne : plan carré de 4,80 m de côté, arcatures aveugles, chapiteaux aux cordons tressés et traces de peinture ocre, baie à double ébrasement et abside voûtée en cul-de-four, partiellement recouverte à l’extérieur par un mur à trois pans réalisé à la Renaissance. Le clocher, élevé en deux phases, présente un fût prolongé au XIIe siècle jusqu’à 18 m et une flèche pyramidale de 12,50 m décorée d’étoiles en pointe de diamant ; les baies hautes, en arc brisé, sont ornées d’archivoltes retombant sur des têtes humaines grossières et d’une corniche à denticules. La flèche, servie par quatre trompes d’angle, demeure sobrement ornée sur ses arêtes et semble inachevée à la terrasse.
La reconstruction du XVIe siècle a donné à l’église son allure composite : chœur et chevet dotés de voûtes quadripartites, nef voûtée en style gothique flamboyant avec liernes et tiercerons, et chapelle seigneuriale richement décorée. Un puissant doubleau sépare les espaces et signale des campagnes de chantier successives ; la voûte du bas-côté nord a été construite à l’aide d’un cintre en bois dont on lit encore les négatifs. Deux culs-de-lampe portent un blason aux trois croissants et la date de 1564.
À l’extérieur, le pignon occidental et les gouttereaux traduisent les étapes de construction ; la façade sud, haute et ambitieuse, est contrebutée par sept contreforts trop fins. Le chevet et la face méridionale présentent des niches flamboyantes coiffées de dais sur cul-de-lampe historiés, et une corniche ornée d’une frise peuplée d’animaux domestiques et de créatures fantastiques, témoignant d’une influence flamande. Les vitraux d’origine ont disparu ; on trouve des grisaille et quatre verrières de la fin du XIXe siècle dans le bas-côté, signées Louis Koch pour plusieurs scènes marquantes.
L’église compte quatre portails : un accès nord simple, un petit portail sud de style flamboyant proche de modèles régionaux, un portail occidental très ouvragé mêlant motifs antiques et figures fantastiques, et un portail de chapelle traité comme une architecture miniature avec un blason aujourd’hui entouré d’un fond ocre pâle, vestige de la polychromie.
L’intérieur offre une nef à trois travées voûtées en style flamboyant reposant sur colonnes libres et engagées, un chœur à travée droite et chevet pentagonal orné de clefs de voûte au décor royal et religieux, et un bas-côté nord voûté en quadripartite. La chapelle seigneuriale présente une croisée d’ogives dont neuf clefs pendantes forment une couronne sculptée aux motifs de la première Renaissance, entourée de chérubins, d’instruments de la Passion et de blasons ; quatre têtes d’angelots marquent les retombées principales.
Le mobilier du XVIIIe siècle constitue un ensemble remarquable : trois autels en marbres français, lambris, stalles et chaire en chêne, fonts baptismaux et éléments de style Louis XV et Louis XVI ; les retables peints ont été en grande partie retirés au XIXe siècle et remplacés par des statues.