Origine et histoire de l'Église Saint-Taurin
L'ancienne abbaye Saint-Taurin d'Évreux, vraisemblablement fondée par Richard Ier de Normandie vers 950, était un établissement bénédictin riche et influent qui a connu destructions, reconstructions et réformes, notamment la réforme mauriste en 1642, puis la vente à la Révolution en 1793. L'église abbatiale, devenue paroissiale, constitue l'élément majeur du site, mais plusieurs bâtiments monastiques ont également été conservés : l'enclos avec des portions d'enceinte du XIIIe siècle, le bâtiment contigu au moulin (XIVe siècle remanié au XVIe siècle), le logis abbatial (fin XVIe siècle remanié au XIXe siècle), le pavillon édifié en 1758-1759 et les ailes du cloître du XVIe siècle. Le moulin, implanté dans l'enclos au nord d'un bras secondaire de l'Iton et figurant sur un plan de 1578, est une construction du XVIIIe siècle en rez-de-chaussée et étage sous toiture, en moellons calcaires et brique, avec un niveau supérieur en pan de bois, qui abrite à la fois le moulin et la maison du meunier. Des aménagements datés de 1825 ont créé des déversoirs et vannages et ont installé une nouvelle mécanique ; seule la roue a depuis disparu. Le moulin présente l'intérêt d'avoir juxtaposés des éléments anciens et plus récents : des meules en bois du XVIIIe siècle et des dispositifs « à l'anglaise » du XIXe siècle (grand rouet, rouet latéral, meule, chambre de bluterie). L'église Saint-Taurin est dédiée à Taurin, premier évêque d'Évreux, et le monument bénéficie de protections au titre des monuments historiques : la tour Saint-Taurin classée en 1840, l'église classée en 1846 et divers vestiges inscrits par arrêté du 2 octobre 1996. Selon la tradition, le tombeau de saint Taurin aurait été découvert par Landulf au VIe siècle, qui fit édifier un oratoire en bois détruit lors des invasions normandes à la fin du IXe siècle. Après le traité de Saint-Clair-sur-Epte et la réorganisation de la Normandie, l'abbaye fut fondée sous l'autorité de Richard Ier ; Robert le Magnifique la plaça ultérieurement sous la dépendance de l'abbaye de la Trinité de Fécamp, qui la restaura comme maison d'hommes. L'établissement subit des destructions pendant les conflits entre ducs de Normandie et rois de France : en 1195 la ville et l'abbaye furent incendiées lors de la prise d'Évreux par Philippe Auguste et durent être presque entièrement reconstruites. Des actes de 1197 et du 13 avril 1203 rapportent des donations et des droits accordés à l'abbaye par le comte de Meulan Robert II. Au XIIIe siècle, Gilbert de Saint-Martin, élu abbé, rendit l'abbaye indépendante et fit exécuter la châsse de saint Taurin ainsi que le portail sud ; en octobre 1259 le roi Louis IX visita l'abbaye à l'occasion du sacre de Raoul de Grosparmi. L'instauration du régime de la commende entraîna une décadence jusqu'à l'intervention des mauristes en 1642, qui trouvèrent l'église en ruine et firent démolir les trois dernières travées de la nef avant de construire le portail actuel de style classique. Pendant la Révolution, le frère Louis Janthia fut conduit à Paris et exécuté le 26 juillet 1794, tandis que l'église servit de salpêtrière ; elle fut rendue au culte en 1801 et devint église paroissiale en remplacement de l'église Saint-Gilles. Le chœur date du XVe siècle et est de style gothique, alors que la nef mêle des éléments romans du XIIe siècle (piliers et arcatures du bas-côté nord, pilier sud-ouest de la croisée) et des voûtes, fenêtres et un triforium nord de style gothique du XVe siècle, avec des accessoires de style Renaissance. À l'extérieur on remarque le portail classique du XVIIe siècle et le portail sud, dont le tympan martelé représente le Christ entouré des Évangélistes figurés par des corps humains et des têtes animales symboliques. Les verrières de l'abside, datant du XVe siècle, racontent la vie légendaire de saint Taurin ; deux grandes verrières du chœur du même siècle représentent la Dormition et l'Ascension ; des verrières intermédiaires du XIXe siècle relatent la légende de saint Leufroy ; la verrière du croisillon sud, également du XVe siècle, montre un évêque et plusieurs saints, et les verrières du bas-côté sud, réalisées par Max Ingrand, illustrent Noé après le déluge, le sacrifice d'Isaac, le pressoir mystique et la Messe. La statuaire comprend, entre autres, une statue de saint Fiacre du XVe siècle et un saint Michel du XVIIe siècle dans le croisillon nord, un bas-relief en marbre du XVIIe siècle et un retable en bois du XVIe siècle dédiés aux litanies de la Vierge dans une chapelle latérale, une Vierge à l'Enfant du XVIIe siècle à l'entrée du chœur et, dans le chœur, une statue moderne de saint Taurin signée Gérard Vincent. L'orgue, établi en 1842 par Callinet et Daublaine, a été restauré en 1974 par Alfred Kern. La châsse de saint Taurin, exécutée au XIIIe siècle sur l'ordre de Gislebert de Saint-Martin, est en bois et argent recouverte d'une feuille d'or repoussé et présente un décor retraçant la légende du saint. La richesse historique et architecturale de l'ensemble, du moulin aux verrières et objets liturgiques, fait de l'ancienne abbaye Saint-Taurin un ensemble patrimonial majeur d'Évreux.