Origine et histoire de l'Église Saint-Thibaud
L'église Saint-Thibaud, également appelée Notre-Dame-de-Saint-Thibaud, est une église romane implantée à Brageac, dans le Cantal, sur un belvédère dominant les gorges de l'Auze. Son origine se rattache à l'ermitage fondé par Tillo, racheté et converti par saint Éloi sous le règne de Dagobert Ier, qui séjourna d'abord à l'abbaye de Solignac, fut envoyé en mission, devint son second abbé puis se retira vers 659 dans la vallée de l'Auze à la grotte qui porte aujourd'hui son nom. Pour rassembler ses disciples il établit un monastère appelé Brajecte, où il réunit une trentaine de moines de l'ordre de Saint-Benoît avant de retourner à Solignac, où il mourut en 707. Le premier oratoire fondé à Brageac fut détruit en 732 lors de l'invasion sarrasine, puis le site resta abandonné pendant environ cinq siècles. L'église actuelle, dont les caractères architecturaux datent de la fin du XIe ou du début du XIIe siècle, a été édifiée après la fondation, vers 1100, d'un monastère de femmes de l'ordre de Saint-Benoît par les frères Guy et Raoul d'Escorailles, qui rapportèrent d'Orient les reliques de saint Côme et de saint Damien, encore vénérées dans l'édifice. Le vocable Notre-Dame-de-Saint-Thibaud renvoie à saint Thibaud, abbé des Vaux-de-Cernay, mort en 1247, réputé pour sa dévotion à la Vierge. Jusqu'à la Révolution, l'église dut remplir simultanément les fonctions d'église paroissiale et d'église abbatiale. Classée au titre des monuments historiques par la liste de 1862, elle est considérée comme l'un des plus beaux témoins de l'art roman dans le Cantal.
L'édifice se compose de trois nefs terminées chacune par une abside semi-circulaire et d'un transept ; les nefs étaient à l'origine divisées en quatre travées, dont deux abritaient autrefois la tribune des dames, mais une restauration du XIXe siècle a supprimé une travée, de sorte que l'on compte aujourd'hui trois travées. La croisée du transept est surmontée d'une tour carrée qui sert de clocher et comporte une porte placée à six mètres au‑dessus du sol. Le chevet roman, en pierre de taille et couvert de lauzes, présente une abside centrale et deux absidioles, reposant sur un soubassement de moellons, renforcées par des contreforts plats et percées de fenêtres limousines dont la fenêtre centrale est surmontée d'un cordon de billettes ; la maçonnerie porte de nombreuses marques de tâcheron et des trous de boulin témoignant des échafaudages. La façade occidentale et les murs latéraux ont été largement remaniés au XIXe siècle ; la façade moderne comporte un portail cintré à triple voussure, un écusson d'abbesse au‑dessus de l'archivolte, un grand oculus central et quatre contreforts, dont deux à redents.
L'intérieur se caractérise par un jeu d'appareils alternant des pierres de teintes variées qui animant murs, piliers, colonnes et arcs. Les nefs, le transept et le chœur sont voûtés en berceau, les bas-côtés présentent des voûtes d'arêtes et les absides des voûtes en cul-de-four ; la croisée est couverte d'une coupole moderne au‑dessus de laquelle s'élève la tour, le passage du plan carré à l'octogone étant d'origine. Les nefs sont séparées par deux rangées de piliers carrés, chaque face portant une colonne engagée terminée par un chapiteau à tailloir carré. Les bases, mieux sculptées que les chapiteaux, comportent deux tores ornés de rinceaux, entrelacs, larges feuilles, roses, serpents et autres motifs ; on dénombre environ 120 décors sculptés sur colonnes et colonnettes.
Les chapiteaux présentent une grande variété de motifs historiés : pampres, entrelacs, personnages humains, griffons affrontés, griffons buvant dans un calice, lions, colombes, aigles, cerfs broutant un arbuste, guerriers en cotte de mailles, masques vomissant des entrelacs, ainsi que têtes monstrueuses d'où sortent tiges et feuilles. Les pignons du transept comportent deux œils-de-bœuf, l'un orné d'un tore circulaire, l'autre d'un damier, et les fenêtres de l'abside et des absidioles sont décorées intérieurement de colonnettes à chapiteaux historiés.
Parmi les richesses conservées, le reliquaire de l'absidiole gauche renferme les crânes de saint Côme et de saint Damien rapportés d'Orient par Guy et Raoul d'Escorailles ; l'église abrite également la « bourse » de saint Til, des calices, des patènes, des ostensoirs et une croix reliquaire. Elle possède enfin la plus ancienne cloche du département, datée de 1466 et encore en état de fonctionnement.