Origine et histoire de l'Église Saint-Thomas
Église Saint-Thomas, située place Saint-Thomas dans le centre historique de Strasbourg, est un édifice majeur du Bas-Rhin, classé au titre des monuments historiques depuis 1862. Considérée comme la « cathédrale du protestantisme en Alsace », elle est le seul exemple régional d'église-halle et l'unique église protestante ayant conservé un chapitre de chanoines. Un lieu de culte dédié à l'apôtre Thomas occupe ce site depuis le VIe siècle et l'évêque Saint Florent y fut inhumé. Au IXe siècle, l'évêque Adeloch fit reconstruire une église et une école, et le chapitre chargé de gérer leurs biens fit sculpter vers 1130 le sarcophage roman de l'évêque. Après des destructions par incendie en 1007 et par la foudre en 1144, une reconstruction importante débuta en 1196, privilégiant une façade fortifiée et une tour-porche aux proportions romanes et aux fenêtres gothiques. Les travaux, interrompus à plusieurs reprises, se poursuivirent jusqu'en 1521 avec l'achèvement de la chapelle des Saints-Évangélistes, conservant un caractère gothique tardif.
La Réforme s'y implanta dès 1524 avec la première célébration en langue vernaculaire et l'adoption du culte luthérien, puis le chapitre anima la vie protestante locale à partir de 1529. Martin Bucer, pasteur à Saint-Thomas, joua un rôle important dans la diffusion du protestantisme et dans les tentatives d'union des différentes tendances réformatrices. Les traités de Westphalie de 1648 consacrèrent le statut religieux dans la région et un chanoine de Saint-Thomas, Marc Otto, fit partie des signataires. Après la restitution de la cathédrale Notre-Dame au culte catholique en 1681, Saint-Thomas devint la principale église protestante de Strasbourg. Aux XVIIIe et XIXe siècles, le chapitre comprit des personnalités juridiques et œuvra pour la protection des biens protestants, tandis que le XIXe siècle fut marqué par des débats liturgiques et un renouveau musical et choral.
L'église subit des dégâts importants lors de la guerre de 1870 et connut ensuite des développements liés à l'annexion et aux relations entre les Églises locales et le protestantisme français. À la fin du XIXe siècle, des réformes liturgiques et musicales y furent mises en œuvre, notamment par Friedrich Spitta, Julius Smend et par l'élaboration d'un recueil de chants pour l'Alsace-Lorraine. Après la Seconde Guerre mondiale, l'édifice fit l'objet d'aménagements successifs ; une restauration menée en 1987 adapta certains espaces pour un usage polyvalent, libérant la nef latérale sud pour des expositions et permettant l'accueil de concerts. La paroisse rassemble aujourd'hui plusieurs centaines de fidèles et célèbre chaque dimanche deux cultes luthériens, l'un en allemand et l'autre en français.
Sur le plan architectural, l'église se caractérise par une halle à cinq vaisseaux de même hauteur, surmontée de deux tours-clochers — une tour carrée à l'entrée et une tour hexagonale sur la croisée du transept. L'édifice mesure environ soixante-cinq mètres de longueur, trente mètres de largeur et vingt-deux mètres de hauteur, atteignant près de trente mètres sous la coupole de la croisée ; les nefs latérales extérieures comportent des tribunes et des chapelles gothiques tardives entourent le chœur. Le mobilier et la musique y ont une grande renommée, grâce notamment au grand orgue de tribune réalisé par Johann Andreas Silbermann en 1741, loué par Mozart, restauré à plusieurs reprises et classé au titre des monuments historiques. Une association créée en 1964 a piloté la restauration menée par le facteur Alfred Kern en 1979, qui a entraîné le déplacement de la console originale dans la nef latérale nord-ouest, et l'instrument conserve son tempérament d'origine dit « ton français » en sol.
L'orgue de chœur, construit d'après des plans d'Albert Schweitzer par la manufacture Haerpfer-Dalstein en 1906, améliore l'accompagnement du chœur paroissial et témoigne de l'implication de Schweitzer dans la vie musicale de l'église. Parmi les monuments funéraires figurent le sarcophage roman de l'évêque Adeloch, conservé dans la partie sud-est, et le grand mausolée baroque du maréchal de Saxe, œuvre de Jean-Baptiste Pigalle, dont la réception publique constitua un acte de reconnaissance du protestantisme. La fresque gothique tardive représentant saint Michel terrassant le dragon, attribuée à Jost Haller et dévoilée lors de travaux en 1885, compte parmi les plus vastes peintures murales de ce type en France. La rosace de la façade contient des vitraux médiévaux dont la composition centrale a été préservée malgré plusieurs restaurations, et des vitraux contemporains conçus par Gérard Lardeur ont été installés dans les fenêtres du chœur en 1985.
Trois lustres en laiton de la première moitié du XIXe siècle sont classés au titre des monuments historiques, et les fonts baptismaux octogonaux, attribués à la fin du XVe siècle, ont été réinstallés à l'intérieur vers 1975. La sonnerie actuelle comprend six cloches après l'ajout en 2009 de quatre cloches coulées par la fonderie A. Bachert, complétant le bourdon de 1783 et formant l'une des plus importantes sonneries protestantes de France. Le Chapitre demeure responsable du séminaire protestant voisin et du Foyer Jean Sturm, assurant la continuité des fonctions cultuelles et éducatives liées à l'église.