Origine et histoire de l'Église Saint-Trojan
L'église Saint-Trojan, de style roman saintongeais, se situe à Rétaud en Charente‑Maritime, en région Nouvelle‑Aquitaine. Paroissiale et dédiée à saint Trojan, elle a été édifiée par le chapitre de Saint‑Eutrope de Saintes vers le milieu du XIIe siècle (1140‑1150). L'édifice comprend une nef de trois travées, une quatrième travée reprise au XVe siècle qui porte un clocher octogonal, puis un chœur terminé par une abside en hémicycle voûtée en cul‑de‑four et éclairée par cinq fenêtres inscrites dans des arcades en plein cintre. La nef, à l'origine voûtée en berceau, a vu sa voûte remplacée à une date indéterminée par une charpente ; ses travées sont séparées par de fortes demi‑colonnes aux chapiteaux nus. Six fenêtres en plein cintre, étroites à l'extérieur et encadrées de colonnettes d'angle, percent les murs, et un banc de pierre court le long du mur de la nef. La quatrième travée est flanquée de quatre piliers qui supportent le clocher ; ils sont reliés par de larges arcs ogivaux à fortes moulures prismatiques et réunis par une voûte ogivale à huit voûtains autour d'un trou à cloches formant clé de voûte. L'église a subi des attaques pendant les guerres de Religion : son clocher a été mis en état de défense et quelques fenêtres ont été partiellement bouchées, laissant apparaître des meurtrières. L'édifice est classé au titre des monuments historiques depuis 1862.
L'intérieur est sobre ; la sculpture romane se concentre dans le chœur et l'abside. Le chœur, peu éclairé et sans grand décor, est néanmoins souligné par deux bandeaux sculptés qui ceignent le sanctuaire, l'un au niveau des tailloirs des chapiteaux, l'autre à environ 2,5 mètres du sol. Des traces de litres funéraires des XVIIe‑XVIIIe siècles entourent la nef et le chevet, avec des écussons identifiables des familles de Guillard (1783) et de Brétinauld de Saint‑Seurin. Les deux colonnes de l'arc triomphal portent chacune un chapiteau bifacial historié ; dans ces scènes se voient des hommes aux prises avec des lions bicorporés et d'autres figures qui tiennent des queues ou des tresses de chevelure, ainsi que des masques et animaux fantastiques. Dans l'abside, certains chapiteaux sont historiés tandis que neuf d'entre eux présentent un décor végétal ; les corbeilles offrent des compositions symétriques mêlant personnages, animaux indéterminés et masques maléfiques, et plusieurs scènes montrent des lions, des oiseaux et des figures humaines aux attitudes rituelles.
La façade occidentale, d'allure romane simple, comporte deux étages courts ; l'étage supérieur, pignonné, est percé d'une petite ouverture cintrée. Le rez‑de‑chaussée est occupé par un portail en plein cintre à trois voussures peu ornées et un tympan grossièrement maçonné ; de chaque côté se trouvent des baies aveugles en tiers‑point encadrées de colonnes à chapiteaux reposant sur une banquette et supportant une corniche à modillons. La corniche est décorée d'une série de modillons et de métopes : parmi les douze modillons figurent un monstre ailé, un oiseau, un lion à la queue fleurdelisée, ainsi que des têtes humaines paisibles et des motifs végétaux ; les métopes portent des motifs géométriques ou de feuillages. Quatre chapiteaux de la façade présentent un répertoire atypique mêlant têtes humaines, chimères à tête d'oiseau, masques diaboliques et décor végétal, et le pignon comporte un remploi sculpté représentant un masque de félin tenant une proie.
Le clocher, placé à la croisée d'un transept limité à de puissants contreforts, présente une tour octogonale percée sur chaque face d'une longue fenêtre tréflée et des contreforts datés du XVe siècle, tandis que sa souche est manifestement plus ancienne. L'abside compte sept pans répartis en avant‑chœur, pans latéraux et pans fermant le chevet ; chaque pan est séparé par des contreforts‑colonnes cannelés dont le diamètre décroît par paliers et qui montent depuis une banquette jusqu'à la corniche, leurs chapiteaux étant sculptés de motifs végétaux. Chaque pan se développe en trois registres : un niveau inférieur en assises obliques, un premier étage de grandes baies en plein cintre ou à arcs légèrement brisés — dont cinq encadrent une fenêtre aux cintres posés sur colonnes d'angle — et un étage supérieur composé d'une longue arcature portée par fines colonnettes, le tout rehaussé d'archivoltes richement ornés et d'une décoration finement sculptée sur le mur.
Autour de l'abside se trouvent près de quarante modillons, dont trente‑trois figurés, qui illustrent les thèmes traditionnels de la sculpture romane: démons, monstres, animaux à connotation pécheresse, pécheurs conduits vers l'Enfer, ainsi que quelques figures pouvant être interprétées comme des autoportraits de sculpteurs. On y retrouve aussi des symboles de luxure (deux lions inversés, un cochon, un lapin), des représentations de « professions maudites » telles que des acrobates et d'autres scènes variées ; on note l'absence apparente de musiciens parmi ces modillons. Pour un complément d'information sur l'iconographie et le symbolisme des modillons, se référer aux études spécialisées citées dans la documentation.