Origine et histoire de l'Église Saint-Vincent
L'église Saint-Vincent, située à Cros (Gard), est inscrite au titre des monuments historiques depuis 1961. Construite sur un mamelon dominant le Vidourle, elle a toujours été isolée au milieu d'un habitat dispersé composé d'une quinzaine de hameaux. Son implantation pourrait être liée à la draille de transhumance dite « collectrice du col de l’Asclié » et le vocable de Saint Vincent est attesté dès 1314 sous la forme ecclesia de Sancto Vincencio de CROSO. Le prieuré qui y avait son siège était simple et séculier, d'abord dépendant du chapitre cathédral de Nîmes, puis, en 1740, rattaché à la mense du séminaire et collège d'Alais.
L'édifice, daté par ses caractéristiques architecturales de la fin du XIe ou du début du XIIe siècle, se compose d'une nef unique de deux travées prolongée par une abside semi-circulaire et ne comporte ni travée de chœur ni chapelles latérales. Les dimensions intérieures de la nef sont de 6,25 m et 6 m de profondeur pour 5,20 m de largeur, la longueur extérieure atteint 18,85 m et la largeur sans la sacristie 8,90 m. La nef, beaucoup plus élevée que le sanctuaire, est voûtée en berceau sur des arcs doubleaux reposant sur des piliers engagés partant du sol, détail rare dans la région où l'on trouve souvent des consoles ou des appuis sur mur. Le sanctuaire en cul-de-four, appareillé, est précédé d'un arc en plein cintre à double rouleau ; son sommet atteint 7 m contre 10 m pour la nef.
L'éclairage provient d'un oculus percé dans le mur triomphal, de deux fenêtres en plein cintre à double ébrasement du côté sud et d'une fenêtre axiale haute dans le pignon ouest ; le mur nord est aveugle sauf pour une petite fenêtre de la sacristie. La sacristie, adossée au nord-est de la première travée, est un ajout moderne attesté depuis le XVIIe siècle. À l'extérieur, l'abside repose sur une embase concentrique et s'ordonne autour de deux lésènes latérales reliées par une bande lombarde dont trois arcs subsistent au sud après des reprises anciennes. Les murs en calcaire local sont parementés en petit appareil allongé, d'une épaisseur moyenne de 1,35 m, et les poussées sont contrebutées par de faibles contreforts de 0,34 m. La couverture actuelle en tuiles à canal, posée directement sur la voûte, a sans doute remplacé une toiture d'origine en lauzes.
Le petit clocher-mur à une arcade, situé au-dessus du mur occidental, correspond probablement à un ancien clocheton réparé à plusieurs reprises ; la cloche porte la date de 1843. La porte principale conserve son emplacement primitif ; son arc est constitué de trois rouleaux en plein cintre dont l'arc intérieur a une hauteur libre de 2,95 m, sans décor ni chapiteaux, avec un tracé légèrement lombard. La porte en bois est moderne et surmontée d'une imposte vitrée ornée d'un décor en fer forgé représentant vraisemblablement les instruments du martyre de saint Vincent, d'une facture relativement récente. Le sol de la nef montre des pavés noirs irréguliers dégagés lors de la restauration, dont un gravé d'une croix de Malte en creux qui peut indiquer l'emplacement d'une sépulture ; le chœur est surélevé en deux paliers et pavé de grandes dalles rectangulaires.
L'église a connu de nombreuses interventions et usages au fil des siècles : paroisse d'origine du diocèse de Nîmes, elle a traversé la Réforme au XVIe siècle et les troubles des guerres de Religion. Des visites épiscopales signalent des réparations à entreprendre et, au début du XVIIIe siècle, l'état solide du bâtiment malgré la nécessité de restaurations ponctuelles. Après la révocation de l'édit de Nantes, des travaux de 1686 prévoient notamment l'aménagement de galeries pour accroître la capacité de l'église ; l'acte notarié de cette période mentionne 650 habitants dans la paroisse et l'utilisation de poutres provenant de la destruction du temple. En décembre 1702, des incendiaires brûlèrent la porte et les tribunes sans détruire l'édifice et le culte put rapidement reprendre. En 1740 le prieuré est réuni à la mense du séminaire et collège d'Alès, et en 1756 la construction d'un presbytère est réalisée ; à la même époque une voûte fut aménagée dans la nef pour y établir une tribune aujourd'hui disparue.
Pendant la Révolution, l'église, le presbytère et le jardin furent déclarés biens nationaux ; le bâtiment ne fut pas vendu mais le jardin et le presbytère le furent en 1809. Aux XIXe et XXe siècles, les offices y furent célébrés de façon intermittente ; des familles locales fournissent en 1843 la cloche et des objets du culte. Des contestations de propriété au XXe siècle ont été tranchées en faveur de la commune. Une commission de sécurité ordonna la fermeture au public en 1997 ; après un projet avorté une réhabilitation menée sous le contrôle de la DRAC et de l'architecte du patrimoine Nathalie d'Artigues fut conduite en 2012, puis l'église fut officiellement inaugurée le 31 mai 2013. L'ensemble de l'édifice, homogène malgré quelques reprises, conserve des caractères romans qui permettent de le situer à cheval sur les XIe et XIIe siècles.