Période
Xe siècle (?), XIe siècle (?), XIIe siècle, XIIIe siècle, XIVe siècle, XVIe siècle, XVIIIe siècle
Patrimoine classé
L'église (cad. ZC 58) : classement par arrêté du 22 novembre 2002
Origine et histoire de l'Église Saint-Vincent
L’église Saint-Vincent, située au centre du village de Saint-Vincent-de-Pertignas en Gironde, s’élève sur la route départementale D127E1. Elle est bâtie sur les vestiges d’un édifice préroman attesté notamment par des traces dans le mur sud de la nef, et a conservé un état roman des XIIe et XIIIe siècles caractérisé par un plan simple : une nef, un faux transept surmonté d’un clocher à coupole et un chœur en abside semi-circulaire. Le clocher a été fortifié au XIVe siècle, ce qui explique la présence d’une bretèche sur sa face occidentale. Le portail ouest offre un riche décor sculpté : chapiteaux historiés et voussures à motifs végétaux, le tympan étant un ajout gothique. À l’intérieur, l’arc triomphal du chœur et les piles de la coupole sont ornés de chapiteaux historiés, représentatifs de l’art roman vers 1140, qui illustrent notamment la Tentation et le Sacrifice d’Abraham ; le chœur porte par ailleurs un décor peint du XIXe siècle. Aux XVIe et XVIIIe siècles, divers aménagements ont modifié l’édifice : élévation du clocher, voûtement d’ogives de la nef, construction de la sacristie (1728) et d’une chapelle nord (1737), et adjonction d’un cadran solaire sur le mur sud (1744). Les voûtes d’ogives ont fait l’objet d’une restauration au XIXe siècle et une croix de mission datée de 1857 se trouve dans le cimetière. L’édifice a été classé au titre des monuments historiques en 2002.
Le programme iconographique roman extérieur repose sur une quinzaine de chapiteaux plus ou moins bien conservés, dont beaucoup ont perdu leurs têtes lors d’actes iconoclastes ; les deux zones principales se situent dans les ébrasements du portail occidental et dans l’ensemble croisée-sanctuaire, tandis que le programme secondaire, modillonnaire, disperse figures animales et humaines entre la façade et le chevet. La facture des sculptures renvoie au XIIe siècle et au moins deux ateliers ont participé au chantier. Les compositions du portail s’inspirent en partie de l’art régional bordelais et du répertoire de l’abbaye de La Sauve-Majeure, avec par exemple une frise d’acanthes sèches sur une voussure et des tailloirs comparables.
Dans l’ébrasement nord, le chapiteau dit N1 montre un homme léché par six lionceaux ; souvent identifié à tort comme Daniel, il relève plutôt d’un commentaire moral visant l’hypocrisie du faux prédicateur. Le chapiteau N2 représente un musicien et deux danseuses, motifs profanes fustigés comme prélude à la luxure ; N3 illustre la Présentation de l’Enfant au Temple avec Joseph, Marie, Syméon et les colombes du sacrifice, et N4, très abîmé, figure une scène de pugilat associée à la condamnation de la zizanie et de la colère. Côté sud, S1 est trop usé pour être lisible, S2 montre un avare agenouillé entre deux personnages renversés et symbolise la condamnation de l’avarice, S3 représente saint Michel terrassant le dragon et S4 mêle un léopard et un entrelacs végétal évoquant l’auto‑emprisonnement par ses propres paroles.
Les modillons, disposés autrefois en plusieurs rangées sur la façade et le chevet, ne sont aujourd’hui que partiellement conservés ; figurent parmi eux des motifs tels qu’un tonnelet de vin, des loups, une figure exhibitionniste ou ithyphallique et des sujets dits « invertis », qui relèvent du même registre moral et satirique que les chapiteaux. À l’intérieur, les grandes corbeilles des piliers de la coupole présentent des volutes, des masques et une iconographie narrative où huit des dix‑huit têtes ont été martelées.
Les quatre piliers de la coupole développent des scènes allégoriques et bibliques : le pilier nord‑ouest oppose deux centaures à deux sirènes‑oiseaux, centrant la lutte entre protection terrestre et tentation ; le pilier sud‑ouest relate le sacrifice d’Isaac avec Abraham, Isaac, l’ange et le bélier‑substitut ; le pilier nord‑est oppose un homme aux sollicitations charnelles représentées par une créature hybride et présente aussi un ange offrant les signes de l’Eucharistie, tandis que le pilier sud‑est illustre la Tentation d’Adam et Ève et l’expulsion du paradis. Un chapiteau intérieur montre encore des tiges à fruits comparables à l’arum et des masques qui renforcent la portée négative du thème.
Enfin, la fenêtre axiale de l’abside est encadrée par deux chapiteaux : au nord, deux sirènes-poissons vieillies et grimaçantes tiennent une tige fleuronnée, composition attestant une filiation avec des modèles de La Sauve‑Majeure ; au sud, un lion entouré de rinceaux présente des lianes qui jaillissent de son corps et l’enserrent. Ces sculptures, tant extérieures qu’intérieures, forment un ensemble iconographique cohérent destiné à l’édification morale des fidèles et des pèlerins.