Origine et histoire de l'Église Sainte-Anne
L'église Sainte-Anne de Norrey-en-Auge, située sur les premiers reliefs du pays d'Auge dans le Calvados, est un édifice catholique classé au titre des monuments historiques. Son noyau roman remonte au XIe siècle : la nef, qui compte quatre travées et des bas-côtés, illustre les premiers essais de l'architecture religieuse en Normandie. Vers 1045, Hugues et Robert de Grandmesnil firent entreprendre la fondation d'une abbaye à Norrey, mais le projet fut abandonné au profit de la restauration de Saint-Évroult ; les moines présents furent ensuite déplacés et l'église, donnée en dotation à l'abbaye de Saint-Évroult, perdit sa vocation abbatiale, donation confirmée par une charte de 1050. L'édifice dépendit de l'abbaye de Saint-Évroult jusqu'à la Révolution, puis fit l'objet d'une restauration en 2007 grâce au mécénat et attire aujourd'hui environ 4 000 visiteurs par an.
Sur le plan architectural, l'église suit le schéma de la croix latine : une tour carrée peu élevée coiffe la croisée du transept et est surmontée d'un toit à huit pans couvert d'ardoises, tandis que le chœur, reconstruit au XIIIe siècle, se termine par un chevet plat de deux travées soutenu par de solides contreforts. Le portail d'entrée, percé au XIIIe siècle dans le bas-côté sud selon Lucien Musset, présente un triple ressaut porté par trois colonnettes et chapiteaux et est protégé par un porche daté du XIVe siècle; la façade occidentale est percée d'une grande baie en tiers-point du XIIIe siècle. Les parties les plus anciennes, dont le pignon occidental, sont en appareil en arête-de-poisson et ont été pour partie recouvertes d'un crépi lors de travaux d'assainissement ; une description de 1701 signale l'édifice construit en moellons et pierre de taille calcaire, voûté, long de 85 pieds sur 30 de large, avec un clocher autrefois couvert d'essentes.
L'intérêt majeur de l'intérieur réside dans l'alternance des supports, piles rectangulaires et piliers cylindriques, premier exemple connu de ce principe en Normandie, qui rythment les arcades en plein cintre de la nef. Ces arcades retombent sur des impostes au décor inhabituel en Normandie; une colonne du côté sud porte un chapiteau très mince orné de volutes. L'éclairage provient de baies percées au XIIe siècle lors d'un surhaussement des murs est et ouest, d'une grande fenêtre occidentale en tiers-point percée aux XIIIe ou XIVe siècles, et d'une petite baie en plein cintre du premier niveau, vestige des ouvertures romanes dégagée au XXe siècle.
Le transept, malgré des remaniements au XIIIe siècle, conserve un caractère roman : il est voûté sur la croisée d'ogives mais les croisillons sont couverts d'un simple plafond en bois, et la tour repose sur quatre arcs diaphragmes en plein cintre. L'arc qui ouvre sur le chœur est à double rouleau et porte des piliers rectangulaires encastrant des colonnes surmontées de chapiteaux à très grands tailloirs ; l'un de ces chapiteaux porte une inscription obituaire dédiée à Osbern, abbé de Saint-Évroult mort en 1066, qui cependant n'a pas été enterré dans l'église.
Le chœur du XIIIe siècle est éclairé par de hautes baies en tiers-point à deux ou trois lancettes et couvert lui aussi par une voûte d'ogives. Les murs conservent des peintures murales importantes : au-dessus des arcades de la nef, deux scènes du XIIe siècle, rares en Normandie, représentent l'entrée du Christ à Jérusalem côté sud et l'adoration des mages côté nord. Le chœur et le transept présentent des vestiges peints de diverses époques médiévales, notamment des arcatures en tiers-point et des représentations comme la dormition de la Vierge attribuées au XIVe siècle.
Un vitrail de 1874 réunit deux panneaux médiévaux figurant la Visitation et sainte Marguerite, assise sur un monstre ailé. Trois bas-reliefs du XVIe siècle, restaurés à la fin du XIXe siècle, sont insérés dans le maître-autel du chœur, et des lambris de demi-revêtement du XVIIIe siècle sont classés à titre d'objets. L'église Sainte-Anne de Norrey-en-Auge témoigne ainsi d'une longue histoire monastique et paroissiale et d'une riche stratification architecturale et décorative du XIe au XIXe siècle.