Origine et histoire de l'Église Sainte-Croix
L'église Sainte-Croix de Saint-Malo, située dans le quartier de Saint-Servan (Ille-et-Vilaine), est un édifice catholique de style classique. Construite entre 1715 et 1743 par des ingénieurs du Roi — notamment Amédée Frézier et Siméon Garangeau — avec l'architecte et entrepreneur Jean Datour, elle remplace une ancienne église paroissiale des XVIe‑XVIIe siècles dont subsiste une arcade ornée dans le soubassement nord. Consacrée en 1743 et pavée en 1785, l'église fut dévastée pendant la Révolution ; de 1795 à 1801 elle servit de grange à fourrage avant d'être rendue au culte en 1801. La tour et les trois premières travées furent reconstruites entre 1828 et 1840 d'après des plans de Julien Leclair et Hamon soumis à Victor Baltard. L'édifice est inscrit au titre des monuments historiques depuis le 17 décembre 1970.
L'intérieur se compose d'une nef flanquée de bas-côtés, précédée d'un porche surmonté d'une tour-clocher dont la porte est ornée d'un fronton soutenu par quatre colonnes. La nef est séparée des collatéraux par une série de sept arcades reposant sur des piliers massifs de section carrée, avec des tailloirs moulurés ; les voûtes, formées d'ogives plates et peintes, retombent sur une corniche saillante. Le chœur est couronné d'une coupole nervurée appuyée sur un rond-point percé de grandes arcades, autour duquel court un déambulatoire communiquant avec les bas-côtés ; les chapelles latérales, ouvertes sur le déambulatoire et les collatéraux, sont voûtées. L'essentiel de la décoration intérieure date du XIXe siècle.
L'architecture extérieure, sobre et monumentale, se caractérise par un portique et une tour en granit bleu taillé ; un clocher carré à dôme domine les toits de l'ancien arsenal et l'anse Solidor. L'église possède quatre cloches coulées à la fonderie Cornille‑Havard de Villedieu‑les‑Poêles : Pierre d'Aleth (1885, 4,355 tonnes, 2,00 m, note SOL2), Flavie Louise (1861, 3,5 tonnes, 1,80 m, LA2), Marie‑Louise‑Mathurine (1870, 2,5 tonnes, SI2) et Charlotte Eugénie Arsène (1861, 0,7 tonne, 0,90 m, SOL3). Les vitraux actuels, réalisés en 1962 par Joseph Archepel, ont remplacé un ensemble primitif de Julien‑Léopold Lobin.
Les deux orgues de l'église sont classés au titre des monuments historiques depuis 1980. L'orgue de chœur, commandé en 1846 et construit en 1847 par Dominique et Aristide Cavaillé‑Coll, porte la marque « Cavaillé‑Coll, père et fils, facteurs d'orgues du Roi, 1845 » sur sa console ; relevé en 1884 et restauré par Charles Mutin en 1911, il dispose d'une console retournée à deux claviers manuels de 54 notes, d'un pédalier de 30 notes, de quinze jeux réels et d'une transmission mécanique. Les grandes orgues, commandées en 1882 et réalisées par Aristide Cavaillé‑Coll puis inaugurées en 1885, ont été relevées par Mutin en 1911, modifiées en 1961‑1962 par les maisons Wolf et Chéron, puis restaurées en 1987‑1989 par Philippe Émeriau qui a restitué leur état romantique d'origine ; elles comportent une console retournée à trois claviers manuels de 56 notes, un pédalier de 30 notes, trente‑sept jeux réels, une traction mécanique pour le tirage des jeux et une transmission mécanique pour les notes avec machine pneumatique au grand orgue.
La statuaire comprend des statues disposées sur les piliers, une chaire offerte par Napoléon III et un maître‑autel en marbre ; une chapelle est dédiée à saint Clément, patron des mariniers, et sainte Philomène y est également représentée. Une plaque commémore Guillaume Dufresne d'Arsel (1688‑1738), marin qui prit possession de l'île nommée Isle de France (aujourd'hui île Maurice) et planta du café de Moka à l'île Bourbon (aujourd'hui La Réunion). Au milieu du XIXe siècle, le curé fit exécuter des peintures en grisaille pour les écoinçons du chœur par Claude Curry, œuvres ensuite remplacées en 1853‑1854 par Louis Duveau par des allégories et des saints ; en 1855 Duveau réalisa le décor de la nef avec une série de saints et, sous la tribune de l'orgue, figurent en pendant l'Ange de la mort et l'Ange de la vie.
Parmi les cérémonies remarquables qui s'y sont tenues figurent les obsèques de Louis Duchesne le 2 mai 1922 et le mariage de Guy La Chambre et de la chanteuse Jeanne Odaglia dite Cora Madou le 23 avril 1938.