Origine et histoire de l'Église Sainte-Eulalie
L'église Sainte-Eulalie, située au 13 place Sainte-Eulalie à Bordeaux (Gironde), est un exemple régional d'architecture gothique complété au début de l'époque moderne, restauré au milieu du XVIIIe siècle et agrandi entre 1901 et 1903 par l'ajout d'une travée occidentale et d'une nouvelle façade. D'origine très ancienne, l'édifice s'élève sur une chapelle du VIIe siècle ; un monastère fondé par le roi Dagobert Ier en l'honneur de saint Pey lui succède et, après la donation par Sigebert III d'une relique d'un bras de sainte Eulalie, le lieu prend ce nom. Une communauté de moniales bénédictines est attestée au VIIe siècle, mais le monastère est incendié par les Sarrasins lors de la bataille de Bordeaux. Sous Charlemagne une chapelle est érigée pour abriter les reliques de sept évangélisateurs de la Novempopulanie — saint Clair, saint Géronce, saint Sever, saint Babyle, saint Policarpe, saint Jean et saint Justin — reliques qui sont ensuite cachées à l'arrivée des Normands. Au XIIe siècle une nouvelle église est construite pour accueillir les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle et consacrée par l'archevêque Guillaume Ier dit le Templier en présence d'Henri II Plantagenêt. Aux XIIIe et XIVe siècles l'édifice est modifié par l'ajout de deux nefs latérales et par l'édification d'un chevet gothique ; intégré à la ville par la troisième enceinte, il marque alors un angle des remparts et sa voûte occidentale porte une inscription de 1398. Au XVe siècle l'est est reconstruit pour édifier une abside polygonale ; deux chapelles y sont ajoutées et la chapelle Saint-Clair reçoit le bâton de saint Roch ainsi que les reliques de saint Clair. Le bâton, daté du XVIe siècle, jouit d'une réputation de guérison et attire la vénération des lépreux, qui utilisaient une porte nord dite « Porte des lépreux ». Le clocher, endommagé par la foudre, est détruit au XVIIIe siècle. En 1639 une chapelle des Corps-Saints est aménagée pour recevoir les châsses contenant les corps des sept martyrs authentifiées antérieurement par le cardinal de Sourdis ; celui-ci institue aussi une procession entre Sainte-Eulalie et la cathédrale Saint-André, procession observée jusqu'en 1880 et représentée sur un vitrail de Joseph Villiet. La grille de style Louis XV rocaille est l'œuvre du maître ferronnier Blaise Charlut et un lutrin monumental, provenant du couvent des Carmes, illustre des épisodes de la vie du prophète Élie. Les châsses commandées par le cardinal de Sourdis sont redorées en 1826 (mention « Michaut, doreur ») et restaurées entre 2014 et 2018. Des vérifications et des procès-verbaux relatifs aux reliques ont été dressés à plusieurs reprises — notamment en 1807 par Mgr d'Aviau, en 1863 par le cardinal Donnet et par une commission présidée en 2018 par Didier Monget — et, malgré des rumeurs de dispersion en 1793 démenties dès 1865, certaines pièces ont disparu tandis que les os attribués à saint Clair subsistent, accompagnés d'authentiques et de certificats. Pendant la Révolution l'église sert d'entrepôt pour des œuvres d'art provenant d'autres églises de Bordeaux et le cimetière qui la bordait au nord disparaît. Au début du XIXe siècle la paroisse renaît grâce à l'action de prêtres, de paroissiens et de personnalités telles que Mademoiselle de Lamourous, le père Chaminade et le père Noailles. Le 3 février 1822, dans un oratoire de la rue Mazarin aujourd'hui détruit, une vingtaine de témoins déclarent avoir vu apparaître sur l'hostie consacrée l'image du Christ bénissant lors d'une bénédiction dirigée par l'abbé Delort ; l'archevêque Charles François d'Aviau ordonne une enquête menée par des théologiens et des médecins et publie des conclusions favorables. L'église accueille les reliques des saints martyrs gascons et a vu passer des figures religieuses telles que Guillaume Chaminade, Thérèse de Lamourous et Pierre-Bienvenu Noailles ; Louis Martin, père de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, y est baptisé en 1823. Au début du XXe siècle le portail gothique occidental est supprimé, la façade occidentale entièrement reconstruite et l'édifice agrandi ; au début des années 1970 Jean-Louis Tauran a exercé la fonction de vicaire à Sainte-Eulalie. L'édifice est classé au titre des monuments historiques en 1840 et inscrit en 2004.