Origine et histoire de l'enceinte romaine
L'enceinte gallo-romaine du Mans, édifiée à la fin de l'Antiquité tardive autour de la cité alors nommée Vindinum ou Vindunum, a longtemps été datée de la fin du IIIe siècle mais des études récentes situent désormais sa construction au début du IVe siècle, au moins pour sa partie orientale. Les recherches montrent qu'il s'agit d'un ouvrage planifié et coûteux, réalisé avec l'accord des autorités impériales et victime d'un important investissement de main-d'œuvre et de ressources, signe de la richesse et du statut de la ville, selon Joseph Guilleux. La muraille a conservé une fonction défensive au Moyen Âge et a été préservée, en partie, parce que son élévation servait de soutènement à la ville haute et parce que des bâtiments se sont adossés à elle ensuite. D'une longueur initiale estimée à 1 300 mètres, l'enceinte est aujourd'hui très bien conservée sur environ 500 mètres et révèle des ornementations géométriques polychromes qui, selon Joseph Guilleux, n'ont « pas d'équivalents en France » ; ces teintes rouges ont valu au Mans le surnom de « ville rouge ». Classée au titre des monuments historiques depuis 1862, l'enceinte fait l'objet d'une candidature au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2016.
Implantée sur le plateau de Sargé entre la Sarthe et l'Isaac, la cité connaissait une occupation ancienne et une évolution urbaine marquée : après une période d'expansion aux Ier–IIe siècles, la ville se contracte au IIIe siècle et l'enceinte répond à la nécessité de protéger un périmètre réduit. La construction a entraîné des arasements estimés entre 4 et 13 hectares et a intégré, dans son plan, l'alimentation et l'évacuation des eaux ; elle enfermait une superficie d'environ 8,5 hectares, la ville étant au maximum d'une dizaine d'hectares au IVe siècle, superficie comparable aux nouvelles villes fortifiées contemporaines. Le projet a été élaboré par un spécialiste de l'architecture militaire et mis en œuvre par plusieurs équipes travaillant par tranches : la durée minimale du chantier est estimée à trois ou cinq ans avec un effectif important, mais il a pu s'étaler plusieurs décennies si l'on réduit l'effectif ; Joseph Guilleux évoque lui-même une durée d'environ dix ans.
Architecturalement, l'enceinte formait approximativement un rectangle de 450 × 200 mètres et s'adaptait au relief du plateau ; la courtine, large d'environ 4 à 4,5 mètres à la base et haute d'environ 10 mètres, était couronnée d'un parapet et protégée par un glacis extérieur. Le dispositif comptait près de quarante tours, espacées tous les 20 à 40 mètres selon les secteurs, et comportait au moins six poternes et trois portes, dont la porte Saint‑Martin, remarquablement conservée dans les sous-sols d'une maison médiévale. Aujourd'hui subsistent la totalité du tracé en sous-sol et une grande partie visible du mur, essentiellement sur la façade occidentale le long de la Sarthe, avec onze tours et trois poternes identifiées.
La construction repose sur un noyau d'opus caementicium entre deux parements, avec une succession de bandes de briques plates et de moellons polychromes issus du réemploi et de carrières locales ; le volume de la courtine et des tours a été évalué à quelque 70 000 m3 et les briques utilisées, au nombre d'approximativement 400 000, présentent des dimensions majoritairement de 32 × 26 cm, parfois plus grandes. Le mortier de chaux, estimé à 60 000 tonnes, se décline en deux formules — un noyau blanc-beige et un mortier de parement riche en tuileau de teinte rose — dont l'examen permet de suivre les étapes du chantier. Le bois a servi aux échafaudages et à des pieux de fondation, comme en témoignent des trous de boulins et des pieux mis au jour lors de fouilles.
Le parement extérieur se distingue par une polychromie soignée — grès roussard, calcaires clairs et briques rouges — et par des motifs géométriques variés disposés en registres réguliers ; quatorze types de décors ont été répertoriés et combinés pour éviter la monotonie, traduisant une tradition constructive locale attestée sur d'autres vestiges de la région tout en trouvant des parallèles plus éloignés. Les blocs de réemploi, choisis avec soin et parfois ciselés, figurent sur une à trois assises à la base de la muraille et proviennent d'éléments monumentaux ou funéraires antérieurs.
De l'Antiquité jusqu'à l'époque moderne, l'enceinte a été modifiée, réparée et intégrée au tissu urbain : au haut Moyen Âge elle a accueilli des fonctions religieuses et politiques, des portes et tours ont été transformées en oratoires ou en édifices comtaux, puis la muraille a été adaptée à l'artillerie et complétée de fossés et d'enceintes complémentaires au Moyen Âge et à l'époque moderne. À partir du XIXe siècle et jusqu'au XXe siècle, des percées urbaines et des travaux (creusement de tunnels, ouvrages d'accès) ont entraîné des destructions significatives, tandis que s'est développée une documentation érudite et scientifique sur le monument.
Les recherches archéologiques se sont intensifiées depuis la fin du XIXe siècle et surtout depuis les années 1980, avec des fouilles, des études des matériaux et des datations archéométriques qui ont fait évoluer les propositions chronologiques ; des découvertes récentes, notamment des monnaies et des datations de sections orientales, confortent une datation pour certaines parties entre 320 et 360. Depuis les années 1980, des campagnes de dégagement, de restauration et de mise en valeur ont permis de rendre accessible une grande partie de la façade ouest, d'ouvrir des promenades et des jardins archéologiques, d'illuminer le monument et de développer des actions de médiation et des événements culturels. L'enceinte reste l'objet de recherches pluridisciplinaires et d'un dossier de valorisation et de gestion patrimoniale lié à la candidature UNESCO.