Origine et histoire
L'ensemble orthodoxe Saint-Michel-Archange, composé de l'église, du presbytère et du parc, a été inscrit au titre des monuments historiques en 2022. Le quartier de la Californie fut d'abord investi par des hivernants russes, puis, à la Belle Époque, par une colonie anglaise sur les hauteurs; le bas du quartier comportait déjà de nombreuses villas russes mais aucune église à proximité. Le culte s'y exerçait dans des chapelles privées, notamment dans la villa Alexandra propriété des Tripet-Skrypitzine, jusqu'à l'initiative de l'archiprêtre Grégoire Ostrooumoff et du grand-duc Michel de Russie pour créer un lieu de culte public. Alexandra Tripet-Skrypitzine céda un terrain de 1 750 m2 et une souscription lancée au sein de la communauté russe permit de financer les travaux ; les plans furent confiés à l'architecte Louis Nouveau. La première pierre fut posée le 23 avril 1894 et l'église, conçue selon le modèle traditionnel de la croix grecque précédée d'un clocher-porche, prévue pour 400 fidèles, couverte de tuiles vernissées et surmontée d'une unique coupole, fut consacrée le 22 novembre 1894. Le clocher-porche fut achevé et béni en 1896, les sept cloches venues de Russie ayant été offertes par Ivan Ivanovitch Elaguine, et le presbytère, aujourd'hui dénommé villa Saint-Michel, compléta l'ensemble en 1897. Plusieurs acquisitions foncières au début du XXe siècle constituent l'emprise actuelle ; parmi les principaux donateurs figurent, outre le grand-duc Michel, Fedor Pavlovitch Tchikhacheff (iconostase et dons), l'empereur Nicolas II, le prince Serge M. Galitzine, des membres de la famille impériale, de nombreuses familles russes hivernantes, ainsi que des organismes locaux comme le Syndicat des Maîtres d'Hôtels et l'Association de Commerçants de Cannes ; en 1904 le baron Alphonse de Rothschild fit un don important et l'impératrice douairière Maria Feodorovna offrit l'un des terrains complémentaires. Le Comité pour la construction, présidé par le grand-duc Michel, rassemblait des membres de la noblesse et des notables russes et français, avec la participation de l'archiprêtre Ostrooumoff; sur ordre du métropolite Palladie de Saint-Pétersbourg il se constitua en société civile, la Société civile de l’Église russe de Cannes, propriétaire des terrains et des constructions. L'église devint rapidement un lieu de sociabilité central pour la colonie russe, particulièrement après 1917 lorsque la villégiature se transforma en lieu d'exil : elle fut tantôt le cadre de divergences religieuses, à l'origine notamment de la création de l'église Saint-Tikhon, tantôt le lieu de rassemblements pour des cérémonies et inhumations de personnalités russes. Elle développa aussi une vocation culturelle, avec la constitution d'une chorale au rayonnement régional, et le clergé de Cannes assura des fonctions dépassant le strict cadre local, ce qui valut à la paroisse d'être élevée au rang d'évêché en 1939, statut conservé jusqu'en 2014. Les années 1927-1929 furent marquées par des alignements et des divisions juridictionnelles : certaines paroisses de la région se rallièrent au métropolite Euloge sous l'autorité du Patriarcat œcuménique, tandis que Cannes connut une période confuse avant de se rattacher au synode de Karlovci; dans la pratique, deux juridictions cohabitèrent parfois, l'une célébrant dans l'église et l'autre desservant une chapelle aménagée au presbytère. Le XXe et le début du XXIe siècle virent également des épisodes de tensions et de contentieux concernant la gouvernance et l'affiliation de la paroisse, aboutissant en 2014 à un vote des paroissiens pour le rattachement à l'archevêché des églises orthodoxes russes en Europe occidentale du Patriarcat œcuménique de Constantinople, suivi de procédures civiles et ecclésiastiques. La crypte de l'église a accueilli plusieurs personnalités russes et locales : y furent inhumés le grand-duc Nicolas Nikolaïevitch de Russie et son épouse Anastasia de Monténégro, dont les cendres furent exhumées en avril 2015 puis transférées à Moscou; y reposent également le grand-duc Pierre Nikolaïevitch et son épouse Militza, le prince Pierre d'Oldenbourg, la résistante Hélène Vagliano et des membres de sa famille, ainsi que l'archevêque Grégoire Ostrooumoff et son épouse. L'ensemble conserve la mémoire de la présence russe sur la Côte d'Azur et témoigne des liens religieux, sociaux et culturels tissés par cette colonie.